La politique budgétaire

1. Les notions

Les soldes budgétaires, les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques

  • Le solde public : c’est la différence entre les ressources publiques (impôts, cotisations, autres recettes) et les dépenses publiques (personnel, fonctionnement, intervention, etc.).
    • On l’exprime en valeur absolue ou plus souvent en pourcentage du PIB.
    • En déficit depuis 1975 en France (-2,9 % en 2017 ; -2,6 % en 2018 (p)).
    • Le déficit est un flux qui alimente le stock de dette (96,8 % en 2017 et 2018).
    • Prévisions de déficit construites selon des hypothèses d’inflation et d’élasticités en recettes (1,2 en 2016 : +1,9 % vs. +1,6 % Y en valeur) et tendanciel de dépenses (env. +20 Md€ par an). Depuis la création du HCFiP, moins d’écart entre prévision et exécution (crédibilité).
  • Le solde structurel : c’est la différence entre le solde budgétaire et le solde conjoncturel (construit par rapport à Y*).
    • Le solde structurel permet de neutraliser les effets du cycle économique.
    • Référence des organisations internationales, permet de mesurer l’effort structurel.
    • -2,2 % en 2017 ; -2,1 % en 2018 (PLF 2018).
  • · Les autres soldes budgétaires
    • Le solde primaire : solde budgétaire neutralisé des intérêts de la dette (-0,8 % en 2018). Mesure la soutenabilité budgétaire.
    • Le solde stabilisant : solde budgétaire à partir duquel le ratio dette/PIB se stabilise. Solde stabilisant = (taux d’intérêts réels – taux de croissance) * ratio dette/PIB. Objectif à atteindre pour stabiliser la dynamique de la dette. Egal à 3 % si la croissance du PIB en valeur est de +5 %, les taux d’intérêts réels de 0 % et la dette de 60 %.
    • Mais l’interprétation de ces soldes doit être relativisée car leur calcul dépend de la conjoncture (croissance et taux d’intérêt).

Evolution prévisionnelle des principaux agrégats budgétaires sur 2017-2022 (source : PLF 2018, en % du PIB)

Les justifications de l’endettement et le multiplicateur keynésien

  • Les justifications théoriques de l’endettement public (ensemble des emprunts émis ou garantis par les administrations publiques et dont l’encours résulte de l’accumulation des déficits publics) :
    • Investissement public (vs. dépenses de fonctionnement) dans la mesure où les générations futures en bénéficient.
    • Arrow & Lind (1970) : l’Etat s’endette à meilleur coût (diversifie le risque et le dilue pour les contribuables). Le marché de la dette publique est liquide (transactions rapides et peu coûteuses) et profond (peut réaliser des transactions en grande quantité sans variation majeure des cours). Les obligations souveraines représentent une réserve de valeur (support de transactions), mais aussi un collatéral (garantie) apporté aux banques centrales et un placement pour les compagnies d’assurance et fonds de pension). Notamment vrai pour le Dollar : monnaie d’échange internationale => forte liquidité => endettement à bas coût.
    • Tax smoothing : le recours à l’endettement public permet de lisser le niveau des PO sur le cycle et de minimiser les distorsions fiscales (Barro, 1979).
    • Stabilisateurs automatiques : l’endettement permet de lisser les variations du cycle (Nelson & Plosser, 1982 : ex. tax cut Kennedy en 1962 IR/IS 2,3 pts PIB : stimulus pour réduire le chômage : -1,5 pt).
    • Se prémunir contre des risques durables de dysfonctionnement des marchés : not. effets d’hystérèse sur le marché du travail (Blanchard & Summers, 1986).
    • Aussi dans le secteur privé : accompagner les phases de croissance de l’entreprise en finançant son fonds de roulement ou le décalage entre investissement et cash-flow généré. Alternatives : autofinancement ou augmentation du capital.
  • Le multiplicateur keynésien (relation entre la variation des dépenses publiques et la variation du revenu qu’elle génère)
    • Kahn, 1931 puis Keynes, 1936 : le déficit public génère une production supplémentaire, qui est proportionnel selon un facteur k (le multiplicateur).
    • Mesure discutée mais certain que 1/ plus élevée en bas de cycle (Robert Lucas à un journaliste du Times le 28 octobre 2008 : « Dans les tranchées, tout le monde est keynésien »), 2/ différent en dépenses et en PO (selon les pays : ex. France plus élevé en dépenses ; USA plus élevé en PO), 3/ dépend de la nature des hausses de dépenses ou des baisses de PO, 4/ dépend enfin du niveau d’endettement public et des marges de manœuvre budgétaires (cf. infra).
    • Quelques études expérimentales :
      • Baisse du taux moyen de taxation de -1 % => hausse de l’offre de travail de +0,5 % (Chetty, 2011 : ex. réformes au DK).
      • A l’inverse, hausse fiscalité +1 % PIB => baisse de 3 % du PIB au cours des trois années qui suivent (Romer, 2010 : ex. USA depuis SGM).
      • Impact hausse dépenses plus élevé dans régions où revenu/hab plus faible : k = 1,6 en moyenne, 3 au max (Serrato, 2016).
      • Mauvaise allocation des dépenses possible : ex. FEDER effet positif sur le revenu dans seulement 30 % des cas : régions où la qualité des services publics est déjà intermédiaire et où faible biais politique dabs l’allocation des ressources publiques (Becker, 2013).
    • Théorème d’Haavelmo (1989) : une relance budgétaire est aussi possible sans emprunt, par la hausse des PO, mais multiplicateur plus faible (proche de 1).

Les critiques de l’endettement

  • Les incidences macro-économiques de l’endettement public
    • L’équivalence néo-ricardienne (Barro, 1974) : tout déficit budgétaire est analysé par les agents économiques comme une hausse d’impôt future (épargnent le surcroît de revenus plutôt que de le consommer). Se vérifie empiriquement à partir de 90 % de PIB d’endettement : perte de 1 à 3 points de Y* (Reinhart & Rogoff, 2009). Par ailleurs, effet d’éviction au détriment de l’investissement privé : à prévenir par une politique monétaire accommodante (policy-mix : stratégies de combinaison de la politique budgétaire et de la politique monétaire).
    • La charge de la dette : handicape la conduite de la politique monétaire. Ex 41,5 Md€ pour le budget de l’Etat en France (PLF 2018), 2è budget derrière l’enseignement scolaire.
    • Existence d’une prime de risque : hausse des taux d’intérêts pour les pays déjà endettés (effet « boule de neige »), notamment quand détention de la dette par des non-résidents (2/3 en FR vs. 7 % au Japon). OCDE : au-delà de 75 % de dette/PIB, +1 pt de dette/PIB => +10 pts de base de taux d’intérêts.
    • Par ailleurs, l’ouverture économique a aussi réduit le multiplicateur budgétaire : effet d’éviction au profit de consommation importée (creuse le déficit commercial sans stimuler la production nationale). Ex. relance de 1 % PIB en 1981 => inflation 13,4 %, déficit -2 pt, balance commerciale -10 Md€ (en € courants).
=> Réussite d’une relance budgétaire = endettement public soutenable, tissu économique réactif (fonctionnement des marchés financiers, du travail et des biens et produits), bonne gestion publique et réactions adaptées des autorités monétaires pour éviter un effet d’éviction. Ex. Recovery Act 2008 (5,5 % du PIB) : pas encore d’étude mais corrélation avec hausse Y et baisse chômage.
  • La dynamique de l’endettement public
    • Loi de Wagner (1872) : progrès économique => hausse du ratio dépenses publiques/PIB. Dépenses d’investissement public pour soutenir le développement éco (ex. infrastructures) + production de services publics pour répondre aux besoins (éducation, santé, logement : biens dont la consommation augmente plus vite que le PIB).
    • Notion de soutenabilité : une dette publique est jugée soutenable si, compte tenu des prévisions de dépenses et de recettes publiques, l’Etat ne risque pas de se trouver face à une crise de solvabilité ou à une obligation d’ajustement irréaliste des finances publiques.
    • Solvabilité : capacité à rembourser le capital de ses dettes et à payer les intérêts qu’elle implique. Un Etat est solvable quand sa dette publique reste soutenable. Dépend du stock de dette, du déficit, de la croissance potentielle et des taux d’intérêts. Dt = Dt-1 x (r – Y*)
    • Différence avec une crise de liquidités : cas dans lequel un Etat n’est plus capable de s’endetter pour financer son déficit car les créanciers refusent de lui prêter (rôle des agences de notations). Ex. de la Grèce ou de l’Argentine : n’ont plus accès aux marchés, nécessite aide internationale (FMI) et/ou défaut/austérité.

