Les enjeux économiques de la protection sociale

 

Les enjeux micro-économiques de la protection sociale

 

  • Les politiques de redistribution divisent par trois les inégalités de revenus en France (écart de 20 à 6 entre les 2 déciles extrêmes). Dû pour les 2/3 aux prestations sociales et pour 1/3 à la fiscalité. Coefficient GINI relativement faible (0,30 contre 0,33 en Italie ou 0,36 au Royaume-Uni) ;
  • Les minima sociaux réduisent l’intensité de la pauvreté mais pas son niveau, qui est surtout lié au marché du travail (ex. 8,9 M de pauvres en 2015, soit +1 million par rapport à 2008 du fait de la crise économique) ;
  • MAIS interrogations sur l’efficience de ces dépenses : la socialisation de certains risques induit-elle une déresponsabilisation des agents économiques ? (ex. 70k morts du tabac/an en France et coût sanitaire de 26 Md€/an selon Kopp, 2015) ;
  • Par ailleurs, la protection sociale modifie les préférences individuelles : est-ce le rôle de la puissance publique ? (ex. les trappes à inactivité modifient la fonction d’offre de travail et conduisent à un équilibre sous-optimal du marché du travail).

Les enjeux macro-économiques de la protection sociale

 

  • L’existence et le développement de la protection sociale permet de soutenir les gains de productivité (Wheeler, 1980 : le développement du capital humain via l’éducation ou la santé contribue positivement à la croissance du PIB) ;
    • de la formation professionnelle continue : un effort moyen de 11h de formation/an et par salarié génère un gain de productivité de +1 %, récupéré entre 30 % et 50 % par les travailleurs sous la forme de revalorisations salariales (Crépon, 2009) ;
  • Elle permet également de réduire le taux d’épargne de précaution des ménages et mieux allouer les ressources au sein d’une économie nationale ;
    • dépenses de protection sociale en Chine 9 % du PIB et taux d’épargne des ménages à 37 % du RDB;
  • MAIS le coin socio-fiscal modifie la croissance potentielle et le chômage naturel (coût total d’un travailleur pour une entreprise au-delà du salaire net: permet une première mesure de la compétitivité-prix : en 2015, il explique 40 % des coûts salariaux en France 35 % en Allemagne et 25 % au Royaume-Uni) ;
  • En économie ouverte, un modèle de protection sociale dont le financement est assis sur les facteurs de production mobiles (ex. cotisations employeurs) apparaît moins soutenable et génère des effets d’éviction (moindre compétitivité-prix) ;
  • D’où des interrogations sur une modification de la structure du financement de la protection sociale (ex. développement de la CSG, « TVA sociale », montée en charge de la fiscalité environnementale) ;
    • S’il n’existe pas d’assiette miracle, la fiscalité environnementale est la plus favorable à la croissance potentielle à long terme (selon une étude de la DG Trésor en 2011, une hausse de la taxe carbone couplée à une réduction des cotisations sociales et un renforcement du CIR aurait un impact de +0,6 point sur le PIB et de +125k sur l’emploi à horizon 10 ans).

 

Croissance et inégalités

 

  • Le lien entre croissance et inégalités: S. Kuznets (1955) : courbe en cloche.
    • Dans un premier temps, l’accumulation de capital infrastructurel et naturel conduit à une répartition des richesses déformée en faveur des détenteurs d’épargne. Puis, l’accumulation de capital humain réduit les inégalités.
    • Mais Piketty (2005) : réduction pas naturelle (impôts et événements inattendus affectant le capital : guerres, inflation). En France, les transferts fiscaux, sociaux et en nature réduisent le rapport interdécile (rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres) de 5 (revenus primaires) à 3,5 (revenus après redistribution).
    • Stiglitz (2012) : le Top 1 % détient 20 % des revenus primaires aux USA du fait de la déformation du partage de la valeur ajoute entre capital et travail depuis 1980s : en découlent instabilité financière et moindre mobilité sociale.

=> La croissance ne suffit pas à réduire les inégalités, cela dépend aussi des institutions et de la structure des marchés.

 

  • Théorème de Stolper-Samuelson (1941) : relation positive entre le prix international d’un bien et la rémunération du facteur de production intensif dans sa production => lien entre inégalités et ouverture commerciale (ex. s’accroissent aux USA et se réduisent en Chine : 0,49 -> 0,46 entre 2006 et 2016)
    • Par ailleurs, la distorsion de la répartition de la VA accroit les inégalités de revenus (Stiglitz, 2012) => problématique de l’augmentation du salaire minimum fédéral (+35 % sous Obama).
    • Card, Krueger, 1995 : une hausse du salaire minimum peut augmenter le niveau d’emploi au lieu de le diminuer. Si le salaire minimum est faible et proche des minima sociaux (inférieur au salaire de réserve), une hausse attire de nouveaux travailleurs que les entreprises ont intérêt à embaucher. En revanche, si le salaire minimum est élevé, toute hausse incite les entreprises à se séparer de leurs employés dont la productivité vient d’être dépassée par la nouvelle valeur du salaire minimum.
    • En France, le salaire minimum n’a cessé d’augmenter depuis 1970 (en 2012, le coût moyen du travail au niveau du salaire minimum atteint environ 14 dollars contre 8 dollars aux Etats-Unis) alors qu’aux Etats-Unis, il était plus faible en 2012 qu’en 1970.
    • Kramarz, 2000 : salaire minimum et chômage des jeunes : les personnes rattrapées par le salaire minimum dans les années 1980 ont eu une plus grande probabilité de perdre leur emploi que celles dont le salaire est resté très proche mais n’a pas été dépassé par le salaire minimum.

 

  • Question également en Chine : fortes inégalités (Gini à 0,5) et faible classe moyenne (130 millions d’individus sur une population de 1,5 milliard) : hausse CSU répond à un double rééquilibrage : consommation / investissement (36/50 % PIB) ; demande interne / demande externe (excédent commercial +3 % PIB).

 

Croissance et pauvreté

 

  • Rosenstein-Rodan (1943) : théorie du Big Push : c’est l’accumulation de capital qui permet de sortir de la trappe à pauvreté (notamment après les destructions de 1939-1945 : 20 % du capital immobilier détruit en France)
  • Becker: théorie du capital humain, soutient productivité tout au long de la vie. Ex. accès à l’emploi ou à la formation. Note du CAE « Prévenir la pauvreté par l’emploi, l’éducation et la mobilité » (2017) : l’emploi reste le meilleur moyen de se prémunir contre la pauvreté (divise par 2) ; la qualification reste le meilleur moyen de se prémunir contre le chômage (+ « effet de cicatrice du chômage de longue durée Carcillo, 2015 : durée moyenne 15 mois 8 mois OCDE).
    • Investissement dans la formation également pour les jeunes enfants. Carcillo, 2016 : efficacité programmes en faveur des jeunes enfants (3-4 ans afro-américains défavorisés : Perry Preschool Program dans l’Etat du Michigan depuis 1962 : pour 1 dollar investi, gain de 9,11 dollars pour la collectivité via surcroît de revenus, économies de dépenses publiques police justice). « Piège à pauvreté » : revenu des parents détermine la réussite scolaire et le diplôme, qui déterminent la probabilité d’être en emploi et d’être pauvre.
    • Institut Montaigne (2017) : efficacité ciblage moyens REP/REP+ et notamment dédoublement des classes CP.
    • CAE (2017) : Garantie jeunes, apprentissage, E2C efficaces, à investir. Idem PIC 15 Md€ (plutôt que contrats aidés).

 

  • Pour les pays avancés, un désalignement entre croissance économique et progrès social : Allemagne taux de pauvreté (% de pop dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian) à 16 % vs. 14 % France, notamment hausse pour les chômeurs depuis 2004 (loi Hartz IV a réduit la durée des allocations chômage à 1 an) et indice de Gini à 0,3 (mesure des inégalités).
    • S’agissant de leurs conséquences socio-économiques : le patrimoine médian des ménages médians allemands est 2x plus faible qu’en France + forte hausse des inégalités de répartition (De Grauwe & Yi, 2013) et du taux de pauvreté (de 12 % à 16 % entre 2002 et 2010). Enfin, l’Allemagne compte des faiblesses structurelles (notamment sa démographie et sa natalité : 1,4 enfant/femme)

 

  • Pour les pays émergents, une corrélation entre ouverture au commerce international et réduction de la pauvreté monétaire (52 % en 1980
    22 % en 2010 même si elle a augmenté en valeur absolue : 1,2 Md vs. 1,9 Md).
    Ordre de grandeur : +1 % de croissance dans le monde => 20 M de pauvres en moins

 

Faire face aux incidences économiques du vieillissement démographique

 

  • Baisse de la natalité (ex. INSEE : -7 % en FR depuis 1980) et allongement de l’espérance de vie (+8,5 ans dans la même période) induisent des effets micro- et macro-économiques contrastés (Artus, 2015) :
    • L’inflation décroît avec le vieillissement et le solde extérieur s’améliore car insuffisance de la demande interne (ex. Allemagne)
    • Absence de lien empirique avec l’évolution du taux d’épargne des ménages (≠ théorie du cycle de vie)
    • Pas de diminution de l’aversion au risque ni de l’effort de /R&D et effets contrastés sur les gains de productivité
    • Pas de corrélation avec les prix des actifs (actions, immobilier)
    • => Au total, ralentissement du PIB / tête et impact incertain sur le progrès technique

 

  • Un enjeu de soutenabilité budgétaire
    • La hausse du taux de dépendance global (retraités / actifs) génère une contrainte de financement pour les systèmes de retraite:
      • 3 leviers de réforme des régimes de retraite par répartition (déficit de -0,4 % PIB en 2021 et -0,8 % en 2030 selon le COR, 2017) : taux de cotisation, taux de remplacement, durée de la vie active (piste privilégiée jusqu’ici : soit par le recul de l’âge légal des départs en retraite, soit par l’allongement de la durée de cotisation)
      • Autres pistes : hausse du taux d’emploi des séniors (v. séance sur le marché du travail), amélioration du solde migratoire ou du taux de fécondité
      • Passage à un système de retraites par comptes notionnels : enjeu d’équité (même taux de rendement) et de fluidité dans les parcours professionnels (2,7 régimes de retraite en moyenne / personne), cf. Bozio & Piketty, 2008.
    • Effet inflationniste sur les dépenses de santé (via les ALD : 15 % de la population en 2011 -> 20 % en 2025, cf. Trésor-Eco, 2015) et de dépendance (+1 pt de PIB de dépenses d’ici 2060 selon la DREES)
    • Un enjeu également pour les économies émergentes (ex. Chine : ratio de dépendance 1,3 actif par sénior d’ici 2050 + épargne de précaution trop importante)

Le déclin industriel français est-il inéluctable ?

Proposition de corrigé par Rayan Nezzar

 

Accroche : selon le cabinet Trendeo, les créations de sites industrielles ont été supérieures aux fermetures en France en 2017 (+25), ce qui constitue une première depuis la crise de 2008-2009. Ce regain conjoncturel, lié à la reprise économique (+2 % de croissance du PIB en 2017 selon l’INSEE), masque toutefois des faiblesses structurelles qui expliquent le recul de la part de l’industrie dans l’économie française depuis la fin des Trente glorieuses.

 

Définition de l’ « industrie » : selon l’INSEE, relèvent de l’industrie les activités économiques qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché.

 

Définition du « déclin industriel » : il se caractérise à la fois par le repli de la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière dans le PIB et par le recul de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total. Ce recul de la capacité productive a un effet négatif sur la croissance potentielle via la productivité globale des facteurs et un effet positif sur le taux de chômage d’équilibre via des effets d’hystérèse.

