1. Les notions
La mondialisation économique
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Les leçons de la première mondialisation (1870-1914)
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Suzanne Berger, 2003 : « première mondialisation » entre 1870 et 1914 : séries de mutations tendant à créer un seul marché mondial pour l’échange de biens et de services. Lettre Trésor Eco : « Quels enseignements tirer de la première mondialisation ? » (2011) : croissance annuelle moyenne du commerce international de 4 %, supérieure à la croissance du PIB (2,5 %).
- Causes : baisse des coûts de transports (-40 % coût réel du fret en UK/US) et hausse des migrations (-10% population en Irlande). UK : excédent 9 % de PIB => IDE dans l’Empire ; FRA : 3,5 % du PIB en IDE (Russie, Empire ottoman, Amérique latine).
- Egalement convergence partielle des prix : ex. alimentaire, écart divisé par 5 entre pays développés. Un faible écart entre partenaires maximise le bien-être du consommateur et l’efficacité productive (Viner, 1950)
- MAIS l’ouverture trop précoce des secteurs manufacturiers des PVD à la concurrence des économies matures a effondré les productions (Empire ottoman, Inde, Chine fin XIXème) et absence de réciprocité des politiques commerciales (relèvement non coordonné des tarifs douaniers avant 1914, ex. tarif Méline en 1892 en FR +3,2 PP taux de prélèvement douanier ; aux USA taux entre 25 et 60 % sur les biens manufacturiers jusqu’en 1913 ; en UK principe de la « préférence impériale » favorisant les produits en provenance des dominions)
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Les défis de la mondialisation actuelle (depuis 1990)
- Depuis 1945, l’intensification des échanges commerciaux a alimenté la multiplication par 6 du PIB mondial. Accélération début 1990s avec l’entrée des pays émergents dans la mondialisation : Chine 1er exportateur depuis 2009 (source de déséquilibres internationaux, v. prochaine séance). 161 membres de l’OMC aujd dont Chine et Russie => baisse des droits douaniers et interdiction des quotas sauf raisons sanitaires.
- Ajd, BPC excédentaires : Allemagne (7 % PIB), Pays-Bas (9 %), Chine (3 %) vs. déficitaires : USA (-4 %), France (-3 %). Taux d’ouverture ((X+I)/2/PIB) plus élevés en UE (France 30 %, Allemagne 40 % vs. USA 10 %)
- Nouveaux enjeux = intégration des chaines de valeur mondiales, réduction des avantages comparatifs des émergents (CSU et taux de change), apparition d’une classe moyenne et réduction de la pauvreté dans les PVD, freinage des inégalités dans les pays développés.
Les théories du libre-échange
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Théorie des avantages absolus (Smith, 1776) puis théorie des avantages comparatifs (Ricardo, 1817) => spécialisation des économies selon les dotations factorielles.
- Ces avantages sont les produits de l’histoire (Krugman) ou de l’intervention publique (Reich & Thurow, 1991).
L’Angleterre ne possède aucun avantage absolu par rapport au Portugal mais possède un avantage comparatif pour la production de drap. L’échange commercial sera préférable à une situation d’autarcie afin d’accroître la richesse des deux pays (UK = drap ; PT = vin)
- Modèle gravitationnel de Tinbergen (1962) : la distance géographique explique 75 % des flux commerciaux bilatéraux (+10 % distance = -6 % volume d’échanges). Effet des coûts de transport (Evenett & Keller, 1998) et des TIC.
- « Effet-frontière » de McCallum (1995) : une province canadienne échange 20 fois avec une autre province canadienne qu’avec un Etat américain de même taille et à même distance. Barrières tarifaires, linguistiques, culturelles, volatilité des taux de change, biais domestique des consommateurs.
- Le commerce international est structuré autour de 3 grandes zones qui représentent 85% des échanges (UE, ALENA, ASEAN)
Les théories du commerce international
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Le modèle « HOS » (Heckscher, Ohlin, Samuelson, 1941)
- Hypothèse fondamentale : deux facteurs de production (L et K)
- Résultats du modèle : les économies ouvertes se spécialisent dans l’exportation de biens qui utilisent relativement + leur facteur le + abondant ; a contrario, elles importent des biens dont le facteur de production est + rare
- Théorème de Stolper-Samuelson (1941) : relation positive entre le prix international d’un bien et la rémunération du facteur de production intensif dans sa production => lien entre inégalités et ouverture commerciale (ex. s’accroissent aux USA et se réduisent en Chine : 0,49 -> 0,46 entre 2006 et 2016)
- « Paradoxe de Leontief » (1953) : les USA ont un K/tête plus élevé mais exportent plus de produits relativement intensifs en facteur L => car le L qualifié s’assimile à du K (dimension qualitative des avantages comparatifs)
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Une partie des échanges échappe pourtant à cette logique
- Krugman (1984) : échanges intra branches, càd entre pays structurellement similaires sur des biens similaires (44 % dans l’UE en 2009, ex. San Pellegrino vs. Perrier). S’explique par la compétition entre firmes pour des parts de marché (Brander, 1981 : dumping réciproque) et goût pour la diversité du consommateur (Chamberlin, 1933).
