Faut-il taxer les importations d’acier ?

Peu après son arrivée au pouvoir en 2001, le président américain George W. Bush décida d’augmenter de 30 % les droits de douane afin de protéger le secteur de l’acier. Cette décision était fondée sur l’impression que l’ouverture commerciale, au sein de l’ALENA comme avec la Chine, auraient conduit à des destructions d’emplois et des délocalisations de sites industriels. En conséquence, un retour au protectionnisme par le rétablissement de barrières tarifaires aurait dû permettre d’enclencher une dynamique de réindustrialisation aux Etats-Unis.

Deux économistes ont étudié les effets d’une telle politique. En 2003, Hufbauer et Goodrich ont ainsi publié une étude basée sur des observations empiriques sur la période 1964-2001. Les économistes estimaient alors que les mesures protectionnistes prises par George W. Bush permettraient de préserver environ 3 500 emplois chez les producteurs d’acier. Mais en renchérissant les prix sur le marché domestique, la hausse des barrières douanières aurait également pour effet de détruire entre 12 000 et 43 000 chez les entreprises américaines pour lesquelles l’acier constitue un intrant dans le processus productif. La balance nette en emplois serait donc négative.

Comment expliquer alors une telle décision ? Si l’ouverture commerciale et la concurrence sur les marchés des biens et des services génèrent des effets de redistribution des revenus et modifient l’allocation de l’offre et de la demande de travail, elles améliorent le niveau de vie moyen de la population. Toutefois, les « perdants », moins nombreux que les « gagnants » mais plus « bruyants » que ceux-ci, peuvent inciter à l’instauration de politiques commerciales protectionnistes efficaces pour leur secteur mais négatives pour l’ensemble de l’économie.

Les décisions politiques visant à limiter les importations sont souvent prises sous la pression d’un secteur d’activité pour protéger les entreprises en déclin – en l’occurrence les producteurs d’acier du Midwest américain (Pennsylvanie, Ohio, etc. qui sont également des « swing states » lors des élections). Les droits de douane furent finalement levés en décembre 2003, seulement deux ans après leur introduction. Le nombre de destructions d’emplois dans le secteur manufacturier américain (hors acier) s’élevait alors à 200 000. Soit exactement la même taille que le secteur de l’acier.

Bien sûr, des mesures protectionnistes restent justifiées dans certains cas : pour protéger des industries naissantes ou stratégiques ou pour favoriser l’émergence de champions industriels en situation de concurrence imparfaite. Mais elles doivent être mobilisées avec parcimonie.

L’immigration génère-t-elle du chômage

Le président américain Donald Trump a annoncé la fin prochaine du programme « Daca » qui permettait de protéger 700 000 migrants irréguliers employés aux Etats-Unis. Il a également indiqué son objectif de réduire à zéro l’immigration économique entrant aux Etats-Unis. L’argument justifiant ces décisions selon lui étant que « l’immigration génère du chômage ».

Pourtant, avec un taux de chômage s’élevant aujourd’hui à 4,1 %, l’économie américaine comporte plusieurs secteurs en tension et qui ont des difficultés à recruter, notamment dans les services à la personne.

Par ailleurs, plusieurs études ont montré que l’immigration ne générait pas systématiquement du chômage. L’économiste américain David Card a étudié en 1990 les effets de l’immigration cubaine à Miami (« The Impact of the Mariel Boatlift on the Miami Labor Market« ). 125 000 Cubains ont émigré en 1980 après ouverture du port de Mariel par Fidel Castro, accroissant de +7 % la population active à Miami. Cette immigration massive a été absorbée sans effet négatif sur les résidents.

Selon Joshua Angrist (2003), cette intégration économique dépend du fonctionnement du marché du travail et de l’ouverture à la concurrence du marché des produits. Sur le plan économique, les seules limites à l’accueil d’immigrés peuvent provenir d’une impossibilité d’accroître rapidement le volume de capital existant ou les infrastructures d’accueil.

En Allemagne, plus d’un million de réfugiés ont été accueillis depuis 2015, avec un investissement public à hauteur de 0,6 point de PIB en dépenses de formation et de logement notamment. Selon le DIW (l’Institut allemand pour la recherche économique), il en a résulté une incidence positive de +0,3 point sur la croissance du PIB en 2016 notamment dans les services et le bâtiment.

L’immigration ne génère pas nécessairement du chômage, à condition que les structures du marché du travail du pays d’accueil soient réactives.