 

Problématisation : s’il est admis que le secteur industriel génère des externalités positives et que son déclin relatif est induit par des facteurs structurels, quelles politiques économiques peuvent contribuer à inverser ou à atténuer les conséquences de cette désindustrialisation ?

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  1. Si la désindustrialisation française n’est pas un phénomène singulier, ses causes sont d’abord liées au progrès technique et aux préférences des consommateurs

 

1.A. Les reculs de la production et de l’emploi industriels sont communs à l’ensemble des économies avancées, mais concernent particulièrement en France

  • La désindustrialisation est un phénomène commun à l’ensemble des économies avancées (diminution de 19,5 % à 16,5 % de la part de l’industrie dans le PIB mondial entre 1998 et 2008), à l’exception notable de l’Allemagne (24 % du PIB) ;
  • Elle concerne plus particulièrement la France, où la valeur ajoutée de l’industrie est passée de 23 % à 11 % du PIB entre 1970 et 2014 et où l’industrie employait 26 % des actifs en 1980 contre 12 % aujourd’hui. Les parts de marché de la France ont reculé notamment depuis les années 2000, passant de 13 % à 9 % dans l’UE et le solde du commerce extérieur est déficitaire de plus de 3 points de PIB ;
  • Ce recul de l’industrie en France s’illustre également par une compétitivité dégradée liée au prix des produits (coûts salariaux unitaires supérieurs de 15 % à la moyenne de la zone euro en 2017), mais aussi à leur qualité (élasticité-prix de la demande de biens d’exportation français 3x supérieure à celle des biens allemands) ;
  • Enfin, l’effort d’innovation apparaît insuffisant du fait des capacités d’autofinancement dégradées des entreprises françaises (1,22 robots pour 100 emplois industriels en France contre 2,5 en Allemagne), ce qui accroît l’écart de compétitivité hors prix avec les concurrents de la France et rend ses exportations vulnérables à une appréciation de l’euro (effet multiplicateur de -0,6 entre le cours de l’euro et le volume d’exportations selon le CEPII, 2012).

 

1.B. Les causes de cette désindustrialisation sont liées à des évolutions structurelles et leurs conséquences sont négatives au plan macro-économique

  • Selon la DG Trésor, cette désindustrialisation est d’abord liée au progrès technique, aux évolutions de la structure de la demande globale (loi d’Engel, 1857) et, marginalement, à l’ouverture commerciale (mentionner également l’incidence comptable de l’externalisation des services auparavant assurées par les entreprises industrielles) ;
  • Il peut également être avancé que le recul industriel est lié à une spécialisation géographique et sectorielle sous-optimale des exportations françaises, concentrées vers les pays de l’UE (66 %) et peu tournées vers les économies émergentes en Asie (12,5 %) ;
  • Cette désindustrialisation induit des conséquences sur la croissance potentielle selon le modèle de Solow (1956) : les gains de productivité étant plus élevés dans le secteur progressif (Baumol, 1966), la productivité globale des facteurs est ralentie par le déclin industriel ;
  • Elle entraîne également un accroissement du taux de chômage d’équilibre via les effets d’hystérèse (Blanchard, Summers, 1986) liés aux fermetures de sites industriels (pertes de capital physique et humain). Cette incidence négative est accrue par le défaut d’appariement entre offre et demande de formation en France, ainsi que par une mobilité géographique et intersectorielle insuffisante de l’offre de travail.

 

2. Face à cette désindustrialisation croissante, les pouvoirs publics ont déployé de nouvelles politiques industrielles horizontales qui pourraient toutefois être renforcées et complétées

 

2.A. La mise en œuvre de politiques industrielles horizontales n’a jusque lors pas permis d’enrayer le déclin industriel français

  • Traditionnellement, les politiques industrielles s’organisaient de manière verticale pour protéger (List, 1837) et/ou financer le développement de secteurs d’activité (« picking the winners»). Après l’échec de certains projets et dans le contexte de l’ouverture commerciale, les politiques industrielles ont progressivement adopté une approche horizontale établissant un environnement fiscal et réglementaire favorable au développement des entreprises industrielles (Rodrik, 2005) ;
  • C’est en ce sens qu’a été conduite depuis 2012 la « politique de l’offre » réduisant le poids des prélèvements obligatoires portant sur les facteurs de production : pour un coût d’environ 40 Md€ par an, ces mesures (CICE, PRS, autres) ont contribué à restaurer les marges des entreprises industrielles (selon l’OFCE, le CICE explique une baisse de -2,8 % des coûts salariaux unitaires dans l’industrie) ;
  • Toutefois, ces politiques sont critiquées pour leur ciblage : le CICE s’étend jusqu’à 2,5 SMIC et ne concerne pas l’ensemble de la masse salariale des entreprises industrielles (il avait aussi un objectif d’emploi justifiant un ciblage sur les bas salaires) ; par ailleurs, il ne bénéficie que pour moins d’un tiers aux secteurs exposés à la concurrence internationale ;
  • Enfin, malgré un soutien fiscal important à l’innovation, notamment à travers le CIR (6 Md€/an, avec un impact de +0,3 PP sur la dépense de R&D selon la DG Trésor), la R&D française stagne à 2,2 % du PIB contre un objectif à 3 % dans la Stratégie de Lisbonne.

 

2.B. La simplification de l’environnement fiscal et réglementaire français, ainsi que de nouveaux investissements à l’échelle européenne permettraient d’enrayer et/ou d’atténuer les incidences négatives de la désindustrialisation

  • S’agissant des dispositifs fiscaux (CICE, Aubry-Fillon, PRS), leur unification autour d’un allègement général des cotisations employeurs dégressifs de 1 à 3,5 SMIC, ainsi qu’une réduction de l’IS à 25 % à horizon 2022 (soit la moyenne UE) permettra d’achever la stratégie de compétitivité-prix déjà entamée ;
  • La simplification du recours au chômage partiel (passage d’un régime d’autorisation administrative à un régime de déclaration) et la décentralisation des minima de branches au niveau des accords d’entreprise renforceraient la flexibilité interne des entreprises industrielles et la résilience de l’emploi en bas de cycle d’activité pour prévenir de futurs effets d’hystérèse ;
  • Au-delà, il convient également de renforcer l’efficacité de l’appareil de formation français, qui participe également de ces effets d’hystérèse : y contribueraient un pilotage des filières d’apprentissage par les branches professionnelles et les régions, ainsi qu’un meilleur ciblage des financements de la formation professionnelle vers les demandeurs d’emploi (qui bénéficient aujourd’hui de 10 % seulement des financements) ;
  • Enfin, à l’échelle européenne, de nouvelles politiques industrielles verticales pourraient être financées (transitions environnementale et numérique) par la montée en puissance de nouvelles ressources propres à compter de 2020 (fiscalité carbone, taxe sur le chiffre d’affaires des GAFA, etc.) : en parallèle, la mise en œuvre de mesures protectionnistes temporaires pourrait également être envisagée (ex. préférence européenne pendant 5 ans pour l’accès des entreprises aux données publiques), en particulier si les Etats-Unis maintiennent leur décision de rehaussement de droits de douane.

Les nouvelles technologies et l’emploi

Une récente étude de Frey et Osborne (2013) a montré que 47 % des emplois se trouveraient dans des activités automatisables à moyen terme, alimentant ainsi le débat sur les incidences des innovations technologiques sur l’emploi. Selon l’OCDE, l’innovation consiste en la mise en œuvre d’un produit ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organisation du lieu de travail ou ses relations extérieures. Si les nouvelles technologies induisent des effets redistributifs sans affecter le niveau global de l’emploi (I), un investissement renforcé tant dans l’innovation technologique que dans la formation professionnelle peut permettre de mieux soutenir la croissance potentielle et l’emploi (II).

 

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  1. Les nouvelles technologies induisent des effets redistributifs sur le marché du travail mais n’affectent pas le niveau global de l’emploi

1. A. Les nouvelles technologies induisent des effets redistributifs sur le marché du travail selon les secteurs d’activité concernés

 

En premier lieu, le caractère automatisable d’une tâche d’activité n’induit pas nécessairement un reflux de l’emploi total dans le secteur concerné. Ainsi, le développement des distributeurs automatiques de billets depuis les années 1970 a été concomitant avec une amélioration de la part des emplois du secteur bancaire dans l’emploi total, qui passe de 5,6 % en 1978 à 6 % en 2013 aux Etats-Unis. Les tâches les plus courantes ont été automatisées (recevoir des dépôts et remettre des billets), ce qui a réduit le nombre moyen d’employés par agence bancaire, mais la multiplication des agences pour couvrir l’ensemble du territoire a stimulé la demande de travail. Par ailleurs, la nature des tâches effectuées par les employés a évolué pour se recentrer sur des activités non automatisables telles que l’accompagnement de la clientèle, élevant le niveau moyen de qualification.

 

En deuxième lieu, si selon la DG Trésor, le recul de l’emploi industriel en France, qui représentait 26 % des actifs en 1980 contre 12 % aujourd’hui, s’explique notamment par le progrès technique, celui-ci n’est pas lié uniquement aux technologies de l’information et de la communication. S’agissant de l’informatisation en particulier, elle semble même avoir stimulé la demande de travail dans les secteurs d’activité des sciences et de l’ingénierie (+2 % par an entre 1982 et 2012 aux Etats-Unis), ainsi que la rémunération des travailleurs capables d’utiliser ou de développer ces nouvelles technologies [Autor, Dorn, 2013].

 

En troisième lieu, les effets des innovations technologiques sur le marché du travail sont également ambigus dans la mesure où ils induisent un développement des emplois très qualifiés et peu qualifiés (qui ont crû respectivement de +4,5 % et +4 % en France entre 1993 et 2010) et une atrophie des emplois intermédiaires (-9 % en France dans la même période). Cette polarisation du marché du travail génère des effets redistributifs de nature schumpétérienne (15 000 emplois étant détruits et créés chaque jour en France selon Cahuc, 2015) et un besoin d’adaptation de l’appareil de formation initiale et continue aux évolutions de la demande de travail, sans pour autant réduire le niveau de l’emploi global [Verdugo, 2017]. Elle contribue toutefois également à modifier la qualité de l’emploi et au recul relatif du salariat, à travers le développement des micro-entrepreneurs et de l’emploi des plateformes collaboratives (7 Md€ de volume d’affaires en France en 2015 et environ 200 000 travailleurs concernés selon l’IGAS).

 

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1. B. Les nouvelles technologies participent du chômage frictionnel mais n’affectent pas le niveau global de l’emploi

 

Au plan du niveau du chômage structurel, les changements technologiques participent du chômage frictionnel ou de conversion au sens de Modigliani (1975), dès lors que les innovations induisent un délai d’appariement entre l’offre et la demande de travail, d’où il peut résulter des effets d’hystérèse [Blanchard, Summers, 1986]. De manière contre-intuitive, l’apparition des nouvelles technologies n’a en effet pas permis de réduire sensiblement la durée moyenne passée au chômage [Kuhn, Skuterud, 2004] ou la durée des recrutements [Bessy, Marchall, 2006], ce qui traduit une sous-optimalité du fonctionnement du marché du travail comme de la formation initiale et continue. Elles n’ont pas davantage réduit les asymétries d’information ou accru la transparence du marché de l’emploi, malgré la baisse des coûts de publication des offres et des candidatures : Internet a en effet reproduit les segmentations socio-professionnelles traditionnelles et les candidatures spontanées ou le réseau interrelationnel restent les canaux de recrutement privilégiés [Fondeur, Tuchzsirer, 2005].