Comment réduire sa dette ?

  • Trois voies de réduction de l’endettement public :
    • Par la croissance : taux de croissance en volume (y c inflation) supérieur aux taux d’intérêts (ex. Trente Glorieuses : réduction lente ex. USA 116 % PIB en 1945 => 22 % PIB en 1974)
    • Par le solde budgétaire : dégager un excédent primaire (ex. Allemagne +1,2 %)
      • Par la hausse des PO ou la réduction des dépenses ? Dépend du multiplicateur fiscal : selon DG Trésor (2012), +1pt PO = -0,4 Y vs. -1pt DP = -0,8 Y
      • Alesina & Ardagna (2009) : pour les économies surendettées, la réduction du déficit restaure la confiance et augmente l’investissement privé. La consolidation budgétaire est donc expansionniste à moyen terme quand le multiplicateur budgétaire est bas (inférieur ou égal à 1 : ~0,8 en UE). Les agents anticipent des baisses d’impôts futures (Friedman, 1957 : théorie du revenu permanent)
    • Par la répression financière (Reinhart & Sbrancia, 2011) : orienter l’épargne privée vers le refinancement de la dette publique pour réduire les taux d’intérêts en-dessous de la croissance (ex. accord FED-Roosevelt en 1942 maintien taux bas). Mais mauvaise allocation du capital (McKinnon & Shaw, 1973) et perte de croissance potentielle.
  • Dans tous les cas, la stratégie doit dépendre de la situation du pays : des multiplicateurs budgétaire et fiscal ; de l’existence d’une crise de liquidités ou de solvabilité. Si crise de liquidités, aide internationale. Si crise de solvabilité, inutile de prêter davantage, il faut restructurer la dette (rééchelonner et/ou réduire) + consolider le déficit. Rogoff (2009) : 300 défauts souverains depuis le XIXème siècle (ex. France et USA après la PGM). Questions : aléa moral + burden sharing entre les créanciers (effets redistributifs). Effet positif possible sur la Y* si le défaut permet de financer de nouveaux investissements publics utiles.
=> Réduire sa dette est un « marathon, pas un sprint » (FMI, “The Good, the Bad, and the Ugly: 100 Years of Dealing with Public Debt Overhangs”, 2012).

2. Les outils

L’ajustement par la dépense : le cas des pays anglo-saxons et de l’Allemagne

  • Une réduction des dépenses publiques…
    • Déclenchement lorsque la dette publique approche 100 % PIB du fait de déficits cumulés (-9,2% déficit en 1994 au Canada puis excédent +0,2 % en 1997 ; Suède 12 % déficit en 1993 et 80 % dette en 1995 ; Allemagne déficit -4,1 % en 2010 vs. +0,8 % en 2016)
    • Réduction des dépenses de masse salariale (gel des salaires et réduction d’effectifs dans la fonction publique), de fonctionnement (Digital By Default au RU) et d’intervention (redéfinition des missions du secteur public, plafonnement des prestations sociales au RU et réduction en Allemagne avec Hartz IV) => forte sélectivité des baisses de dépenses (ex. -2,4 % dépenses en volume au RU entre 2009 et 2012 cf. France Stratégie, 2015)
    • Des règles de gouvernance : budgets triennaux en Suède avec plafonnement des dotations ministérielles, règle d’or (pour les budgets locaux en Suède, Schuldenbremse à 0,35 % de déficit structurel pour le budget fédéral en Allemagne), hypothèses de croissance prudentes, dépenses calées sur les prévisions de recettes et comités budgétaires indépendants (ex. Congressional Budget Office aux USA)
  • …Rendue possible par un contexte macro-économique favorable
    • Une croissance mondiale autour de 4-5 % dans la décennie 1990s
    • Un contexte d’inflation et de dévaluation monétaire (dépréciation de 25 % du CAD // à l’USD : 1 USD = 0,63 CAD en 2002 ; Vidal, 2010 : dévaluation de la couronne suédoise a accru les exportations)
    • Un risque de handicaper la croissance potentielle : faiblesse des investissements publics en Allemagne (Duval, 2013 : 1,5 % du PIB, soit inférieur à la moyenne OCDE), prise en charge insuffisante de la petite enfance (OCDE, 2014) et démographie négative (25 M de retraités en 2030)
=> Des réformes jusqu’ici improbables en France mais rendues possibles par la reprise conjoncturelle ?

L’ajustement par les recettes : le cas de l’Irlande et de la France

  • En Irlande : transmission de la crise financière à la crise des finances publiques
    • « Tigre celtique » : une croissance de 5 à 10 % a fait diminuer de moitié le ratio dette/PIB durant la décennie 1990
    • Mais bulle immobilière et recapitalisation des banques => 32 % déficit en 2010
    • Dette publique de 25 % PIB en 2007 à 124 % en 2013 (*5)
  • En France : une préférence collective pour la dépense publique
    • Un écart de 6,5 pts de PIB en DP par rapport à la moyenne OCDE, en particulier sur les dépenses sociales (système de retraites = 3/4 de l’écart) et rigidité des dépenses dans leur composition (France Stratégie, 2016)
    • Peu d’efforts structurels sur la dépense publique (11 Md€ d’économies avec la RGPP ; 29 Md€ avec le plan d’économies 2015-2017 mais toujours calculées par rapport au tendanciel : les dépenses ont continué à évoluer en volume) => dette proche de 100 % de PIB
    • Historiquement, une politique budgétaire peu coordonnée avec le cycle économique : depuis 1980, seulement 6 % cas consolidation en phase haute et 11 % relance en récession.
  • Un ajustement brutal après 2008
    • En France entre 2009 et 2015, +3,6 pt de PIB en PO (entreprises et ménages) alors que les DP continuaient d’augmenter de +0,7 pt => pèse sur les facteurs de production et réduit croissance effective (inférieure à 1 % entre 2012 et 2015)
=> Un impact négatif de la consolidation budgétaire sur la croissance (OFCE, 2017 : -0,4 pt en 2015 et -0,2 pt en 2016 et 2017)
  • En Irlande, consolidation budgétaire aux 2/3 par les PO, soit +12 % PIB (introduction d’une taxe foncière et d’une taxe sur l’eau par ex. : pression fiscale +1 000 € / foyer). Aussi effort en dépenses (réduction de la masse salariale de 17 %) et aide internationale pendant 3 ans (FESF et FMI = 67 Md€)
=> Retour d’une croissance élevée (5,2 % en 2016) et réduction du déficit (-0,6 % en 2017 ; OAT à 10 ans inférieures à 2 %) mais défis à relever (taux de pauvreté x 2, chômage des jeunes, endettement privé, fin du dumping fiscal)