2. Les outils
Les approches non-coopératives : le protectionnisme et la dévaluation
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Les justifications théoriques du protectionnisme (ensemble de politiques douanières et/ou réglementaires visant à limiter l’entrée de produits ou de capitaux étrangers)
- Protéger transitoirement des industries naissantes (List, 1857 ; Akamatsu, 1937) ex. tarif Bismarck en Allemagne en 1879 pour l’industrie de l’acier vs UK
- Protéger des industries de haute technologie car l’innovation que génèrent leurs dépenses de R&D produit des externalités positives
- Protéger des industries en déclin pour prévenir les effets d’hystérèse liés à la destruction de capital industriel et humain et accompagner les ajustements (ex. agro en Argentine). Par ailleurs, au niveau micro-économique, les établissements de crédits et les marchés de capitaux peuvent avoir un horizon temporel limité les conduisant à refuser un prêt à une entreprise en difficulté de liquidité mais dont la solvabilité n’est pas en cause, justifiant une intervention publique.
- Favoriser l’émergence de champions industriels en situation de concurrence imparfaite (Spencer, 1983) : « politique commerciale stratégique » (ex. duopole Boeing – Airbus). Ex. révision en 2018 du « décret Montebourg » sur le contrôle public des investissements étrangers (défense, sécurité, énergie, transports, santé publique, ajout du secteur numérique), mais il n’a jamais été utilisé.
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Les outils du protectionnisme
- Droits de douane : transfert de revenu du consommateur vers le producteur et/ou les APU (ex. UE sur le photovoltaïque chinois en 2013 et l’acier inoxydable en 2015)
- Quotas : perte de bien-être pour le consommateur sans recette pour les APU
- Subventions à l’exportation : moins préjudiciables pour les consommateurs, mais dépenses APU
- Barrières non tarifaires : moins faciles à lever dans les négociations OMC
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Les effets du protectionnisme
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Coût pour le consommateur : 1,5 % PIB aux USA, 220k€/emploi sauvé en UE (Messerlin, 1990)
- Ex. Made in France : -2000€ de pouvoir d’achat/ménage et -35k emplois en 2 ans (CEPII, 2013)
- Protectionnisme pro-cyclique en période de crise (ex. tarifs Smoot-Hawley 1930 alors que réduction du commerce international de 66 % entre 1929 et 1934)
- Effet boomerang après mesures de rétorsions contre les entreprises nationales
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Les justifications théoriques de la dévaluation
- Condition de Marshall-Lerner (1945) ou théorème des élasticités critiques : après une dévaluation compétitive, la BCP suit une courbe en J (elle se dégrade avant de s’améliorer) car les prix s’ajustent plus vite que les quantités
- La dévaluation n’est donc efficace que si la somme des valeurs ajoutées des élasticités-prix de l’offre d’exportation et de la demande d’importation est supérieure à 1, c’est-à-dire si l’effet de substitution l’emporte sur l’effet de valorisation, ou encore si l’augmentation du volume d’exports est supérieure au renchérissement des imports
- Ex. dévaluation réussie : Islande 2009-14 (-70% monnaie et -14% PIB => +4,5% ajd)
- Dévaluations par les BC critiquées car accroissent la volatilité des taux de change et ne modifient pas tjs les taux dans la direction souhaitée (Dominguez & Frankel, 1993)
- « Guerre des monnaies » depuis 2013 : dépréciation de l’USD et du Yen par rapport au RMB et de l’€ par rapport à l’USD => MAIS pas d’impact majeur sur les Y
Les approches coopératives : l’aide publique au développement et l’ouverture commerciale
- L’aide publique au développement : ex. du Plan Marshall : dons et prêts de 4,3 % PIB USA => rattrapage en capital détruit pendant la guerre (« Big Push » pour Lucas car rendements marginaux élevés). 5 % croissance en moyenne (1945-73) en FR, IT, RFA.