 

Au plan du niveau global de l’emploi toutefois, les gains de productivité induits par les nouvelles technologies permettent d’améliorer les marges des entreprises auxquelles ils se diffusent et, ainsi, de modérer ou diminuer les prix (d’où une faible inflation au cours de la décennie 2000 selon Gordon), ce qui stimule la demande globale et contribue à l’amélioration du taux d’équipement technologique des ménages. Ce mécanisme explique pourquoi les nouvelles technologies n’ont pas engendré un reflux de l’emploi global. Au XIXème siècle, l’invention des métiers à tisser avaient ainsi conduit à automatiser 98 % du travail nécessaire à produire un mètre de tissu sans réduire le niveau d’emploi du secteur [Hillau, 1998]. La baisse du coût unitaire a en effet entraîné celle des prix sur des marchés concurrentiels, stimulant la demande de tissu et accroissant la demande de tisseurs ainsi que leur rémunération, malgré la baisse du contenu en main-d’œuvre de la production.

 

Au plan du sentier de croissance potentielle, les incidences des nouvelles technologies via le facteur travail et la productivité globale des facteurs sont également ambiguës. Selon Gordon (2016), la croissance économique depuis la fin du XVIIIème siècle a été générée par des phénomènes non reproductibles (conquête de nouveaux espaces et de nouvelles ressources, alphabétisation, exode rural, machinisation, etc.). L’innovation ayant atteint un plateau technologique après l’effondrement de la bulle Internet au cours des années 2000 [Jones, 2002], il en résulterait une « stagnation séculaire » marquée par une faible croissance potentielle (estimée par la DG Trésor à 1,25 % du PIB en France) et une moindre diffusion des technologies entre les entreprises à la frontière de la productivité et les autres [Andrews, 2015]. Enfin, en maintenant des taux d’intérêt bas depuis la crise financière, les politiques monétaires accommodantes assureraient la survie d’entreprises à faible productivité et réduiraient le taux de rotation des entreprises, engendrant une allocation sous-optimale du crédit [Caballero, 2008].

 

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2. Le développement de l’innovation technologique doit s’accompagner d’une adaptation de l’appareil de formation professionnelle pour soutenir la croissance potentielle et l’emploi

2. A. L’investissement dans le développement des nouvelles technologies et l’adaptation des compétences de l’offre de travail demeurent hétérogènes

 

Les théories économiques relèvent que plus un pays demeure éloigné de la frontière technologique, qui désigne l’ensemble des technologies existantes les plus efficaces, plus le progrès technique passe par l’imitation de l’économie la plus avancée. Ainsi, les gains de productivité expliquent la croissance chinoise entre 1990 et 2000 à hauteur de 4 points par an en moyenne [FMI, 2015]. A contrario, plus un pays se rapproche de la frontière technologique, plus il convient d’y encourager l’innovation à travers des institutions idoines [Acemoglu, 2006]. C’est pourquoi la Stratégie de Lisbonne a par exemple fixé un objectif d’effort de recherche et développement équivalent à 3 % du PIB des Etats membres de l’Union européenne. Si l’Allemagne s’en approche (2,9 % du PIB), l’effort de R&D demeure insuffisant en France (2,2 % du PIB) en raison notamment de la faiblesse de l’investissement privé (1,4 % contre 2,1 % en Allemagne).

 

Cette hétérogénéité des efforts de R&D induit un différentiel d’innovation, notamment à travers le dépôt de brevets triadiques (70 par million d’habitants en Allemagne, contre 50 aux Etats-Unis et 35 en France) ou la robotisation des entreprises industrielles (19 000 achats de robots par an en Allemagne, contre 4 600 en Italie et 3 300 en France ; 30,1 robots industriels par million d’emplois en Allemagne contre 12,7 en France selon l’IFR en 2016). A moyen terme, elle génère le risque d’accroître l’écart de gains de productivité aux dépens des pays qui présentent un niveau et une qualité inférieurs d’investissement dans les nouvelles technologies, après une période de convergence vers un rythme de +0,8 % à +1 % par an au sein de l’OCDE [Ducoudré, Heyer, 2017]. Tout se passe comme si l’innovation technologique représentait un nouveau potentiel de croissance économique (cf. rapport du Conseil d’analyse stratégique en 2012 sur la nouvelle croissance), ainsi qu’une opportunité de préserver le niveau de l’emploi industriel et d’améliorer sa rémunération (hausse des salaires de +4,3 % négociée début 2018 par le syndicat de la métallurgie allemand IG Metall), à rebours des thèses techno-pessimistes.

 

L’investissement dans l’adaptation des qualifications de l’offre de travail aux nouvelles technologies via la formation initiale et continue présente également de sensibles hétérogénéités entre pays développés. Le classement Pisa 2015 a ainsi montré un recul des performances éducatives en matière d’apprentissage des mathématiques et une stagnation en sciences pour la France (26e du classement au total), tandis que des pays comme le Japon, la Corée du Sud, la Finlande, l’Allemagne ou la Belgique voient leurs performances éducatives progresser. Ce décrochage est lié notamment à un sous-investissement dans le primaire (France Stratégie, 2016 : la France dépense 15 % de moins par élève qu’en moyenne OCDE) et à une formation insuffisante des enseignants aux pédagogies numériques. Il en résulte de fortes inégalités scolaires (80 % des élèves décrocheurs étaient déjà en difficulté dès le CP), qui se répercutent sur les taux d’insertion professionnelle (environ 100 000 élèves sortent chaque année sans diplôme de l’enseignement secondaire), en particulier dans le contexte de polarisation du marché du travail décrit ci-dessus.

 

L’appareil de formation professionnelle continue demeure également sous-optimal en France avec, d’une part, une orientation des financements favorable aux travailleurs déjà qualifiés (90 % des financements sont à destination des travailleurs déjà en poste dans le secteur privé ou public) et, d’autre part, une préférence pour les formations d’adaptation au poste de travail (72 % en 2014 selon l’Uncanss) par opposition aux formations permettant l’acquisition de compétences nouvelles en vue d’une évolution professionnelle future. Par ailleurs, la connaissance et l’accès aux droits à la formation demeurent également insuffisants en France, avec un taux d’accès au droit individuel à la formation de seulement 4,9 % en 2014. D’autres pays ont choisi d’élargir l’accès à la formation professionnelle continue afin d’assurer l’adaptation des qualifications de l’offre de travail aux changements technologiques. Ainsi, les travailleurs danois ont la possibilité de suivre 14 jours de formation par an et 21 % des adultes sont passés par le système de formation professionnelle (contre seulement 3 % en France et 9 % en moyenne européenne selon Eurostat en 2011).

 

*

2. B. La mise en place d’environnements favorables à l’innovation de rupture, couplée à l’optimisation des systèmes de formation, permettrait de soutenir la croissance potentielle dans pays avancés et d’y réduire la segmentation de l’emploi

 

En premier lieu, il convient d’assurer un environnement fiscal et réglementaire favorable au développement d’innovations de rupture, entendues au sens d’innovations qui créent, transforment ou détruisent un marché [Christensen, 1997], afin de stimuler les gains de productivité et la croissance potentielle par un phénomène schumpétérien. A cet égard, il s’agit d’assurer notamment pour les entreprises numériques un accès au capital tout au long du cycle de développement, ainsi qu’une facilité d’entrée sur les marchés des nouveaux arrivants [Babinet, 2018].

 

Le cadre national peut accroître les investissements publics en infrastructures numériques (la France investissant seulement 40 M€ par an pour ses infrastructures de calcul par exemple), ainsi que renforcer les incitations fiscales à l’investissement privé dans la R&D (crédit impôt recherche en France pour près de 6 Md€ par an et crédit d’impôt à l’innovation pour les PME pour 100 M€ par an). Le cadre européen peut quant à lui contribuer à faire émerger un « marché numérique unique » visant à stimuler le commerce par l’harmonisation des législations nationales, mais les propositions formulées en 2015 par la Commission restent encore en cours de négociation.

 

En second lieu, l’investissement dans le capital humain apparaît comme la condition pour que l’innovation économique n’accentue pas la polarisation du marché de l’emploi. La substituabilité entre facteurs travail et capital sur les tâches routinières doit en effet conduire les travailleurs à se (re)positionner sur des segments de la chaine de valeur où le facteur travail est moins ou peu substituable. Cette évolution permettrait également d’améliorer les conditions de travail et le niveau de rémunération du facteur travail en parallèle de la montée en gamme de la production.

 

En France, le plan d’investissement dans les compétences prévoit ainsi un investissement de 15 Md€ sur la période 2018-2022, dont 360 M€ en faveur de formations aux métiers du numérique. Au plan quantitatif, il devra contribuer au redressement de l’investissement public, après un point bas à 18 Md€ par an entre 2015 et 2017 [INSEE, 2018]. Au plan qualitatif, il devra cibler prioritairement les publics disposant d’un capital de formation inférieur face aux transformations technologiques (demandeurs d’emploi de longue durée et décrocheurs scolaires notamment) et s’articuler avec la demande de travail exprimée par les secteurs d’activité en développement. C’est également en ce sens que devrait être revus la gouvernance et le pilotage de l’apprentissage, avec une implication renforcée des branches professionnelles dans la détermination des contenus pédagogiques des formations afin d’améliorer le taux d’insertion professionnelle (déjà élevé à 70 %).

 

Les théories de la croissance

1. Les notions fondamentales

Usages et limites du PIB : une mesure fiable mais limitée, un phénomène récent

  • Richesse produite par un pays : le PIB, c’est la somme des valeurs ajoutées des entreprises du pays pendant une période donnée (un trimestre ou un an).
  • PIB par habitant ou par tête : mesure le niveau de vie. La croissance économique permet donc une élévation du PIB/tête au cours du temps : mais ne répond pas à la question de la répartition de la valeur ajoutée.
  • Pour comparer les PIB/hab, des corrections techniques sont nécessaires.
    • Au cours du temps : PIB à prix constants corrigés de l’évolution des prix.
    • Entre pays : PIB corrigés des taux de change et en parité de pouvoir d’achat (Big Mac Index, cf. OCDE, 2002).
  • Les limites du PIB : externalités, bien-être (IDH), niveau de développement.
  • La croissance est l’accroissement sur une courte ou une longue période des quantités de biens et services produits dans un pays ou dans une zone économique.
  • Il s’agit d’un phénomène récent à l’échelle de l’humanité : décollage au XIXème siècle (A. Madison)
  • P. Rosenstein-Rodan (1943) : théorie du Big Push : c’est l’accumulation de capital qui permet de sortir de la trappe à pauvreté (notamment après les destructions de 1939-1945 : 20 % du capital immobilier détruit en France)
  • R. Gordon (2016) : théorie « de la stagnation séculaire » : la croissance est une parenthèse qui va se refermer car tirée par des phénomènes non reproductibles (conquête de nouveaux espaces, alphabétisation, exode rural, machinisation, etc.).

Croissance du PIB par habitant depuis 1700 (source : T. Piketty, Le Capital au XXIème siècle, 2013)

Le modèle de Solow : une approche des facteurs de croissance

  • Quels facteurs contribuent à la croissance ?
    • Y = C + I + G + X – M (où Y est la croissance, C la consommation, I l’investissement, G la dépense publique, X les exportations et M les importations)
    • Y* = L + K + PGF (où Y* est la croissance potentielle, L le facteur travail, K le facteur capital et PGF la productivité globale des facteurs)
    • Y (LT) = L + PGF (où Y(LT) est la croissance à long terme)
  • Hypothèse néo-classique : rendements décroissants du capital. Tiers facteur (progrès technique) explique qu’on ne converge pas vers un état stationnaire.