3. Les défis

Les conditions pour réussir un désendettement

  • Les conditions historiques pour la réussite des stratégies de désendettement
    • Etude du FMI (2012), “The Good, the Bad, and the Ugly: 100 Years of Dealing with Public Debt Overhangs” : Entre 1875 et 1997, plus de la moitié des pays industrialisés ont dépassé le ratio de 100 % dette/PIB
    • Un environnement monétaire accommodant est une condition sine qua non. Ex. USA après 1945 (PM non conventionnelle : achat de titres publics et taux très bas => l’inflation résorbe l’endettement)
  • Le lien entre politiques de dévaluation interne et dette en temps de crise
    • Paradoxe de Fisher (1933) : en période de crise, le désendettement public entraine chômage et croissance faible. Boucle dépressive : demande privée déprimée => déflation => récession => augmente la valeur réelle de la dette.
Ex. Royaume-Uni après 1914 passe de 100 à 200 % dette/PIB (consolidation budgétaire+ PM restrictive pour rétablir parité étalon-or d’avant-guerre). Idem politique du « franc fort » sous Laval en 1935.
  • De Grauwe (2013) : Depuis 2008, pays où la consolidation a été la plus forte en UE ont connu la plus forte baisse de PIB et d’accroissement de la dette => inefficacité des consolidations si récessives (càd si réalisées par la hausse des PO ou la baisse de dépenses productives).
  • Par contraste, politiques de relance budgétaire efficaces lorsque le multiplicateur keynésien est élevé et que l’équivalence néo-ricardienne ne joue pas ex. New Deal (impulsion de +1,5 % PIB en 1934). DeLong & Summers, 2012 : multiplicateur budgétaire supérieur à 1 en moyenne OCDE (1,2 en France pour l’OFCE) et taux d’intérêt faibles = opportunité pour augmenter l’investissement public.

L’encadrement européen et international

  • Aujourd’hui, la politique budgétaire au sein de l’UEM est soumise à des règles…
    • Kydland & Prescott (1977) : incohérente temporelle des politiques budgétaires
    • Pacte de stabilité (1997), TSCG (2012) : 3 % déficit, dont 0,5 % structurel, 60 % dette et définition OMT par pays
    • Déclinaisons nationales : loi organique du 17/12/2012 en France
    • Pb de crédibilité : des règles jamais appliquées ? (Conseil européen de 2005)
  • …Mais elle est également contrainte par la compétition fiscale
    • Réduction généralisée de l’impôt sur les sociétés (CEPII, « Impôt sur les sociétés : tous à 0 % ? », 2005). Ajd 25 % en moyenne UE contre 33 % en 1999 : réduction à 20 % au Royaume-Uni, 12,5 % en Irlande, 29,6 % en Allemagne mais stabilité norme fiscale, perspective 25 % en France en 2022 et réduction de 35 % à 15 % aux USA avec Trump. Facteur d’attractivité du territoire (mais pas le seul : infrastructures, formation, etc).
    • Politiques de dévaluation interne, ex. Espagne depuis 2011 :
      • Amélioration de la compétitivité-prix et des exportations (excédent commercial de +4 % PIB en 2015), hausse de la profitabilité des entreprises (+3 pts), baisse des salaires réels (-10 %)
      • Croissance de 3,2 % en 2016, chômage à 17 % vs. 26 % en 2013, mais déficit public 3,3 % en 2017 (tjs jugé excessif par la CE) et dette publique ~ 100% PIB
=> Politiques budgétaires non coopératives permettent de relancer la croissance mais ne résolvent pas la question de l’endettement public

Trois orientations pour la politique budgétaire en France pour 2017-2022

  • Opérer une réduction sélective des dépenses publiques : sphère sociale (objectif -40 Md€ d’ici 2022, impossible sans un effort sur les retraites et l’assurance-maladie : Ondam à 2,3 % sur le quinquennat vs. 1,75 % en 2016), collectivités territoriales (effort de 13 Md€ sur les dépenses de fonctionnement plutôt que sur les dépenses d’investissement, réduction de la masse salariale) et fonction publique (-100K fonctionnaires sur le quinquennat = -2,8 Md€ en cumulés ; aussi gel du point d’indice : +1 % masse salariale des trois FP = +900 M€ et rétablissement du jour de carence : 170 M€ d’économies par an).
  • Recours au levier fiscal marginal (notamment sur les 450 niches, soit 82 Md€, ex. TVA réduite restauration = 2,6 Md€ de moindres recettes pour un secteur non exposé à la concurrence internationale). Baisses de fiscalité sur les ménages (TH, cotisations salariales) mais hausses de fiscalité comportementale (tabac, diesel). Simplifications pour les entreprises : transformation du CICE en allègements généraux de cotisations employeurs en 2019.
  • Recycler une partie des économies pour stimuler la croissance potentielle dans un contexte de taux d’intérêt faibles : financement du plan de formation pour les DELD et jeunes décrocheurs, investissements dans la transition écologique (ADEME, Anah, etc.), réduction de la fiscalité sur le capital (IS à 25 %, flat tax à 30 %).
=> Objectif réduction du déficit structurel à 0,8 % en 2022 (mais toujours supérieur à l’objectif du TSCG), réduction DP -3 pts de PIB et PO -1 pt de PIB. Permettra de sortir de la PDE sauf remontée des taux (+100 points de base en 2018 = +3 Md€ de charges d’intérêt dès 2018 et +10 Md€/an à horizon 2022, cf. Cour des comptes, 2017 : en LPFP, le Gouvernement anticipe des OAT à 10 ans à 4 % en 2022).

La protection sociale

1. Les notions

Les modèles de financement de la protection sociale

· Il existe des modèles bismarckiens (cotisations) ou beveridgiens (impôt) pour financer la protection sociale :
o En France : modèle bismarckien en 1945, puis hybridation (création de la CSG : finance aujd 1/3 des dépenses de protection sociale + création du RMI ou de la CMU, attribués sans condition de cotisation préalable)
· La tendance dans l’OCDE depuis 30 ans est celle d’une augmentation continue des dépenses sociales : un effet volume lié à élargissement du périmètre de risques couverts (ex. risque chômage) et des bénéficiaires concernés, un effet prix lié aux revalorisations pour couvrir le coût de la vie.
o En France, le ratio dépenses publiques/PIB a augmenté de 11,4 pts entre 1980 et 2014 dont 60 % du fait des ASSO. Les dépenses de protection sociale (y compris santé) y représentent 1/3 du PIB, soit autant qu’au Danemark et 5 points de plus qu’en moyenne dans la zone euro. Cette préférence collective pour la socialisation des dépenses de protection sociale soulève un enjeu de financement et d’allocation des ressources (cf. infra sur le coin socio-fiscal).
o Aujourd’hui, le déficit de la Sécurité sociale est notamment lié à la branche assurance-maladie (-4,1 Md€ en 2017, soit environ 5 % du déficit public). Ce déficit est lié au vieillissement démographique ainsi qu’aux inefficiences de l’organisation du système de soins et de prévention en France [CAE, 2013]. Il soulève un enjeu d’équité intergénérationnelle pour le financement de la dette sociale.

Les enjeux macro-économiques de la protection sociale

  • Les politiques de redistribution divisent par trois les inégalités de revenus en France (écart de 20 à 6 entre les 2 déciles extrêmes). Dû pour les 2/3 aux prestations sociales et pour 1/3 à la fiscalité. Coefficient GINI relativement faible (0,30 contre 0,33 en Italie ou 0,36 au Royaume-Uni) ;
  • Les minima sociaux réduisent l’intensité de la pauvreté mais pas son niveau, qui est surtout lié au marché du travail (ex. 8,9 M de pauvres en 2015, soit +1 million par rapport à 2008 du fait de la crise économique) ;
  • MAIS interrogations sur l’efficience de ces dépenses : la socialisation de certains risques induit-elle une déresponsabilisation des agents économiques ? (ex. 70k morts du tabac/an en France et coût sanitaire de 26 Md€/an selon Kopp, 2015) ;
  • Par ailleurs, la protection sociale modifie les préférences individuelles : est-ce le rôle de la puissance publique ? (ex. les trappes à inactivité modifient la fonction d’offre de travail et conduisent à un équilibre sous-optimal du marché du travail).