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Aujourd’hui, l’APD représente un transfert de richesses de 140 Md$/an du Nord vers le Sud (0,5 % du PIB des pays développés)
- Modalités : aides bilatérales, aides multilatérales et annulations de dettes
- Financements : budgets nationaux, facilités d’emprunts, taxe sur les billets d’avion (mais seulement 9 pays l’appliquent)
- 1er donateur en valeur absolue = USA (30 Md$, 0,2% PIB), puis UK (20 Md$), DE (16 Md$), FR (10 Md$) et JP (9 Md$). UE27 = 50 % de l’APD totale. En % du PIB, premiers donateurs pays scandinaves (SE, NO, DK ~ 1% PIB).
- Objectifs du millénaire pour le développement (2000) : réduire par 2 le nombre de pauvres (< 1,25 $/j) et porter l’APD à 0,7 % du PIB à horizon 2015 => pas réalisé
- Corrélation avec la réduction de la pauvreté monétaire (52 % en 1980 vs. 22 % en 2010 même si elle a augmenté en valeur absolue : 1,2 Md vs. 1,9 Md). Ordre de grandeur : +1 % de croissance dans le monde => 20 M de pauvres en moins
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MAIS l’APD est critiquée car son niveau ne préjuge pas de son utilisation => importance d’une bonne gouvernance (Williamson, 1989) et moindre efficience que l’ouverture au commerce (Frankel & Romer, « Does Trade Cause Growth? », 1999)
- Ex Doi Moi du Vietnam => PIB multiplié par 5 entre 1985 et 2011 (entrée dans l’ASEAN en 1995 et dans l’OMC en 2007 : croissance moyenne des échanges extérieurs de +30 % par an entre 1992 et 1997)
- Nouvelles approches « épidémiologiques » de lutte contre la pauvreté : ex. formation des enseignants plutôt que bourses scolaires pour élever le niveau d’éducation (Duflo, 2010)
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L’ouverture commerciale depuis la Seconde guerre mondiale : chapitres IX & X de la Charte des Nations Unies => signature du GATT en 1947 (deviendra l’OMC en 1994, 164 membres aujourd’hui) a permis la réduction des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges commerciaux
- Abaissement des droits de douane (-40 % entre 1947 et 1961 => 12 % Europe et 18 % USA ; Kennedy Round 1964-67 les abaisse respectivement à 8 % et 13 % ; aujourd’hui 2,2 % et 3,3 % en moyenne)
- Clauses de la nation la plus favorisée et principe du traitement national (non-discrimination et réciprocité)
- Politiques commerciales régionales pas exclues ex. tarif douanier commun Traité de Rome : 10 % du budget communautaire (commerce intra-zone = 2/3 des X en UE)
- MAIS l’ouverture commerciale est critiquée pour favoriser les délocalisations (-13,5k emplois/an en France entre 1995 et 2001, soit 3 % destructions annuelles, dont 50 % vers pays développés)
- Certes, relation négative en France entre taux d’ouverture du secteur manufacturier (11,5 % en 1980 ; 18 % en 2006) et part de l’emploi total (24 % vs. 13 %) mais d’autres pays ont conservé une industrie (DE : industrie 21 % de la VA totale, v. séance sur l’industrie)
- Aujourd’hui, enjeu d’intégration des PVD au commerce international (Afrique seulement 2,4 % des X mondiales) alors que l’OMC semble bloquée (cycle de négociations de Doha 2001-2013)
Encadré : Faut-il empêcher les délocalisations ?
Hufbauer, Goodrich, 2003 : étude sur les délocalisations et le protectionnisme du secteur de l’acier aux USA. Décision de George W. Bush d’augmenter les barrières tarifaires (+30 %) : mais sont-elles efficaces pour protéger l’emploi ? Basé sur les observations de la période 1964-2011, les économistes prévoient que cette décision permettrait de préserver 3 500 emplois chez les producteurs d’acier. Mais en renchérissant les prix, la hausse des barrières douanières aurait également détruit entre 12 000 et 43 000 chez les entreprises utilisatrices de ce produit.
=> Les décisions politiques de limiter les importations sont souvent prises sous la pression d’un secteur d’activité pour protéger les entreprises en déclin. Si l’ouverture commerciale et la concurrence en général génèrent des effets de redistribution des revenus et modifient l’allocation de l’offre et de la demande de travail, elles améliorent le niveau de vie moyen de la population. Toutefois, les « perdants », moins nombreux que les « gagnants » mais plus « vocaux » que ceux-ci, peuvent inciter à l’instauration de politiques commerciales protectionnistes non justifiés économiquement.