Les contributions à la croissance chinoise (source : FMI, 2013)
  • La PGF : elle est évaluée comme un « résidu » dans le modèle solowien.
    • C’est la fraction de la croissance qui n’est pas expliquée par l’augmentation quantitative des facteurs de production.
    • Elle permet d’apprécier les gains d’efficience d’une économie et dépend de la technologie, du fonctionnement des marchés et de l’organisation du travail.
    • Productivité horaire ou par tête : quantité produite / quantité de travail (heures ou nombre de travailleurs) => toujours veiller à comparer les mêmes grandeurs.
    • Ex. 1990-2000 : USA investissement et gains de productivité vs. UE croissance enrichie en emplois (2,3 % vs. 1,2 % aujd seuil de croissance à partir duquel le chômage se résorbe en France).
  • Un déclin tendanciel de la productivité du travail depuis la fin des 30G, d’où une croissance potentielle plus faible

Augmentation moyenne de la productivité horaire en % (source : Datastream, Eurostat)

Moyenne de la croissance du PIB en volume, en % (sources : Datastream, Eurostat)

La croissance potentielle : une notion macroéconomique

  • Le PIB potentiel est l’augmentation soutenable à moyen et long terme de la production sans accélération de l’inflation (sans tensions excessives sur les marchés des biens et du travail). Cf. Banque de France, « La croissance potentielle : une notion déterminante mais complexe », mars 2015)
  • Le PIB potentiel n’est pas une valeur observable en finances publiques ou en comptabilité nationale mais une notion macroéconomique théorique.
    • Les politiques publiques sont susceptibles d’affecter la croissance potentielle en modifiant le taux de chômage structurel, la productivité ou l’investissement
    • Les crises aussi peuvent l’affecter : croissance potentielle française estimée à 2 % avant crise vs. 1,25% aujourd’hui (INSEE). Effets d’hystérèse (cf. infra)
  • On en déduit l’output gap : c’est l’écart de production, soit la différence entre le PIB effectif mesuré en comptabilité nationale et le PIB potentiel. Il permet de positionner une économie dans le cycle et de calculer le solde structurel
  • Cycle économique : alternance entre des phases de croissance rapide et des phases de ralentissement. Le cycle constitue une déviation ou une fluctuation du niveau d’activité par rapport à sa tendance de long terme. (articulation court terme / long terme majeure en macro-économie : ex. relancer la croissance vs. rehausser le sentier de croissance)

Croissance réelle, potentielle et output gap en Hongrie (source : Datastream, Eurostat)

Croissances effective et potentielle en France depuis 1960 (source : DG Trésor, 2017)

Les autres théories de la croissance : croissance endogène, convergence économique et courbe de Kuznets

  • La théorie de la croissance endogène [Pourquoi il peut être utile d’investir dans le capital pour stimuler la croissance de long-terme ?] : une croissance auto-entretenue par l’accumulation de capital aux rendements marginaux non décroissants. Paul Romer, “Increasing Returns and Long Run Growth” (1986). Idée que les gains de productivité se diffusent dans une économie (rendement privé => rendement social : externalités positives : actions d’un agent économique qui ont un impact positif sur le bien-être et le comportement d’autres agents).
    • Les rendements d’échelle (ex. regroupement activités = externalités positives)
    • L’innovation (organisation, procédés, produits) : externalité positive et prime pour le first mover (ou winner takes all)
    • Le capital humain (éducation, formation, bonne santé)
    • L’investissement public (R. Barro : circulation des biens, des personnes, de l’information et financement par l’impôt jusqu’à un certain seuil)

Evolution des dépenses intra-muros totales en R&D en France et en Allemagne sur la période 1981-2008 (en % du PIB)
  • La théorie de la convergence économique [Pourquoi certains pays croissent plus vite que d’autres ?] : révèle un phénomène de rattrapage.
    • Convergence entre pays dissemblables : les pays pauvres croissent plus vite que les pays riches, autrement dit corrélation négative entre le niveau initial du PIB/tête et le taux de croissance [Barro et Sala-i-Martin, 1992].
    • Plus un pays est éloigné de la frontière technologique (ensemble des technologies existantes les plus efficaces), plus le progrès technique passe par l’imitation de l’économie la plus avancée. Gains de productivité expliquent pour 4 points/an croissance chinoise entre 1990 et 2000 (FMI).
    • Plus il se rapproche de la frontière, plus il est important d’y encourager l’innovation avec des institutions idoines [Acemoglu, 2006]. Ex. le revenu/hab du Cameroun passerait de 600 à 2 760 $ (*4,5) si la qualité de ses institutions rejoignait la moyenne mondiale (ex. protection du droit de propriété).
    • Clubs de convergence entre pays comparables : modèle gravitationnel d’Andrew Rose (2000) ex. zone Euro
    • Convergence entre revenus : la dispersion des revenus se réduit, c’est-à-dire l’écart-type des PIB/tête diminue (indice de GINI).
  • Le lien entre croissance et inégalités : S. Kuznets (1955) : courbe en cloche.
    • Dans un premier temps, l’accumulation de capital infrastructurel et naturel conduit à une répartition des richesses déformée en faveur des détenteurs d’épargne. Puis, l’accumulation de capital humain réduit les inégalités.
    • Mais Piketty (2005) : réduction pas naturelle (impôts et événements inattendus affectant le capital : guerres, inflation). En France, les transferts fiscaux, sociaux et en nature réduisent le rapport interdécile (rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres) de 5 (revenus primaires) à 3,5 (revenus après redistribution).
    • J. Stiglitz (2012) : le Top 1 % détient 20 % des revenus primaires aux USA du fait de la déformation du partage de la valeur ajoute entre capital et travail depuis 1980s : en découlent instabilité financière et moindre mobilité sociale.
=> La croissance ne suffit pas à réduire les inégalités, cela dépend aussi des institutions et de la structure des marchés.

2. Les outils

La France : un modèle déséquilibré

  • Un modèle de croissance déséquilibré
    • Prépondérance de la consommation privée et publique (70 % du PIB) et moins de gains de PGF (divisés par 2 depuis 1980)
    • Une contribution négative du commerce extérieur à la croissance (-0,3 pt en 2016)
    • Des effets d’hystérèse depuis la crise : 1 600 usines fermées (Trendeo, 2015), hausse du taux de chômage (supérieur à 9 % de la population active depuis 2009).
  • Un modèle fiscal et social qui réduit la compétitivité des entreprises
    • Poids des prélèvements obligatoires pesant sur les facteurs de production (cotisations sociales + fiscalité sur les entreprises) : 34,7 % du PIB vs. 29,4 % en moyenne zone Euro.
    • Une évolution inversée des coûts salariaux unitaires en France et en Allemagne entre 2001 et 2008 : +2,2 % vs. -0,2 % (cf. Trésor Eco, 2014).
    • Coûts salariaux unitaires = coût horaire de la main-d’œuvre / productivité horaire du travail : on peut compenser des coûts salariaux élevés par une productivité du travail élevée. En revanche, si le salaire brut augmente plus vite que la productivité, la compétitivité-prix se dégrade.

L’Allemagne : un modèle concurrentiel

  • Un modèle de compétitivité…
    • Excédent structurel du commerce extérieur : +8,6 % du PIB en 2016 lié à une forte compétitivité hors prix (élasticité-prix de la demande des biens : 0,3 vs. 0,9 en France : on mesure ici comment la demande d’un bien réagit après une variation de son prix ; plus cette élasticité est faible, moins les biens sont substituables, càd qu’ils sont positionnés sur un segment de marché qui les différencie par la qualité) et économie très ouverte (taux d’ouverture commerciale de 43 % [X+M/2/PIB] vs. 31 % France ; Chine passée 1er partenaire commercial depuis 2015)
    • Tissu industriel de PME décentralisé (Mittelstand) : 97 % des entreprises, 45 % de l’emploi, fortement exportatrices (18 % des PME allemandes sont exportatrices vs. 10 % en France)
    • Une économie proche de la frontière technologique : 30,1 robots industriels par millier d’emplois vs. 12,7 en France et 17,6 aux USA (IFR, 2016) ; 46 Md€/an de dépenses de R&D dans l’industrie manufacturière vs. 16 Md€ en France
  • …fruit d’une préférence collective
  • Reflux du chômage (5,6 % en 2017) aussi lié à des facteurs démographiques : jusqu’en 2015, la population active a diminué (-3 % population en âge de travailler entre 1998 et 2009)
  • Désalignement entre croissance économique et progrès social : taux de pauvreté (% de pop dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian) à 16 % vs. 14 % France, notamment hausse pour les chômeurs depuis 2004 (loi Hartz IV a réduit la durée des allocations chômage à 1 an) et indice de Gini à 0,3 (mesure des inégalités).
  • Faible part de l’investissement public réduit les dépenses publiques à court-terme mais handicape la croissance à long-terme : déficit d’investissement de 3 % du PIB (cf. France Stratégie, 2014), notamment secteurs petite enfance, infrastructures, énergie. France Stratégie propose seuil minimal investissement en Allemagne sans remettre en cause la règle d’or (0,35 % déficit structurel).

La Chine : un modèle extraverti

  • Un modèle de croissance par imitation
    • « Economie sociale de marché » : PIB multiplié par 31 en 26 ans (!) : de 361 Md$ (1990) à 11 200 Md€ (2016)
    • Prépondérance de l’investissement (50 % PIB vs. 36 % pour la consommation)
    • Une croissance extravertie : passée de 2 % en 1981 à 10 % en 2011 des exportations mondiales, dont 40 % vers UE et USA (induit une désinflation importée, cf. chapitre politique monétaire).
    • Notamment 1er exportateur mondial produits de haute technologie depuis 2003 (devant USA). 65 Md€ d’IDE/an car excès d’épargne (pic à 30 % du revenu disponible brut des ménages en 2009, cf. Trésor Eco, 2015). Mais vulnérable à un retournement de la conjoncture mondiale (ex. en 2008).
  • La recherche d’un rééquilibrage
    • Au plan externe : diminution de l’excédent commercial après un pic à +9,2 % en 2007 (+2,2 % en 2016). Selon Krugman (2015), le taux de change du Yuan, longtemps inférieur à son niveau d’équilibre (-20 % en 2006), est aujourd’hui légèrement surévalué.
    • Au plan interne : développement d’une protection sociale (réduit le taux d’épargne des ménages après le pic à 30 % RDB), hausse des salaires : +20 %/an en moyenne depuis 2005. Entre 1998 et 2014, le ratio CHI/USA en coûts salariaux unitaires passé de 40 % à 70 %. Montée en gamme et début de délocalisations (ex. Foxconn au Vietnam, où les CSU sont 3x inférieurs).
  • Des défis sociaux et environnementaux à surmonter
    • Fortes inégalités (Gini à 0,5) et faible classe moyenne (130 millions d’individus sur une population de 1,5 milliard)
    • Vieillissement démographique : 40 % de retraités en 2040 (politique de l’enfant unique) et taux de dépendance de 30 % en 2040 (ratio nombre de personnes +65 ans / population en âge de travailler : renseigne sur le besoin de financement en protection sociale)
    • 1er émetteur de GES, pollution 4è cause de mortalité. 1er investisseur dans les technologies vertes (50 Mds/an). Ex. leader sur la marché du photovoltaïque (60 % de l’offre mondiale).
  • Le rôle des institutions et de la gouvernance
    • Transition démocratique depuis 1992. 7 % de croissance/an en moyenne depuis 2010. Tertiarisation (services = 50 % PIB). Classe moyenne de 5 M d’habitants (20 % de la population, soit plus qu’en Chine < 10 %). Indice de Gini passé sous 0,4.
    • Acemoglu & Robinson (« Why Nations Fail? », 2012) : modèle inclusif (bonne gouvernance + protection sociale) vs. modèle extractif (une élite politique contrôle les rentes : ex. comparaison des deux Corée : même culture et géographie, mais niveaux de développement très hétérogènes). Pour le Ghana, environnement juridique/politique favorable aux IDE selon les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale.
    • Mais récemment : fort déficit public (9,6 % en 2014, réduit à 6 % en 2017), dépendance au cours des matières premières (or, pétrole, cacao) et programme d’assistance budgétaire du FMI (2014-2018).
  • Le rôle du commerce international vs. l’aide publique au développement
    • Frankel & Romer « Does Trade Cause Growth? » (1999) : l’ouverture au commerce est plus efficace que l’APD sous certaines conditions (accès à la mer et proximité géographique de pôles commerciaux).
    • +1 pt taux d’ouverture commerciale = +0,5 pt PIB/hab.
    • NB : APD = 100 Md$/an (les dépenses d’APD représentent ~0,4 % du RNB en France).
    • Ex. Vietnam : politique du Doi Moi (rénovation) depuis 1986 : entrée dans l’ASEAN en 1995 et dans l’OMC en 2007. PIB multiplié par 5 entre 1985 et 2011. Industrie = 40% du PIB notamment textile (forts gains de PGF). L’un des tigres asiatiques : 6 % croissance/an en moyenne depuis 2010.