Les enjeux micro-économiques de la protection sociale

  • L’existence et le développement de la protection sociale permet de soutenir les gains de productivité (Wheeler, 1980 : le développement du capital humain via l’éducation ou la santé contribue positivement à la croissance du PIB) ;
    • Ex. de la formation professionnelle continue : un effort moyen de 11h de formation/an et par salarié génère un gain de productivité de +1 %, récupéré entre 30 % et 50 % par les travailleurs sous la forme de revalorisations salariales (Crépon, 2009) ;
  • Elle permet également de réduire le taux d’épargne de précaution des ménages et mieux allouer les ressources au sein d’une économie nationale ;
    • Ex. dépenses de protection sociale en Chine 9 % du PIB et taux d’épargne des ménages à 37 % du RDBMAIS le coin socio-fiscal modifie la croissance potentielle et le chômage naturel (cf. séance sur le marché du travail) ;
  • En économie ouverte, un modèle de protection sociale dont le financement est assis sur les facteurs de production mobiles (ex. cotisations employeurs) apparaît moins soutenable et génère des effets d’éviction (moindre compétitivité-prix) ;
  • D’où des interrogations sur une modification de la structure du financement de la protection sociale (ex. développement de la CSG, « TVA sociale », montée en charge de la fiscalité environnementale) ;
    • S’il n’existe pas d’assiette miracle, la fiscalité environnementale est la plus favorable à la croissance potentielle à long terme (selon une étude de la DG Trésor en 2011, une hausse de la taxe carbone couplée à une réduction des cotisations sociales et un renforcement du CIR aurait un impact de +0,6 point sur le PIB et de +125k sur l’emploi à horizon 10 ans).

2. Les défis

Faire face aux incidences économiques du vieillissement démographique

  • Baisse de la natalité (ex. INSEE : -7 % en FR depuis 1980) et allongement de l’espérance de vie (+8,5 ans dans la même période) induisent des effets micro- et macro-économiques contrastés (Artus, 2015) :
    • L’inflation décroît avec le vieillissement et le solde extérieur s’améliore car insuffisance de la demande interne (ex. Allemagne)
    • Absence de lien empirique avec l’évolution du taux d’épargne des ménages (≠ théorie du cycle de vie)
    • Pas de diminution de l’aversion au risque ni de l’effort de R&D et effets contrastés sur les gains de productivité
    • Pas de corrélation avec les prix des actifs (actions, immobilier)
=> Au total, ralentissement du PIB / tête et impact incertain sur le progrès technique
  • Un enjeu de soutenabilité budgétaire
    • La hausse du taux de dépendance global (retraités / actifs) génère une contrainte de financement pour les systèmes de retraite :
      • 3 leviers de réforme des régimes de retraite par répartition (déficit de -0,4 % PIB en 2021 et -0,8 % en 2030 selon le COR, 2017) : taux de cotisation, taux de remplacement, durée de la vie active (piste privilégiée jusqu’ici : soit par le recul de l’âge légal des départs en retraite, soit par l’allongement de la durée de cotisation)
      • Autres pistes : hausse du taux d’emploi des séniors (v. séance sur le marché du travail), amélioration du solde migratoire ou du taux de fécondité
      • Passage à un système de retraites par comptes notionnels : enjeu d’équité (même taux de rendement) et de fluidité dans les parcours professionnels (2,7 régimes de retraite en moyenne / personne), cf. Bozio & Piketty, 2008.
    • Effet inflationniste sur les dépenses de santé (via les ALD : 15 % de la population en 2011 -> 20 % en 2025, cf. Trésor-Eco, 2015) et de dépendance (+1 pt de PIB de dépenses d’ici 2060 selon la DREES)
    • Un enjeu également pour les économies émergentes (ex. Chine : ratio de dépendance 1,3 actif par sénior d’ici 2050 + épargne de précaution trop importante)

Source : INSEE, projections de population active 2010-2060

Les théories économiques de la fiscalité

  • Pour rappel, la politique fiscale est un instrument de politique économique (Musgrave, 1959) : rôle de stabilisation et de redistribution (objectifs potentiellement contradictoires)
    • Ex. baisser la fiscalité sur le capital pour relancer l’investissement, mais en augmentant les inégalités de patrimoine
  • Théorie de la fiscalité optimale (Mirrlees, 1971) : la fiscalité modifie toujours les choix microéconomiques et les équilibres macroéconomiques
    • Objectif : maximiser les recettes fiscales pour financer les biens publics, tout en minimisant les désincitations aux facteurs de production chez les contribuables (personnes physiques et entreprises) => préférer les assiettes larges et les taux faibles (ex. TVA ou CSG) pour éviter l’effet « Laffer » (Wanninski, 1978).
    • A partir de 80 % de taux d’imposition marginale, la masse des revenus imposables diminuerait (Gruber et Saez, 2012). D’où des propositions comme le « bouclier fiscal » (max. 50 % d’imposition moyenne revenus des personnes physiques, mais ne prenait pas pour référence l’imposition marginale).
  • Théorie de l’incidence fiscale : question de la répartition de la charge effective de l’impôt entre agents économiques (ex. la TVA est-elle répercutée sur les prix ?)
    • Dépend de l’élasticité de l’offre et de la demande (Mankiw, 2007 : cotisations maladie payées in fine par le salarié dans les Etats américains et non par l’employeur car le pouvoir de négociation du salarié est faible : ici, l’offre de travail est faiblement élastique aux variations du prix du travail).
    • Taux de transmission sur les prix des modifications de taux de TVA en France entre 55 et 80 % (Carbonnier, 2006), exception sur la TVA réduite dans la restauration en 2009 : 20 à 45 % seulement (Laffeter et Sillard, 2014)
  • Théorie de la fiscalité comportementale (Pigou, 1920) : internaliser les externalités négatives ou positives produites par les agents économiques
    • En matière sanitaire ou environnementale : désinciter les pratiques nocives (ex. tabac, alcool, pollution). Elasticité de -0,3 à -0,5 (Gallet et List, 2003) de la demande de tabac par rapport au prix ; moins efficace pour les boissons sucrés et les produits gras ;
    • Mais ambiguïté : rendement budgétaire vs. efficacité comportementale (ex. augmentation graduelle du paquet de cigarettes entre 2018 et 2020 : +5 Md€ de recettes attendues alors qu’une hausse one-shot est plus efficace pour réduire la consommation) ;
    • Autres limites : effet anti-redistributif (Finkelstein, 2010 sur le principe d’une « fat tax » ; 1 chômeur sur 2 fume quotidiennement contre 1 Français sur 4) et comportements de contournement et contrebande (Stehr, 2005 : 10 % des cigarettes achetées dans des Etats voisins au sein des USA)
  • Penser la politique fiscale en économie ouverte :
    • Mobilité des facteurs de production : incite à la concurrence fiscale sur le capital et le travail qualifié (ex. flat-tax sur les revenus du capital en Suède puis en France depuis 2018)
    • Réduire la fraude et l’optimisation fiscales (entre 60 et 80 Md€/an en France : difficile d’estimer finement) : échange d’informations entre pays OCDE, harmonisation des modalités de calcul de l’assiette (cf. directive ACCIS dans l’UE) et des taux, réduction du nombre de niches fiscales et prélèvement à la source (Kleven, 2011 sur le système danois : pratiquement aucune évasion fiscale lorsque les revenus sont déclarés par un tiers et qu’il n’y a pas de niche fiscale).