3. Les défis

Comment rehausser la croissance potentielle en France ?

Accroche : Note conjoncture INSEE octobre 2017 : France +1,8 % PIB en 2017 : plus un sujet ? Mais certainement lié dynamisme demande extérieure (+3,3 % exports car +5,4 % commerce mondial), effets conjoncturels (pétrole stabilisé entre 50 et 60 $ d’ici fin année), mais toujours inférieure à ses voisins (+2,2 % en Allemagne et en moyenne zone euro, ESP +3,1 % car en rattrapage crise). Regain conjoncturel n’épuise pas sujet structurel de la croissance potentielle FR.
Définitions :
Croissance potentielle : augmentation soutenable à moyen et long terme de la production sans accélération de l’inflation. Rappeler incertitudes sur mesure et usages cf. Lettre du Trésor Eco : « La croissance potentielle en France » (2017).
Rehausser la croissance potentielle : relever le sentier de croissance : différent de relancer la croissance pour atteindre son potentiel.
Comment : question des leviers à activer, pas la question des finalités (autre sujet ou « faut-il rehausser ? »)
Problématisation : contexte budgétaire contraint (dette ~ 100 % PIB) et environnement concurrentiel (poids des émergents, mais aussi partenaires UE qui prennent des parts de marché), seules politiques conjoncturelles ou reprise extérieure ne suffiront pas à stimuler potentiel de croissance.
=> Quelles réformes structurelles pour stimuler les facteurs de croissance potentielle de la France ?
IA/ Faits stylisés :
Déclin tendanciel de la croissance potentielle depuis la fin des 30G : +4,5 % Y* 60-80s, +2,5 % 80-00s, +2 % 2000-2010, +1,25 % depuis la crise selon Trésor. En-dessous autres pays développés du fait mauvais fonctionnement des marchés.
Output gap négatif jusqu’en 2017 : écart de production demeure à 5 pts de base en 2016 (1,2 % vs. 1,25 %), mais se résorbe (35 pts de base en 2014 : 0,9 % de croissance cette année).
IB/ Théories :
– Modèle solowien de la croissance potentielle : K + L + PGF, dont L et PGF à long-terme. Apports du modèle de la croissance endogène : certaines formes de K peuvent aussi jouer.
– Avant la crise, ralentissement PGF commun à tous les pays développés : tertiarisation réduit les gains de PGF [Baumol, 1966] et faibles effets numérique (« techno-pessimistes » déjà Solow en 1987 : « on voit des ordinateurs partout, sauf dans les indicateurs de productivité », cf. Gordon, 2012 : vers « stagnation séculaire » et création emplois faible productivité).
Mais problème : Y* déjà en-dessous autres pays développés : mauvais fonctionnement des marchés (travail, accès au crédit, biens et services concurrence insuffisante not. énergie/transports, ce qui augmente le coût des intrants pour les entreprises), qualité insuffisante de la FBCF des entreprises (renouvellement vs. modernisation de l’appareil productif : ex. faible robotisation : plus de 2x moins de robots industriels/millier d’emplois que l’Allemagne), diffusion insuffisante de l’innovation (cf. chiffres R&D, brevets).
– Depuis la crise, effets d’hystérèse ont accru le chômage structurel (+ durée au chômage – chance retrouver emploi, cf. Blanchard & Summers, 1986) et destruction capital physique (-1 600 sites industriels entre 2008 et 2015) => réduit contributions facteurs L et K à Y*. Facteurs démographiques (dans le scénario dégradé de l’INSEE) : -1,5 M actifs d’ici 2060 = tendance pourrait se poursuivre.
IIA/ Bilan des politiques publiques :
Avant 2012, accroissement du coin socio-fiscal pour réduire le déficit public (+18 Md€ de PO sur les entreprises en 2011-2012) et logique timide d’investissement dans la croissance potentielle : grand emprunt Juppé-Rocard 2010 => PIA de 56 Md€ sur 2010-2017 dont plus de la moitié sur ESR (Idex, ANR, BPI).
– Dans d’autres pays, logique de baisse de la fiscalité du capital (taux IS moyen 25 % en UE vs. 33,3 % en FR), activation des politiques de l’emploi pour réduire le chômage structurel (FR : indemnisation chômage longue et généreuse) et investissement dans le K humain (ex. 36 % des adultes 25-64 ans participent à une formation professionnelle chq année en FR vs. 50 % en moyenne OCDE et 65 % pays scandinaves).
Depuis 2012, politique de l’offre pour relancer l’investissement : réduction PO entreprises pour stimuler la FBCF (-41 Md€ CICE/PRS => indice du prix du travail INSEE +2,3 % en 2012 vs. +1,1 % en 2015) : redressement du taux de marge des entreprises à 31,7 % en 2017 (vs. 29,5 % en 2014). Aujd, investissement des entreprises +3,4 % en 2016 et +3,9 % en 2017. Mais effets tardifs : financement CICE par hausse de TVA et économies budgétaires => la politique budgétaire continue de contribuer négativement à la croissance : -0,3 pt PIB en 2015 et jusqu’en 2019, cf. OFCE, 2017).
IIB/ Recommandations :
– Approfondir la politique de l’offre [jouer sur le facteur capital] :
–réduire fiscalité apparente sur le capital (PLF 2018 : bascule du CICE en allègements de cotisations employeurs pérennes : simplification et supprime l’effet retard du crédit d’impôt, flat-tax sur les revenus du capital à 30 %, suppression C3S)
–réorienter la dépense publique vers les investissements à rendement socio-économique élevé (logique du GPI : +57 Md€ en 5 ans sur numérique, transition énergétique, formation, transition énergétique ex. rénovation bâtiments, doit être financé par baisse dépenses moins productives ex. subventions au gazole, ferroviaire ou charges courantes des APU ex. selon audit 2017 Cour des comptes, moitié hausses dépenses de personnels APUL pas liée à décentralisation : économies de 1 à 2 Md€/an seulement en ramenant temps de travail effectif à durée légale 35H et taux d’absentéisme 2 à 3x plus élevé que dans privé).
– Réduire le chômage structurel [jouer sur le facteur travail]
–lever les freins à l’embauche (prévisibilité sur le coût des licenciements)
–renforcer les incitations monétaires à l’activité (ex. revalorisation de la prime d’activité)
–améliorer l’efficience du service public de l’emploi (appariement offre/demande de travail => ~100 K emplois vacants selon Pôle emploi). Cf. chapitre sur le marché du travail.
– Assurer une meilleure diffusion de l’innovation et améliorer performances éducatives [jouer sur la PGF] :
–bcp de dispositifs de soutien à l’innovation existent (CIR, BPI, PIA = effet +0,1 Y* sur 2010-2020 selon Rexecode) mais sous-investissement dans les TIC. Mieux cibler les aides à l’innovation (IGF, 2015) pour augmenter le niveau de qualité de l’investissement (France Stratégie, 2017). Le cas échéant aussi stratégie européenne d’investissements communs notamment si budget de la zone euro (cf. chapitre ad hoc).
–Combler retard sur l’éducation : décrochage 25 % dans le secondaire, faible attractivité du métier d’enseignant (salaires 33 K$/an vs. 38 K$ en moyenne OCDE), écart 1 à 3 avec US & UK dans classement Shanghai pour le supérieur => investir dans la formation = réduire la taille des classes (IPP, 2017), réinvestir sur le primaire, mobiliser financements privés dans le supérieur (18 % des ressources vs. 32 % en moyenne OCDE) et simplifier le fonctionnement de l’apprentissage (CAE, 2014).

Le marché du travail

1. Les notions

Chômage et emploi

  • Taux de chômage = nb chômeurs / population active (employés + chômeurs)
    • vs. Taux d’emploi = employés / population en âge de travailler
    • Taux de chômage en FR : 9,7 % en France entière au T3 2017 (3,5 M)
    • Taux d’emploi en FR : 64 % en France entière en 2016 (26,2 M)
    • Chômage au sens du BIT : toutes les personnes en âge de travailler (15-64 ans), sans emploi, en recherche et immédiatement disponibles
    • Chômage au sens de l’INSEE : catégorie A (équivalent BIT) vs. B/C (activité réduite) vs. D/E (pas immédiatement disponibles : formations, contrats aidés)
    • Chômage conjoncturel (dépend de la position dans le cycle) vs. Chômage naturel (structurel + frictionnel ou de conversion lié aux changements technologiques) => notion de NAIRU (Modigliani, 1975) : c’est le taux de chômage d’équilibre vers lequel le chômage converge en l’absence de chocs d’offre temporaires et une fois que le processus d’ajustement dynamique de l’inflation est achevé.