Le commerce international

1. Les notions

La mondialisation économique

  • Les leçons de la première mondialisation (1870-1914)
    • Suzanne Berger, 2003 : « première mondialisation » entre 1870 et 1914 : séries de mutations tendant à créer un seul marché mondial pour l’échange de biens et de services. Lettre Trésor Eco : « Quels enseignements tirer de la première mondialisation ? » (2011) : croissance annuelle moyenne du commerce international de 4 %, supérieure à la croissance du PIB (2,5 %).
      • Causes : baisse des coûts de transports (-40 % coût réel du fret en UK/US) et hausse des migrations (-10% population en Irlande). UK : excédent 9 % de PIB => IDE dans l’Empire ; FRA : 3,5 % du PIB en IDE (Russie, Empire ottoman, Amérique latine).
      • Egalement convergence partielle des prix : ex. alimentaire, écart divisé par 5 entre pays développés. Un faible écart entre partenaires maximise le bien-être du consommateur et l’efficacité productive (Viner, 1950)
    • MAIS l’ouverture trop précoce des secteurs manufacturiers des PVD à la concurrence des économies matures a effondré les productions (Empire ottoman, Inde, Chine fin XIXème) et absence de réciprocité des politiques commerciales (relèvement non coordonné des tarifs douaniers avant 1914, ex. tarif Méline en 1892 en FR +3,2 PP taux de prélèvement douanier ; aux USA taux entre 25 et 60 % sur les biens manufacturiers jusqu’en 1913 ; en UK principe de la « préférence impériale » favorisant les produits en provenance des dominions)
  • Les défis de la mondialisation actuelle (depuis 1990)
    • Depuis 1945, l’intensification des échanges commerciaux a alimenté la multiplication par 6 du PIB mondial. Accélération début 1990s avec l’entrée des pays émergents dans la mondialisation : Chine 1er exportateur depuis 2009 (source de déséquilibres internationaux, v. prochaine séance). 161 membres de l’OMC aujd dont Chine et Russie => baisse des droits douaniers et interdiction des quotas sauf raisons sanitaires.
    • Ajd, BPC excédentaires : Allemagne (7 % PIB), Pays-Bas (9 %), Chine (3 %) vs. déficitaires : USA (-4 %), France (-3 %). Taux d’ouverture ((X+I)/2/PIB) plus élevés en UE (France 30 %, Allemagne 40 % vs. USA 10 %)
    • Nouveaux enjeux = intégration des chaines de valeur mondiales, réduction des avantages comparatifs des émergents (CSU et taux de change), apparition d’une classe moyenne et réduction de la pauvreté dans les PVD, freinage des inégalités dans les pays développés.

Les théories du libre-échange

  • Théorie des avantages absolus (Smith, 1776) puis théorie des avantages comparatifs (Ricardo, 1817) => spécialisation des économies selon les dotations factorielles.
    • Ces avantages sont les produits de l’histoire (Krugman) ou de l’intervention publique (Reich & Thurow, 1991).
L’Angleterre ne possède aucun avantage absolu par rapport au Portugal mais possède un avantage comparatif pour la production de drap. L’échange commercial sera préférable à une situation d’autarcie afin d’accroître la richesse des deux pays (UK = drap ; PT = vin)
  • Modèle gravitationnel de Tinbergen (1962) : la distance géographique explique 75 % des flux commerciaux bilatéraux (+10 % distance = -6 % volume d’échanges). Effet des coûts de transport (Evenett & Keller, 1998) et des TIC.
  • « Effet-frontière » de McCallum (1995) : une province canadienne échange 20 fois avec une autre province canadienne qu’avec un Etat américain de même taille et à même distance. Barrières tarifaires, linguistiques, culturelles, volatilité des taux de change, biais domestique des consommateurs.
  • Le commerce international est structuré autour de 3 grandes zones qui représentent 85% des échanges (UE, ALENA, ASEAN)

Les théories du commerce international

  • Le modèle « HOS » (Heckscher, Ohlin, Samuelson, 1941)
    • Hypothèse fondamentale : deux facteurs de production (L et K)
    • Résultats du modèle : les économies ouvertes se spécialisent dans l’exportation de biens qui utilisent relativement + leur facteur le + abondant ; a contrario, elles importent des biens dont le facteur de production est + rare
    • Théorème de Stolper-Samuelson (1941) : relation positive entre le prix international d’un bien et la rémunération du facteur de production intensif dans sa production => lien entre inégalités et ouverture commerciale (ex. s’accroissent aux USA et se réduisent en Chine : 0,49 -> 0,46 entre 2006 et 2016)
    • « Paradoxe de Leontief » (1953) : les USA ont un K/tête plus élevé mais exportent plus de produits relativement intensifs en facteur L => car le L qualifié s’assimile à du K (dimension qualitative des avantages comparatifs)
  • Une partie des échanges échappe pourtant à cette logique
    • Krugman (1984) : échanges intra branches, càd entre pays structurellement similaires sur des biens similaires (44 % dans l’UE en 2009, ex. San Pellegrino vs. Perrier). S’explique par la compétition entre firmes pour des parts de marché (Brander, 1981 : dumping réciproque) et goût pour la diversité du consommateur (Chamberlin, 1933).
  • Les accords de libre-échange permettent une spécialisation entre pays de même niveau de développement mais induisent des effets redistributifs lorsque leurs structures diffèrent (ex. USA/CAN et USA/MEX)

2. Les outils

Les approches non-coopératives : le protectionnisme et la dévaluation

  • Les justifications théoriques du protectionnisme (ensemble de politiques douanières et/ou réglementaires visant à limiter l’entrée de produits ou de capitaux étrangers)
    • Protéger transitoirement des industries naissantes (List, 1857 ; Akamatsu, 1937) ex. tarif Bismarck en Allemagne en 1879 pour l’industrie de l’acier vs UK
    • Protéger des industries de haute technologie car l’innovation que génèrent leurs dépenses de R&D produit des externalités positives
    • Protéger des industries en déclin pour prévenir les effets d’hystérèse liés à la destruction de capital industriel et humain et accompagner les ajustements (ex. agro en Argentine). Par ailleurs, au niveau micro-économique, les établissements de crédits et les marchés de capitaux peuvent avoir un horizon temporel limité les conduisant à refuser un prêt à une entreprise en difficulté de liquidité mais dont la solvabilité n’est pas en cause, justifiant une intervention publique.
    • Favoriser l’émergence de champions industriels en situation de concurrence imparfaite (Spencer, 1983) : « politique commerciale stratégique » (ex. duopole Boeing – Airbus). Ex. révision en 2018 du « décret Montebourg » sur le contrôle public des investissements étrangers (défense, sécurité, énergie, transports, santé publique, ajout du secteur numérique), mais il n’a jamais été utilisé.
  • Les outils du protectionnisme
    • Droits de douane : transfert de revenu du consommateur vers le producteur et/ou les APU (ex. UE sur le photovoltaïque chinois en 2013 et l’acier inoxydable en 2015)
    • Quotas : perte de bien-être pour le consommateur sans recette pour les APU
    • Subventions à l’exportation : moins préjudiciables pour les consommateurs, mais dépenses APU
    • Barrières non tarifaires : moins faciles à lever dans les négociations OMC
  • Les effets du protectionnisme
    • Coût pour le consommateur : 1,5 % PIB aux USA, 220k€/emploi sauvé en UE (Messerlin, 1990)
      • Ex. Made in France : -2000€ de pouvoir d’achat/ménage et -35k emplois en 2 ans (CEPII, 2013)
    • Protectionnisme pro-cyclique en période de crise (ex. tarifs Smoot-Hawley 1930 alors que réduction du commerce international de 66 % entre 1929 et 1934)
    • Effet boomerang après mesures de rétorsions contre les entreprises nationales
  • Les justifications théoriques de la dévaluation
    • Condition de Marshall-Lerner (1945) ou théorème des élasticités critiques : après une dévaluation compétitive, la BCP suit une courbe en J (elle se dégrade avant de s’améliorer) car les prix s’ajustent plus vite que les quantités
    • La dévaluation n’est donc efficace que si la somme des valeurs ajoutées des élasticités-prix de l’offre d’exportation et de la demande d’importation est supérieure à 1, c’est-à-dire si l’effet de substitution l’emporte sur l’effet de valorisation, ou encore si l’augmentation du volume d’exports est supérieure au renchérissement des imports
    • Ex. dévaluation réussie : Islande 2009-14 (-70% monnaie et -14% PIB => +4,5% ajd)
    • Dévaluations par les BC critiquées car accroissent la volatilité des taux de change et ne modifient pas tjs les taux dans la direction souhaitée (Dominguez & Frankel, 1993)
    • « Guerre des monnaies » depuis 2013 : dépréciation de l’USD et du Yen par rapport au RMB et de l’€ par rapport à l’USD => MAIS pas d’impact majeur sur les Y

Les approches coopératives : l’aide publique au développement et l’ouverture commerciale

  • L’aide publique au développement : ex. du Plan Marshall : dons et prêts de 4,3 % PIB USA => rattrapage en capital détruit pendant la guerre (« Big Push » pour Lucas car rendements marginaux élevés). 5 % croissance en moyenne (1945-73) en FR, IT, RFA.
  • Aujourd’hui, l’APD représente un transfert de richesses de 140 Md$/an du Nord vers le Sud (0,5 % du PIB des pays développés)
    • Modalités : aides bilatérales, aides multilatérales et annulations de dettes
    • Financements : budgets nationaux, facilités d’emprunts, taxe sur les billets d’avion (mais seulement 9 pays l’appliquent)
    • 1er donateur en valeur absolue = USA (30 Md$, 0,2% PIB), puis UK (20 Md$), DE (16 Md$), FR (10 Md$) et JP (9 Md$). UE27 = 50 % de l’APD totale. En % du PIB, premiers donateurs pays scandinaves (SE, NO, DK ~ 1% PIB).
    • Objectifs du millénaire pour le développement (2000) : réduire par 2 le nombre de pauvres (< 1,25 $/j) et porter l’APD à 0,7 % du PIB à horizon 2015 => pas réalisé
    • Corrélation avec la réduction de la pauvreté monétaire (52 % en 1980 vs. 22 % en 2010 même si elle a augmenté en valeur absolue : 1,2 Md vs. 1,9 Md). Ordre de grandeur : +1 % de croissance dans le monde => 20 M de pauvres en moins
    • MAIS l’APD est critiquée car son niveau ne préjuge pas de son utilisation => importance d’une bonne gouvernance (Williamson, 1989) et moindre efficience que l’ouverture au commerce (Frankel & Romer, « Does Trade Cause Growth? », 1999)
      • Ex Doi Moi du Vietnam => PIB multiplié par 5 entre 1985 et 2011 (entrée dans l’ASEAN en 1995 et dans l’OMC en 2007 : croissance moyenne des échanges extérieurs de +30 % par an entre 1992 et 1997)
      • Nouvelles approches « épidémiologiques » de lutte contre la pauvreté : ex. formation des enseignants plutôt que bourses scolaires pour élever le niveau d’éducation (Duflo, 2010)
  • L’ouverture commerciale depuis la Seconde guerre mondiale : chapitres IX & X de la Charte des Nations Unies => signature du GATT en 1947 (deviendra l’OMC en 1994, 164 membres aujourd’hui) a permis la réduction des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges commerciaux
    • Abaissement des droits de douane (-40 % entre 1947 et 1961 => 12 % Europe et 18 % USA ; Kennedy Round 1964-67 les abaisse respectivement à 8 % et 13 % ; aujourd’hui 2,2 % et 3,3 % en moyenne)
    • Clauses de la nation la plus favorisée et principe du traitement national (non-discrimination et réciprocité)
    • Politiques commerciales régionales pas exclues ex. tarif douanier commun Traité de Rome : 10 % du budget communautaire (commerce intra-zone = 2/3 des X en UE)
    • MAIS l’ouverture commerciale est critiquée pour favoriser les délocalisations (-13,5k emplois/an en France entre 1995 et 2001, soit 3 % destructions annuelles, dont 50 % vers pays développés)
    • Certes, relation négative en France entre taux d’ouverture du secteur manufacturier (11,5 % en 1980 ; 18 % en 2006) et part de l’emploi total (24 % vs. 13 %) mais d’autres pays ont conservé une industrie (DE : industrie 21 % de la VA totale, v. séance sur l’industrie)
  • Aujourd’hui, enjeu d’intégration des PVD au commerce international (Afrique seulement 2,4 % des X mondiales) alors que l’OMC semble bloquée (cycle de négociations de Doha 2001-2013)
Encadré : Faut-il empêcher les délocalisations ?
Hufbauer, Goodrich, 2003 : étude sur les délocalisations et le protectionnisme du secteur de l’acier aux USA. Décision de George W. Bush d’augmenter les barrières tarifaires (+30 %) : mais sont-elles efficaces pour protéger l’emploi ? Basé sur les observations de la période 1964-2011, les économistes prévoient que cette décision permettrait de préserver 3 500 emplois chez les producteurs d’acier. Mais en renchérissant les prix, la hausse des barrières douanières aurait également détruit entre 12 000 et 43 000 chez les entreprises utilisatrices de ce produit.
=> Les décisions politiques de limiter les importations sont souvent prises sous la pression d’un secteur d’activité pour protéger les entreprises en déclin. Si l’ouverture commerciale et la concurrence en général génèrent des effets de redistribution des revenus et modifient l’allocation de l’offre et de la demande de travail, elles améliorent le niveau de vie moyen de la population. Toutefois, les « perdants », moins nombreux que les « gagnants » mais plus « vocaux » que ceux-ci, peuvent inciter à l’instauration de politiques commerciales protectionnistes non justifiés économiquement.

Le PIB ne nous dit pas tout

Le produit intérieur brut (PIB) mesure les richesses produites durant l’année par les unités résidentes. Par sa fiabilité, il contribue à la conception et à l’évaluation des politiques publiques : il permet des comparaisons dans le temps et l’espace et il est utilisé pour déterminer d’autres indicateurs tels que le solde budgétaire structurel. Jusqu’à la fin des Trente Glorieuses, l’usage du PIB a ainsi fait consensus dans un contexte où accroissement des richesses et amélioration du bien-être se confondaient.

 

Toutefois, s’il constitue un indicateur fiable pour mesurer la croissance économique, le PIB demeure limité dans sa portée. En particulier, il ne permet pas de rendre compte du niveau de bien-être et de progrès social dans une économie. « On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance », disait le slogan de mai 1968. Ainsi, par construction, le PIB n’intègre pas certaines activités socio-économiques telles que le travail domestique ou le bénévolat, dans la mesure où elles ne donnent pas lieu à valorisation sur un marché monétaire. Par ailleurs, sa mesure est indifférente au niveau des inégalités de revenus ou de patrimoine – ainsi, un accroissement du PIB par habitant peut masquer une répartition inégalitaire des richesses –, mais aussi aux externalités négatives que peut engendrer une hausse de la production, notamment au plan environnemental.

 

C’est pourquoi depuis les années 1990, les institutions internationales recherchent une mesure alternative du développement qui intégrerait par exemple la soutenabilité environnementale ou les modalités de répartition des richesses. Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a ainsi introduit en 1990 l’indice de développement humain (IDH) sur la base des travaux d’Amartya Sen. Celui-ci tient compte du PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, de l’espérance de vie à la naissance ou encore du taux d’alphabétisation des adultes et du taux de scolarisation des enfants. En tête du classement de l’IDH figure la Norvège, les Etats-Unis se classent en 10e position et la France 21e. D’autres indicateurs ont été développés par la suite, tels que le « Better Life Index » de l’OCDE (2012) ou le revenu national disponible net de la commission Stiglitz (2008).