Taux de chômage et NAIRU en Belgique (1980-2011)

Taux de chômage en Europe et aux Etats-Unis entre 2007 et 2017 (source : OCDE)
NB : l’offre de travail est la quantité de travail fournie par les travailleurs en l’échange d’une rémunération, tandis que la demande de travail est celle dont les entreprises ont besoin pour produire des biens et services.
  • Les théories économiques du chômage
    • Chômage classique : à LT, l’emploi augmente au même rythme que la population active, offre et demande de travail s’égalisent => le chômage est toujours volontaire et lié aux rigidités du marché du travail (salaire minimum, etc). Il résulte d’un arbitrage entre effet revenu (relation positive entre prix et offre de travail) et effet de substitution (valorisation des loisirs vs. travail)
    • Chômage keynésien : involontaire, dépend à CT des variations de l’activité car le salaire n’a pas la même fonction régulatrice que le prix sur les marchés de biens : les salaires nominaux sont rigides et ne s’ajustent pas car ils expriment une convention (contrat de travail) et non d’un prix de marché. En revanche, l’emploi s’ajuste à la conjoncture par la flexibilité interne (durée du travail et rémunération) et externe (licenciement/embauche) à l’entreprise.
    • Pour Malinvaud (1980), les deux peuvent coexister :
      • Chômage keynésien en cas d’excès d’offre sur le marché des biens => il faut alors stimuler la demande adressée aux entreprises
      • Chômage classique en cas d’insuffisance de l’offre et de rigidités du marché du travail => il faut alors stimuler la profitabilité des entreprises et ajuster les salaires réels à la productivité (Real W = Nominal W / variation de l’indice des prix)
      • En bas de cycle => ramener le chômage à son niveau d’équilibre
      • En milieu ou en haut de cycle => réduire le taux de chômage naturel
    • Loi d’Okun (1962) : relation empirique négative entre taux de croissance et taux de chômage (+4 % PIB aux USA = -0,5 % chômage). Il existe un seuil de croissance qui permet d’absorber les gains de productivité et l’augmentation de la population active (1,5% en France : il a diminué depuis les années 1980 car la croissance s’est enrichie en emplois : Blanchard, 2006).
    • Courbe de Beveridge (1944) : relation empirique négative entre taux de chômage et nb d’emplois vacants (100-150k en France : appariement imparfait entre offre et demande de travail)
    • Schumpeter (1942) : destruction créatrice avec l’innovation (en France, 15k créations et destructions d’emploi chaque jour) => atrophie des secteurs moins productifs vs. croissance des secteurs plus productifs

Taux de création et de destruction d’emplois en France (2000-2010), source : INSEE

Les justifications économiques des politiques de l’emploi

  • Soutenir la demande en période de crise : ex. durée d’indemnisation du chômage (allongée en 2009 aux USA de 6 à 24 mois) ; contrats aidés (~500k entrées/an en France entre 2013 et 2016)
  • Prévenir les effets d’hystérèse après un choc exogène (ex. chômeurs de longue durée = 37% aux USA en 2014)
  • Renchérir le coût des licenciements : ex. taxe sur les licenciements (Blanchard & Tirole, 2003) incite les entreprises à investir sur la reconversion des salariés ; cotisations plus élevées sur les contrats atypiques (ex. CDD dans l’ANI 2013)
  • MAIS rigidités et barrières à l’entrée et à la sortie de l’emploi réduisent le nb de licenciements et d’embauches et accroissent la durée passée au chômage => segmentation et dualisme du marché du travail (Lindbeck & Snower, 1988).
    • Salaire minimum empêche la baisse des bas salaires => chômage des moins qualifiés (50% des chômeurs en France n’ont pas le baccalauréat).
    • Autorisation administrative des licenciements (1975-86 en France) : accroît les délais d’ajustement de l’emploi à la demande sans réduire le nombre des licenciements.
    • Indemnités de licenciement : renchérit leur coût et désincitent à l’embauche.
    • Indemnisation du chômage : accroît l’effet de substitution inactivité/travail et génère des trappes à inactivité.
    • Autres entraves à la fluidité du marché du travail : immobilier (prix et offre locative), transports, accès aux modes de garde.

Le prix du travail, élément de compétitivité-prix

  • Le prix du travail traduit un modèle de financement de la protection sociale (bismarckiens vs. beveridgiens) et le rôle de l’intervention publique dans la société (ex. les cotisations sociales employeurs étaient 2x plus élevées en FR qu’en AL en 2012 en % du PIB).
  • Coin socio-fiscal : coût total d’un travailleur pour une entreprise au-delà du salaire net (cotisations). Permet une première mesure de la compétitivité-prix : en 2015, il explique 40 % des coûts salariaux en France (vs. 35 % en Allemagne et 25 % au Royaume-Uni).
  • Coûts salariaux unitaires : coût horaire de la main-d’œuvre / productivité horaire du travail. Mesure également la compétitivité-prix d’une entreprise, qui peut être améliorée soit en diminuant le prix du travail, soit en augmentant sa productivité.
  • L’élasticité du nb d’emplois au prix du travail est d’autant plus élevée dans les pays où le prix du travail est élevé (-0,24 en France vs. -0,18 au Royaume-Uni selon Ducoudré, Heyer, 2017).

Les justifications économiques du salaire minimum

  • Pour le salarié, le salaire minimum doit être supérieur au salaire de réserve (Pissarides, 1990) : salaire en-dessous duquel le chômeur n’accepte pas la demande de travail du fait de trappes à inactivité
  • Pour l’employeur, le salaire minimum doit être proche du salaire d’efficience (Leibenstein, 1957) : il doit être faiblement supérieur au salaire de marché du fait des asymétries d’information (les employeurs ne connaissent pas à l’avance la productivité des salariés + le salaire d’efficience incite les salariés à rester dans l’entreprise et encourage leur productivité).
  • Au plan micro-économique, il permet de lutter contre les monopsones (sur les marchés où les employeurs sont dominants et fixent un salaire faible qui décourage l’offre de travail)
  • Au plan macro-économique, il permet d’orienter le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits (ex. salaire minimum fédéral gelé pendant 20 ans aux USA)
  • MAIS : Le salaire minimum peut avoir un impact négatif sur l’emploi ex. Kramarz (1999) : +1% SMIC = +1.5% de chômage au niveau du SMIC en France (10 % des salariés en France au SMIC + effet de diffusion d’une hausse du SMIC jusqu’à 1,4 SMIC, soit la moitié des salariés).
    • L’OCDE proposait en 2013 des SMIC régionaux en France (plus élevé en IDF)
    • Le groupe d’experts sur le SMIC proposait en décembre 2017 d’indexer le SMIC seulement sur l’inflation afin de modérer son évolution future (il est aujourd’hui indexé en partie sur l’inflation et sur les salaires)
    • En Allemagne, les salaires minimum étaient fixés par branche jusqu’en 2015. Ajd, salaire minimum fédéral fixé à 8,5 puis 8,84 € bruts de l’heure. Le chômage a continué à diminuer car la hausse du salaire minimum a stimulé la demande de travail.

2. Les outils

Le soutien à la demande de travail (des entreprises)

  • La réduction du prix du travail : une action des pouvoirs publics
    • « TVA sociale » en Allemagne en 2007 (hausse de la TVA de 16 à 19 % et baisse à due concurrence des cotisations employeurs) : changement d’assiette pour financer la protection sociale qui réduit le coin socio-fiscal
    • Allègements de cotisations employeurs : env. 40 Md€ en France (allègements généraux dégressifs de 1 à 1,6 SMIC + CICE proportionnel jusqu’à 2,5 SMIC). Selon la DARES, 170k emplois créés par les AG entre 1994 et 1999. Les allègements de cotisations employeurs maximisent les créations d’emplois si elles sont concentrées au voisinage du salaire minimum (Cahuc, 2014).
    • MAIS risque de créer une trappe à bas salaires et risque de se traduire sur les hauts salaires par des augmentations salariales si l’offre de travail est peu élastique au salaire (Katz, 1998) alors que l’objectif est d’accroître les marges des entreprises pour investir.
  • La « modération salariale » : une action des partenaires sociaux
    • Accord de Wassenaar aux Pays-Bas (1982) : hausse des salaires +6 % / an dans les années 1970 puis contenue à +1,5 % dans les années 1980, soit une baisse des salaires réels compte tenu de l’inflation (politique de « désinflation compétitive »)
    • Egalement en Allemagne dans les années 2000 : politique rendue possible par la stagnation des prix de l’immobilier : pas de perte de revenu disponible brut pour les ménages (v. CAE, 2013)

La réduction de l’offre de travail (des travailleurs)

  • La réduction de la taille de la population active (« partage du travail »)
    • Réduction généralisée du temps de travail : efficace si accompagnée d’une réduction des cotisations employeurs pour ne pas dégrader les marges des entreprises (sinon pas d’effet significatif sur l’emploi, v. Hunt, 1999 en Allemagne et Skuterud, 2007 au Québec, voire un effet négatif via le surcoût de prix du travail v. Kramarz, 2002).
      • Ex lois Robien 1996 et Aubry 1998 et 2000 : incitations à la RTT par allègements employeurs. 350k créations d’emplois en France entre 1998 et 2002 (Passeron, 2004) du fait des réorganisations du processus productif. MAIS effets paradoxaux sur les gains de productivité : +1,8 % en 2000 vs. +1,5 % en 2004 alors que corrélation négative entre nb d’heures travaillées et productivité (OCDE, 2009) : ex. Corée (2250h / 26$/h) vs. Allemagne (1420h / 51$/h).
      • Dans un monde où la production des entreprises serait une donnée intangible, il faudrait un nombre fixe d’heures de travail pour atteindre un niveau de production : il suffirait que chacun travaille moins longtemps pour inciter embauche.
      • L’impact de la réduction du temps de travail sur l’emploi dépend de la manière dont elle affecte la compétitivité des entreprises. Si elle incite les entreprises à adopter une organisation plus performante et pousse les salariés à travailler plus efficacement, sans trop accroître le coût de la main-d’œuvre, elle peut ne pas détruire voire générer des emplois. Mais la seule réduction du temps de travail ne crée pas d’emplois.
    • Départs anticipés à la retraite : 1M de préretraites en France à partir de 1976, politique analogue aux Pays-Bas. Gruber, 2010 : visent à aider les secteurs en déclin à réduire leurs effectifs (métallurgie et textile 70-80s) : manière moins conflictuelle de gérer les rotations d’effectifs mais coût pour les contribuables et n’améliore pas l’emploi des jeunes (OCDE, 2013).
      • Autre possibilité : abaisser l’âge de la retraite pour diminuer la taille de la population active. MAIS dégrade le ratio de dépendance (il y a moins de personnes au travail pour subvenir aux besoins d’un plus grand nombre d’inactifs) => hausse des prélèvements sur les ménages et les entreprises, pèse sur la compétitivité, ne favorise pas les embauches notamment des jeunes peu qualifiés.
  • Le chômage partiel pour maintenir l’emploi en temps de crise (flexibilité interne)
    • En Allemagne, il a permis de préserver 1 pt d’emploi pendant la crise (Koch, 2014) : 250k salariés vs. 18k en France. Développement du temps partiel : 28 % de l’emploi total en Allemagne vs. 19 % en France (DARES, 2014) mais inégalitaire car il touche principalement les femmes (83 %).
    • Simplification des régimes de chômage partiel dans l’ANI 2013 en France mais qui restent complexes (Trésor-Eco, 2012).

Le soutien à l’offre de travail (des travailleurs)

  • La lutte contre les trappes à inactivité pour inciter au retour à l’emploi
    • Loi Hartz IV en Allemagne : réduction de l’indemnisation du chômage (1 an max) => diminue le salaire de réserve mais augmente les inégalités de revenus (hausse de l’indice de GINI de 0,29 en 2000 à 0,33 en 2006)
    • Incitations monétaires à la reprise d’emploi via des crédits d’impôts depuis les années 1970 aux USA et en UK (Working Tax Credit). En France, prime pour l’emploi et RSA activité remplacés par la prime d’activité en 2016 (2,5 M de foyers bénéficiaires, montant moyen 160 € / mois) : soutien aux revenus des travailleurs pauvres mais critiqué car socialisation du salaire (5 Md€ dans le budget de l’Etat)
    • Pistes de réforme de l’Unédic en France : dégressivité des indemnités chômage pour inciter au retour à l’emploi (INSEE, 2001 : comportements de free rider notamment chez les plus qualifiés qui attendent la fin de la durée d’indemnisation pour intensifier leur recherche d’emploi) et contrôle accru de la recherche d’emploi (Pôle emploi, 2017 14 % des demandeurs d’emploi ne recherchent pas d’emploi : or effets d’hystérèse : plus longue est la durée passée au chômage, moindres sont les chances de retrouver un emploi)
  • Les contrats aidés pour les populations les plus éloignées du travail
    • Env. 400k en France en moyenne depuis 2010, dont 3/4 dans le secteur non marchand (collectivités, associations, etc). Investissement dans le K humain pour réduire les effets d’hystérèse et développer l’employabilité des bénéficiaires.
    • MAIS : Sienesi, 2001 : moindres chances de retrouver un emploi pérenne pour les bénéficiaires de contrats aidés en secteur non marchand vs. en secteur marchand (étude de cohortes en Suède) car signal négatif pour les futurs employeurs (Zylberberg, 2004) => les contrats aidés seraient moins efficaces que les réductions de cotisations employeurs. Enfin, il existe des effets d’aubaine pour les contrats aidés en secteur privé (1 contrat sur 2 aurait de toute façon été conclu) => choix du gouvernement de réduire à 200k le nombre de nouveaux contrats en 2018 et de les cibler sur le secteur non-marchand.
    • Réforme en cours des contrats aidés en France (rapport Borello, 2018) pour améliorer l’insertion dans l’emploi durable en sortie de contrat via le recours systématique aux formations pendant le contrat (aujourd’hui seulement 36 % en bénéficient à raison de seulement 3h/mois).