 

Ces nouveaux indicateurs soulèvent toutefois des interrogations : comment valoriser les composantes non monétaires du développement ? (par équivalent-revenu ou par un indicateur synthétique) quel périmètre retenir ? (intégration potentielle de la qualité des relations sociales ou du niveau de sécurité par exemple) En outre, ils ne modifient pas sensiblement la vision des niveaux de vie que fournit le PIB par habitant : ce sont globalement les mêmes pays qui combinent un revenu par habitant faible, des inégalités importantes, un fort taux de mortalité et un faible temps consacré aux loisirs.

 

Si le PIB demeure limité dans sa portée, aucun des nouveaux indicateurs du bien-être n’a conduit à le remplacer. Ils représentent plutôt une information complémentaire au PIB du point de vue des décideurs publics.

Comment retrouver une prospérité partagée ?

Proposition de corrigé par Rayan Nezzar

 

Accroche : la récente transformation dans le budget 2018 de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière a réactivé le débat sur le lien entre croissance et inégalités. La sortie du patrimoine mobilier de l’assiette de l’IFI est en effet présentée, d’une part, comme une incitation à l’investissement productif via une réduction d’impôt d’environ 3 Md€ et, d’autre part, comme un accroissement des inégalités de patrimoine puisque le capital mobilier représente plus de 70 % du patrimoine des 1 % des ménages les plus aisés selon l’OFCE. Cet exemple semble illustrer la théorie d’Okun (1975) selon laquelle les politiques économiques seraient confrontées à un arbitrage entre efficacité et équité : pourtant, les inégalités peuvent également contribuer négativement à la croissance économique.

 

Définitions :

  • Prospérité: désigne un état d’abondance caractérisé par un accroissement de la production et du niveau de vie moyen
  • Prospérité partagée: désigne une répartition équitable de l’accroissement de la production et du niveau de vie moyen ; se mesure notamment à travers l’évolution des inégalités de revenus et de patrimoine. S’oppose à une « prospérité relative », qui désignerait la captation par les déciles de population les plus favorisés de l’accroissement du niveau de vie moyen.

 

Problématisation : la question « comment retrouver… ? » implique que la croissance économique serait devenue plus inégalitaire à la faveur d’évolutions structurelles et conjoncturelles (l’ouverture commerciale, le progrès technique, l’adoption d’une monnaie unique, les conséquences de la crise de 2008, l’évolution des relations entre employeurs et salariés, etc.) et qu’il conviendrait de la rendre inclusive pour des raisons à développer et pour des zones géographiques à définir (probablement au-delà des seuls pays avancés).

1.1. Faits stylisés

  • De manière générale, la politique de redistribution, qui est l’un des trois objectifs de la politique économique (Musgrave, 1959), vise à réduire les inégalités primaires de revenus.
    • En France, les politiques de redistribution divisent par trois les inégalités de (écart de 20 à 6 entre les 2 déciles extrêmes), pour 2/3 du fait des prestations sociales et pour 1/3 de la fiscalité.

 

  • Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les inégalités de revenu disponible après redistribution, mesurées par le coefficient de Gini, ont progressé de +0,03 point en moyenne entre 1985 et 2013 (+0,06 point aux Etats-Unis, +0,04 en Allemagne et stable en France), malgré une croissance du PIB réel par tête de +65 % dans la même période.
    • Entre 2009 et 2012, 91 % de la hausse du PIB aux Etats-Unis a bénéficié à 1 % des Américains selon Stiglitz, tandis que les 80 % d’Américains les moins riches consommaient 110 % de leur revenu et devaient s’endetter pour maintenir leur niveau de vie, ce qui a contribué à la formation de la bulle du marché immobilier (Rajan, 2010).
    • Cette hausse des inégalités est liée à la déformation de la répartition de la valeur ajoutée en faveur du facteur capital (depuis 1980, la part dans le PIB des profits des entreprises après taxes, intérêts et dividendes a progressé de 5 points dans l’OCDE) et au progrès technique (Verdugo, 2017 : diminution de 8 % de la part des emplois intermédiaires en France depuis 1980).

 

  • Au sein de la zone euro, la reprise économique après la crise de 2008 a été lente et peu inclusive (« prospérité relative »).
    • Le PIB/tête réel n’a retrouvé qu’en 2015 son niveau de 2007 et le taux de chômage reste inégalitaire (17,9 % en moyenne pour les moins de 25 ans, avec des niveaux supérieurs à 40 % en Grèce et à 20 % en France, contre 6,6 % en Allemagne), ce qui induit une moindre mobilité sociale.

 

  • Au sein des pays en développement, l’ouverture au commerce international a contribué à réduire la part des individus vivant sous le seuil de pauvreté (de 50 % à 10 % depuis 1980 selon le FMI).
    • Ainsi, les inégalités globales ont décru dans la même période de 25 % selon le coefficient Theil, entamant une convergence entre pays développés et pays en développement (DG Trésor, 2017), mais les inégalités ont en revanche progressé au sein des pays développés (cf. « courbe en éléphant » de Milanovic, 2016).

 

1.2. Théories

  • La mesure du PIB est indifférente au niveau des inégalités de revenus ou de patrimoine
    • Un accroissement du PIB/habitant peut ainsi masquer une répartition inégalitaire des richesses, mais aussi aux externalités négatives que peut engendrer une hausse de la production.
    • Des indicateurs alternatifs au PIB existent tels que l’IDH pour mieux rendre compte des différences de niveaux de vie en agrégeant des indicateurs socio-économiques (taux de mortalité, taux d’alphabétisation, temps consacré aux loisirs, etc.).

 

  • S’il existe toutefois un lien entre croissance et inégalités, Kuznets (1955) a montré qu’il prend la forme d’une courbe en cloche
    • Dans un premier temps, l’accumulation de capital infrastructurel et naturel conduit à une répartition des richesses déformée en faveur des détenteurs d’épargne ; puis, dans un second temps, l’accumulation de capital humain réduit les inégalités.
    • Piketty (2005) a cependant montré que cette réduction des inégalités n’était pas spontanée mais due à institutions publiques (progressivité de l’impôt et protection sociale) et/ou à des phénomènes exogènes (guerre et inflation).
    • Inversement, l’accroissement des inégalités peut contribuer négativement à la croissance potentielle dans les pays développés : les inégalités y ont induit une moindre croissance cumulée de 4 % du PIB entre 1990 et 2010 (OCDE, 2014).

 

  • Depuis les années 1980, l’ouverture commerciale et le progrès technique contribuent également à la croissance des inégalités au sein des pays développés.
    • D’une part, le théorème de Stolper et Samuelson (1941) montre que l’intégration des chaines de valeur conduit à spécialiser les productions nationales sur l’exportation de biens relativement plus intensifs en facteur de production relativement plus abondants, soit le capital et le travail qualifié pour les pays développés ; la rémunération relative de ces secteurs est dès lors plus dynamique que celle des secteurs intensifs en travail peu ou non qualifié. Selon la DG Trésor (2017), environ 20 % des pertes d’emplois dans l’industrie française sont liées à l’ouverture commerciale.
    • D’autre part, la forme schumpétérienne du progrès technique induit une polarisation des emplois entre emplois qualifiés et emplois peu ou non qualifiés. Dans certains pays (ex. France), la réglementation accentue cette segmentation entre inclus et exclus du marché du travail en rallongeant la durée moyenne au chômage et en rehaussant le taux de chômage d’équilibre du fait des effets d’hystérèse (Lindbeck, Snower, 1988). Braconnier et Ruiz-Valenzuela (2014) montrent qu’une hausse de +1 % de la PGF induit un accroissement de +0,3 % du rapport interdécile.
    • Ces inégalités sont sociales mais aussi territoriales : selon Davezies (2012), 20 à 25 % de la population française vivrait dans des territoires en décrochage et cumulant un recul de l’appareil productif (imputable aux deux facteurs cités supra), une faible qualité résidentielle (imputable à la structure du marché du logement) et la diminution du soutien public aux services de proximité (imputable à l’orientation des politiques budgétaires).