L’optimisation du marché du travail

  • Les réformes pour lutter contre le dualisme du marché du travail
    • Inciter à l’embauche en CDI (15 % seulement des embauches en FR) :
      • Réduction du coût des licenciements (Jobs Act en Italie en 2015 : réduction des indemnités de licenciement pour les nouveaux CDI, assouplissement des seuils sociaux, progressivité des dommages-intérêts prudhommaux selon l’ancienneté des salariés ; ordonnances réformant le code du travail en France en 2017 : barémisation des dommages-intérêts prudhommaux en France)
      • Meilleur ajustement des salaires réels aux variations de la profitabilité des entreprises (décentralisation de la négociation salariale : loi Travail 2016 accords de modulation des salaires pendant 5 ans en cas de difficultés économiques + ordonnances 2017 négociation des primes par accord d’entreprise)
      • => abaissement du seuil de réactivité du chômage à la croissance et levée de barrières réglementaires à la croissance dimensionnelle des entreprises = +25 % d’embauches en CDI en Italie (700k sur 2015)
      • Taxation des contrats courts (ANI 2013) et piste de modulation des cotisations Unédic des employeurs selon le taux de contrats atypiques pour désinciter à l’embauche en CDD et intérim
    • Définition des critères du licenciement économique dans la loi en Espagne : déficit d’exploitation pendant un certain nombre de trimestres donnés => sécurise les employeurs par un critère objectif ; idem ordonnances travail 2017 en France : appréciation des difficultés économiques au niveau national
    • Rupture conventionnelle individuelle depuis 2008 (15 % des sorties d’emploi : quasiment autant que les licenciements individuels 23 %) avec coûts de séparation réduits, rupture conventionnelle collective depuis 2018
    • Réforme du service public de l’emploi pour réduire le chômage frictionnel : mutualiser les offres d’emploi avec les OPP, rendre le marché plus transparent, recentrer sur l’accompagnement et les formations
  • Mieux investir dans le capital humain
    • Création en 2003 d’un droit individuel à la formation (20h/an) complété par le Fonds de sécurisation des parcours professionnels (2009) pour la requalification des salariés licenciés économiquement. Compte personnel d’activité (150h max) attaché à la personne et non au statut (individualisation de la protection).
    • Formation professionnelle : 34 Md€ gérés de façon paritaire, dont seulement 10 % bénéficient aux demandeurs d’emploi => enjeu de redéploiement pour développer leur employabilité (plan d’investissement dans les compétences 2018-2022 : 2 millions de formations pour les jeunes décrocheurs et les demandeurs d’emploi de longue durée)
    • Enfin, qualité du dialogue social importante en période de reprise (les revendications salariales augmentent avec l’emploi) comme en période de crise (arbitrage entre flexibilité externe et interne) : représentativité syndicale insuffisante en France et quasi absence des OS dans les conseils d’administration

3. Les défis

L’emploi des jeunes actifs et des séniors

  • Catégories particulièrement touchées par la crise : -4 pts taux d’emploi des actifs de 18-25 ans depuis 2008 ; durée au chômage plus élevée pour les 55-64 ans : 17 mois vs. 9,5 mois pour les 25-49 ans et seulement 9 % de retour à l’emploi après un an
    • Corrélation entre faible taux de chômage des jeunes actifs et développement de l’apprentissage : un jeune sur quatre en Allemagne et en Autriche (resp. 7 % et 8 % de chômage des jeunes actifs) vs. 400 000 en France (6 % des jeunes dont moitié de bac +2 et plus => politique insuffisante et mal ciblée)
    • Politiques anti-malthusiennes pour inciter au report du départ à la retraite : ex. surcote pour les années cotisées au-delà de 60 ans en 2003
    • MAIS les mesures catégorielles peuvent aussi présenter des effets négatifs (Friedlander, 1997) ex. échec du contrat de génération (20k conclus dont 50% d’effet d’aubaine selon la DARES) => Favoriser les programmes d’accompagnement court (2 à 12 semaines de training en Allemagne ; Garantie jeunes pour les 18-25 ans en France : +10 PP d’insertion dans l’emploi par rapport aux contrats aidés selon la DARES) et les mesures générales d’allègement de cotisations employeurs

Faut-il imiter le modèle allemand ?

  • Développement du travail temporaire (27 %), modération salariale (accords de branches), basculement de l’assiette de financement de la protection sociale depuis le facteur travail vers la consommation (« TVA sociale »), lutte contre les trappes à inactivité (Hartz IV)
  • Ces réformes du marché du travail ont été réalisées dans les années 2000 avec une croissance mondiale > à 4 %/an et avec une politique budgétaire accommodante (impulsion de +0,7 %/an) => peu reproductibles en bas de cycle et dans un contexte de consolidation budgétaire
  • S’agissant de leurs conséquences socio-économiques : le patrimoine médian des ménages médians allemands est 2x plus faible qu’en France + forte hausse des inégalités de répartition (De Grauwe & Yi, 2013) et du taux de pauvreté (de 12 % à 16 % entre 2002 et 2010). Enfin, l’Allemagne compte des faiblesses structurelles (notamment sa démographie et sa natalité : 1,4 enfant/femme)
  • En outre, ces réformes ne seraient pas soutenables à grande échelle : objectif de gains de compétitivité-prix pour gagner des parts de marché d’exportation aux dépens de ses partenaires UE.

Comment lever les freins à l’embauche ?

  • Faut-il faciliter les licenciements ?
    • Corrélation empirique entre réformes du CDI et reprise de l’embauche dans la période récente (Bénassy-Quéré, 2016).
    • CAE, « Dynamique des salaires par temps de crise » (2013) : Permettre un meilleur ajustement des W réels : s’ils progressent plus vite que la productivité, l’ajustement en période de crise se réalise par le niveau d’emplois => ne plus revaloriser le SMIC au-delà du niveau de la croissance et rendre plus acceptable une modération salariale (meilleures relations de travail, encadrement des hautes rémunérations, modération des prix du logement). Autre piste pour diminuer encore le prix du travail : SMIC régionaux (OCDE, 2013) ou par branche et « SMIC jeunes » mais faible acceptabilité politique.
    • Lever les barrières à l’entrée sur le marché des biens : Indicateur d’imperfections de la concurrence = 4,8 en France vs. 3 en Italie ou 1,1 en Allemagne et au Canada => Obstacles à l’accès au marché, restrictions sur les activités ex. loi Royer 1973 (autorisation d’ouverture des grandes surfaces) ou professions réglementées ex. taxis (rapport Attali : rachat licences + libre entrée flux = +0,2% PIB). Ce sont aussi des freins à la création d’activité et donc à l’embauche.

Quelle réforme pour la formation ?

  • La formation tout au long de la vie constitue un enjeu de croissance potentielle : moins de la moitié des salariés FR suivent chq année une formation, 10 % des fonds sont consacrés aux DE et dans les pays scandinaves, la formation est continue (9 jours/an en moyenne au DK). 3 objectifs :
    • Individualiser : droits attachés à la personne et non au statut, le CPA est crédité en heures de formation au cours de la carrière et à chaque rupture ex. licenciement (dans la limite de 150h ou 400h pour les non qualifiés)
    • Réorienter : 12 Md€ sur 5 ans dans le cadre du Grand plan d’investissement
    • Désintermédier : transparence sur les taux de sortie vers l’emploi des formations et choix direct du titulaire des droits
  • Investissement dans la formation également pour les jeunes enfants. Carcillo, 2016 : efficacité programmes en faveur des jeunes enfants (3-4 ans afro-américains défavorisés : Perry Preschool Program dans l’Etat du Michigan depuis 1962 : pour 1 dollar investi, gain de 9,11 dollars pour la collectivité via surcroît de revenus, économies de dépenses publiques police justice).
    • L’efficacité des interventions éducatives est plus élevée pour les enfants dont les capacités d’apprentissage et de socialisation sont faibles. Elle diminue également avec l’âge.

La politique budgétaire

1. Les notions

Les soldes budgétaires, les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques

  • Le solde public : c’est la différence entre les ressources publiques (impôts, cotisations, autres recettes) et les dépenses publiques (personnel, fonctionnement, intervention, etc.).
    • On l’exprime en valeur absolue ou plus souvent en pourcentage du PIB.
    • En déficit depuis 1975 en France (-2,9 % en 2017 ; -2,6 % en 2018 (p)).
    • Le déficit est un flux qui alimente le stock de dette (96,8 % en 2017 et 2018).
    • Prévisions de déficit construites selon des hypothèses d’inflation et d’élasticités en recettes (1,2 en 2016 : +1,9 % vs. +1,6 % Y en valeur) et tendanciel de dépenses (env. +20 Md€ par an). Depuis la création du HCFiP, moins d’écart entre prévision et exécution (crédibilité).
  • Le solde structurel : c’est la différence entre le solde budgétaire et le solde conjoncturel (construit par rapport à Y*).
    • Le solde structurel permet de neutraliser les effets du cycle économique.
    • Référence des organisations internationales, permet de mesurer l’effort structurel.
    • -2,2 % en 2017 ; -2,1 % en 2018 (PLF 2018).
  • · Les autres soldes budgétaires
    • Le solde primaire : solde budgétaire neutralisé des intérêts de la dette (-0,8 % en 2018). Mesure la soutenabilité budgétaire.
    • Le solde stabilisant : solde budgétaire à partir duquel le ratio dette/PIB se stabilise. Solde stabilisant = (taux d’intérêts réels – taux de croissance) * ratio dette/PIB. Objectif à atteindre pour stabiliser la dynamique de la dette. Egal à 3 % si la croissance du PIB en valeur est de +5 %, les taux d’intérêts réels de 0 % et la dette de 60 %.
    • Mais l’interprétation de ces soldes doit être relativisée car leur calcul dépend de la conjoncture (croissance et taux d’intérêt).