 

  • Le rôle des institutions publiques est essentiel pour fonder un modèle de croissance inclusive, par opposition à un modèle extractif
    • Ainsi, les pays en transition démocratique ont connu une hausse de +5 points de leur PIB/tête dans les 10 ans après démocratisation et de +15 points à horizon 20 ans (Acemoglu, 2004).
    • Le développement d’une protection sociale soutient également le capital humain et contribue positivement à la croissance potentielle via les gains de productivité (Wheeler, 1980) : cf. éducation, santé ou formation professionnelle (Crépon, 2009 : un effort moyen de 11h de formation/an et par salarié génère un gain de productivité de +1 %, récupéré entre 30 % et 50 % par les travailleurs sous la forme de revalorisations salariales).
    • Enfin, le développement du pouvoir de négociation salariale et des organisations syndicales contribue à orienter la répartition de la valeur ajoutée en faveur du facteur travail (Nickell et Andrews, 1983) ; a contrario, leur affaiblissement et le renforcement relatif du pouvoir de négociation des actionnaires sous l’effet de la libéralisation financière oriente la répartition de la valeur ajoutée vers le facteur capital (Ebenstein, 2015).

 

2.1.      Bilan des politiques

 

  • Depuis les années 1980, les politiques de compétition fiscale et de développement de la flexibilité du marché de l’emploi ne se sont pas accompagnées d’un renforcement suffisant des politiques de redistribution et d’investissement social.
    • En économie ouverte (modèle IS-LM-BP), l’imposition des facteurs de production mobiles (capital et travail qualifié) induit des effets d’éviction (au-delà de 80 % de taux d’imposition marginale pour Gruber et Saez, 2012), d’où s’instaure une compétition fiscale entre pays développés.
    • Aux Etats-Unis, le taux d’imposition effective des bénéfices des sociétés a diminué de 12 points depuis 1980 tandis que la valeur réelle du salaire minimum fédéral a régressé de 10 points dans la même période.
    • En Allemagne, l’indice de GINI a crû de 0,29 en 2000 à 0,33 en 2006 du fait de la réduction à un an de la durée d’indemnisation du chômage (loi Hartz IV) et du développement du chômage partiel (28 % de l’emploi total, occupé à 83 % par des femmes).

 

  • Depuis la crise économique, les politiques de consolidation budgétaire et de déflation interne ont accentué le caractère inégalitaire de la reprise économique dans l’UE.
    • Au Royaume-Uni, les dépenses publiques ont été réduites de 2,4 % entre 2009 et 2012 notamment sur la masse salariale du secteur public et les politiques sociales.
    • En Espagne, la balance commerciale est devenue excédentaire et la profitabilité des entreprises a crû de 3 points au prix d’une baisse de 6 % des salaires réels entre 2009 et 2014.
    • En France, toutefois, les inégalités sont restées stables durant la crise du fait des stabilisateurs automatiques et d’une consolidation fondée à 85 % sur l’augmentation des prélèvements obligatoires entre 2009 et 2015 (création d’une nouvelle tranche marginale de l’IR à 45 %, plafonnement des dépenses fiscales, barémisation de la fiscalité des revenus du capital, surtaxe sur les grandes entreprises, etc.) : dans un contexte de compétition fiscale, ces hausses ont toutefois pu avoir des effets d’éviction sur l’assiette taxable (exécution des recettes de l’Etat inférieure aux prévisions en 2013 et 2014).

 

  • Les politiques d’investissement dans le capital humain demeurent également hétérogènes et parfois inefficaces au sein des pays développés
    • Peu de pays combinent performances scolaires et équité sociale (ex. : Canada, Corée du Sud, Estonie, Finlande et Japon selon l’OCDE, 2016 ; en France, un élève défavorisé a 4x plus de chances d’être en difficulté)
    • L’investissement dans la formation continue en France ne bénéficie que pour 10 % aux demandeurs d’emplois malgré un niveau élevé de dépenses (1,5 % du PIB)
    • L’Allemagne présente un déficit d’investissement de 3 % de PIB dans la petite enfance et les infrastructures (France Stratégie, 2014)
    • Le salaire minimum reste inférieur au salaire de réserve dans plusieurs pays, ce qui réduit l’offre de travail (Card, Krueger, 1995) malgré les revalorisations récentes en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis
    • Les réformes visant à réduire le dualisme du marché du travail restent à évaluer (ex. réduction des indemnités de licenciement pour les nouveaux CDI en Italie avec le Jobs Act en 2015).

 

  • Au sein des pays émergents, la résorption des excédents extérieurs et le développement d’une protection sociale amorcent un partage croissant de la prospérité
    • En Chine, la transition d’un modèle de croissance par imitation tiré par les exportations et l’investissement (plus de 50 % du PIB) vers un modèle de croissance tiré par la consommation intérieure (depuis 2005, le salaire ouvrier moyen a crû de +300 %, rattrapant la moitié du retard avec les Etats-Unis) devrait contribuer à réduire les inégalités encore élevées (Gini à 0,5) et à développer une classe moyenne encore peu nombreuse (130 millions d’individus sur une population de 1,5 milliard). Par ailleurs, le développement d’une protection sociale devrait réduire le taux d’épargne des ménages chinoise formé par précaution et proche de 30 % du revenu disponible brut.
    • Dans d’autres pays émergents, cette évolution reste inachevée comme en Inde où les dépenses publiques de santé représentent seulement 1,4 % du PIB par exemple.

 

 

2.2.      Recommandations

 

  • Au niveau international
    • Renforcer la conditionnalité de l’APD selon des critères objectifs et recourir plus systématiquement à d’indicateurs alternatifs au PIB tels que l’IDH pour promouvoir un modèle de croissance inclusive
    • Inciter à l’augmentation du salaire minimum dans les pays développés où il est inférieur au salaire de réserve (ex. Etats-Unis, Royaume-Uni) et à l’augmentation des dépenses de protection sociale dans les pays émergents qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire
    • Promouvoir l’introduction de normes environnementales et sociales dans la conclusion des accords commerciaux régionaux (barrières tarifaires et non tarifaires) pour atténuer le biais inégalitaire de l’ouverture commerciale

 

  • Au niveau de l’UEM
    • Introduire un salaire minimum à 50 % des revenus médians nationaux et une assiette commune consolidée d’impôt sur les bénéfices des sociétés pour désinciter à la compétition socio-fiscale
    • Abonder une capacité budgétaire de la zone euro par des ressources propres (taxe GAFAM, taxe carbone, contribution IS) afin de financer des programmes d’investissement dans les compétences en faveur des zones en difficulté ou rattrapage économique
    • Achever l’union bancaire avec une garantie universelle des dépôts afin d’assurer une meilleure allocation du crédit en faveur des pays de la périphérie

 

  • Au niveau français
    • Cibler le plan d’investissement dans les compétences sur les demandeurs d’emplois de longue durée et les jeunes décrocheurs en fonction d’une analyse territorialisée des besoins en qualifications et majorer le financement public soutenant l’accès aux modes de garde dans les zones prioritaires pour investir dans le capital humain
    • Supprimer les droits de mutation à titre onéreux pour 80 % des transactions et expérimenter une dotation initiale en capital pour les jeunes atteignant la majorité afin de stimuler la mobilité sociale et résidentielle
    • Supprimer le forfait social pour développer l’intéressement dans les PME pour mieux synchroniser les cycles de rentabilité et des salaires et introduire le « chèque syndical » pour inciter au développement d’un syndicalisme de services