Evolution prévisionnelle des principaux agrégats budgétaires sur 2017-2022 (source : PLF 2018, en % du PIB)

Les justifications de l’endettement et le multiplicateur keynésien

  • Les justifications théoriques de l’endettement public (ensemble des emprunts émis ou garantis par les administrations publiques et dont l’encours résulte de l’accumulation des déficits publics) :
    • Investissement public (vs. dépenses de fonctionnement) dans la mesure où les générations futures en bénéficient.
    • Arrow & Lind (1970) : l’Etat s’endette à meilleur coût (diversifie le risque et le dilue pour les contribuables). Le marché de la dette publique est liquide (transactions rapides et peu coûteuses) et profond (peut réaliser des transactions en grande quantité sans variation majeure des cours). Les obligations souveraines représentent une réserve de valeur (support de transactions), mais aussi un collatéral (garantie) apporté aux banques centrales et un placement pour les compagnies d’assurance et fonds de pension). Notamment vrai pour le Dollar : monnaie d’échange internationale => forte liquidité => endettement à bas coût.
    • Tax smoothing : le recours à l’endettement public permet de lisser le niveau des PO sur le cycle et de minimiser les distorsions fiscales (Barro, 1979).
    • Stabilisateurs automatiques : l’endettement permet de lisser les variations du cycle (Nelson & Plosser, 1982 : ex. tax cut Kennedy en 1962 IR/IS 2,3 pts PIB : stimulus pour réduire le chômage : -1,5 pt).
    • Se prémunir contre des risques durables de dysfonctionnement des marchés : not. effets d’hystérèse sur le marché du travail (Blanchard & Summers, 1986).
    • Aussi dans le secteur privé : accompagner les phases de croissance de l’entreprise en finançant son fonds de roulement ou le décalage entre investissement et cash-flow généré. Alternatives : autofinancement ou augmentation du capital.
  • Le multiplicateur keynésien (relation entre la variation des dépenses publiques et la variation du revenu qu’elle génère)
    • Kahn, 1931 puis Keynes, 1936 : le déficit public génère une production supplémentaire, qui est proportionnel selon un facteur k (le multiplicateur).
    • Mesure discutée mais certain que 1/ plus élevée en bas de cycle (Robert Lucas à un journaliste du Times le 28 octobre 2008 : « Dans les tranchées, tout le monde est keynésien »), 2/ différent en dépenses et en PO (selon les pays : ex. France plus élevé en dépenses ; USA plus élevé en PO), 3/ dépend de la nature des hausses de dépenses ou des baisses de PO, 4/ dépend enfin du niveau d’endettement public et des marges de manœuvre budgétaires (cf. infra).
    • Quelques études expérimentales :
      • Baisse du taux moyen de taxation de -1 % => hausse de l’offre de travail de +0,5 % (Chetty, 2011 : ex. réformes au DK).
      • A l’inverse, hausse fiscalité +1 % PIB => baisse de 3 % du PIB au cours des trois années qui suivent (Romer, 2010 : ex. USA depuis SGM).
      • Impact hausse dépenses plus élevé dans régions où revenu/hab plus faible : k = 1,6 en moyenne, 3 au max (Serrato, 2016).
      • Mauvaise allocation des dépenses possible : ex. FEDER effet positif sur le revenu dans seulement 30 % des cas : régions où la qualité des services publics est déjà intermédiaire et où faible biais politique dabs l’allocation des ressources publiques (Becker, 2013).
    • Théorème d’Haavelmo (1989) : une relance budgétaire est aussi possible sans emprunt, par la hausse des PO, mais multiplicateur plus faible (proche de 1).

Les critiques de l’endettement

  • Les incidences macro-économiques de l’endettement public
    • L’équivalence néo-ricardienne (Barro, 1974) : tout déficit budgétaire est analysé par les agents économiques comme une hausse d’impôt future (épargnent le surcroît de revenus plutôt que de le consommer). Se vérifie empiriquement à partir de 90 % de PIB d’endettement : perte de 1 à 3 points de Y* (Reinhart & Rogoff, 2009). Par ailleurs, effet d’éviction au détriment de l’investissement privé : à prévenir par une politique monétaire accommodante (policy-mix : stratégies de combinaison de la politique budgétaire et de la politique monétaire).
    • La charge de la dette : handicape la conduite de la politique monétaire. Ex 41,5 Md€ pour le budget de l’Etat en France (PLF 2018), 2è budget derrière l’enseignement scolaire.
    • Existence d’une prime de risque : hausse des taux d’intérêts pour les pays déjà endettés (effet « boule de neige »), notamment quand détention de la dette par des non-résidents (2/3 en FR vs. 7 % au Japon). OCDE : au-delà de 75 % de dette/PIB, +1 pt de dette/PIB => +10 pts de base de taux d’intérêts.
    • Par ailleurs, l’ouverture économique a aussi réduit le multiplicateur budgétaire : effet d’éviction au profit de consommation importée (creuse le déficit commercial sans stimuler la production nationale). Ex. relance de 1 % PIB en 1981 => inflation 13,4 %, déficit -2 pt, balance commerciale -10 Md€ (en € courants).
=> Réussite d’une relance budgétaire = endettement public soutenable, tissu économique réactif (fonctionnement des marchés financiers, du travail et des biens et produits), bonne gestion publique et réactions adaptées des autorités monétaires pour éviter un effet d’éviction. Ex. Recovery Act 2008 (5,5 % du PIB) : pas encore d’étude mais corrélation avec hausse Y et baisse chômage.
  • La dynamique de l’endettement public
    • Loi de Wagner (1872) : progrès économique => hausse du ratio dépenses publiques/PIB. Dépenses d’investissement public pour soutenir le développement éco (ex. infrastructures) + production de services publics pour répondre aux besoins (éducation, santé, logement : biens dont la consommation augmente plus vite que le PIB).
    • Notion de soutenabilité : une dette publique est jugée soutenable si, compte tenu des prévisions de dépenses et de recettes publiques, l’Etat ne risque pas de se trouver face à une crise de solvabilité ou à une obligation d’ajustement irréaliste des finances publiques.
    • Solvabilité : capacité à rembourser le capital de ses dettes et à payer les intérêts qu’elle implique. Un Etat est solvable quand sa dette publique reste soutenable. Dépend du stock de dette, du déficit, de la croissance potentielle et des taux d’intérêts. Dt = Dt-1 x (r – Y*)
    • Différence avec une crise de liquidités : cas dans lequel un Etat n’est plus capable de s’endetter pour financer son déficit car les créanciers refusent de lui prêter (rôle des agences de notations). Ex. de la Grèce ou de l’Argentine : n’ont plus accès aux marchés, nécessite aide internationale (FMI) et/ou défaut/austérité.

Comment réduire sa dette ?

  • Trois voies de réduction de l’endettement public :
    • Par la croissance : taux de croissance en volume (y c inflation) supérieur aux taux d’intérêts (ex. Trente Glorieuses : réduction lente ex. USA 116 % PIB en 1945 => 22 % PIB en 1974)
    • Par le solde budgétaire : dégager un excédent primaire (ex. Allemagne +1,2 %)
      • Par la hausse des PO ou la réduction des dépenses ? Dépend du multiplicateur fiscal : selon DG Trésor (2012), +1pt PO = -0,4 Y vs. -1pt DP = -0,8 Y
      • Alesina & Ardagna (2009) : pour les économies surendettées, la réduction du déficit restaure la confiance et augmente l’investissement privé. La consolidation budgétaire est donc expansionniste à moyen terme quand le multiplicateur budgétaire est bas (inférieur ou égal à 1 : ~0,8 en UE). Les agents anticipent des baisses d’impôts futures (Friedman, 1957 : théorie du revenu permanent)
    • Par la répression financière (Reinhart & Sbrancia, 2011) : orienter l’épargne privée vers le refinancement de la dette publique pour réduire les taux d’intérêts en-dessous de la croissance (ex. accord FED-Roosevelt en 1942 maintien taux bas). Mais mauvaise allocation du capital (McKinnon & Shaw, 1973) et perte de croissance potentielle.
  • Dans tous les cas, la stratégie doit dépendre de la situation du pays : des multiplicateurs budgétaire et fiscal ; de l’existence d’une crise de liquidités ou de solvabilité. Si crise de liquidités, aide internationale. Si crise de solvabilité, inutile de prêter davantage, il faut restructurer la dette (rééchelonner et/ou réduire) + consolider le déficit. Rogoff (2009) : 300 défauts souverains depuis le XIXème siècle (ex. France et USA après la PGM). Questions : aléa moral + burden sharing entre les créanciers (effets redistributifs). Effet positif possible sur la Y* si le défaut permet de financer de nouveaux investissements publics utiles.
=> Réduire sa dette est un « marathon, pas un sprint » (FMI, “The Good, the Bad, and the Ugly: 100 Years of Dealing with Public Debt Overhangs”, 2012).

2. Les outils

L’ajustement par la dépense : le cas des pays anglo-saxons et de l’Allemagne

  • Une réduction des dépenses publiques…
    • Déclenchement lorsque la dette publique approche 100 % PIB du fait de déficits cumulés (-9,2% déficit en 1994 au Canada puis excédent +0,2 % en 1997 ; Suède 12 % déficit en 1993 et 80 % dette en 1995 ; Allemagne déficit -4,1 % en 2010 vs. +0,8 % en 2016)
    • Réduction des dépenses de masse salariale (gel des salaires et réduction d’effectifs dans la fonction publique), de fonctionnement (Digital By Default au RU) et d’intervention (redéfinition des missions du secteur public, plafonnement des prestations sociales au RU et réduction en Allemagne avec Hartz IV) => forte sélectivité des baisses de dépenses (ex. -2,4 % dépenses en volume au RU entre 2009 et 2012 cf. France Stratégie, 2015)
    • Des règles de gouvernance : budgets triennaux en Suède avec plafonnement des dotations ministérielles, règle d’or (pour les budgets locaux en Suède, Schuldenbremse à 0,35 % de déficit structurel pour le budget fédéral en Allemagne), hypothèses de croissance prudentes, dépenses calées sur les prévisions de recettes et comités budgétaires indépendants (ex. Congressional Budget Office aux USA)
  • …Rendue possible par un contexte macro-économique favorable
    • Une croissance mondiale autour de 4-5 % dans la décennie 1990s
    • Un contexte d’inflation et de dévaluation monétaire (dépréciation de 25 % du CAD // à l’USD : 1 USD = 0,63 CAD en 2002 ; Vidal, 2010 : dévaluation de la couronne suédoise a accru les exportations)
    • Un risque de handicaper la croissance potentielle : faiblesse des investissements publics en Allemagne (Duval, 2013 : 1,5 % du PIB, soit inférieur à la moyenne OCDE), prise en charge insuffisante de la petite enfance (OCDE, 2014) et démographie négative (25 M de retraités en 2030)
=> Des réformes jusqu’ici improbables en France mais rendues possibles par la reprise conjoncturelle ?

L’ajustement par les recettes : le cas de l’Irlande et de la France

  • En Irlande : transmission de la crise financière à la crise des finances publiques
    • « Tigre celtique » : une croissance de 5 à 10 % a fait diminuer de moitié le ratio dette/PIB durant la décennie 1990
    • Mais bulle immobilière et recapitalisation des banques => 32 % déficit en 2010
    • Dette publique de 25 % PIB en 2007 à 124 % en 2013 (*5)
  • En France : une préférence collective pour la dépense publique
    • Un écart de 6,5 pts de PIB en DP par rapport à la moyenne OCDE, en particulier sur les dépenses sociales (système de retraites = 3/4 de l’écart) et rigidité des dépenses dans leur composition (France Stratégie, 2016)
    • Peu d’efforts structurels sur la dépense publique (11 Md€ d’économies avec la RGPP ; 29 Md€ avec le plan d’économies 2015-2017 mais toujours calculées par rapport au tendanciel : les dépenses ont continué à évoluer en volume) => dette proche de 100 % de PIB
    • Historiquement, une politique budgétaire peu coordonnée avec le cycle économique : depuis 1980, seulement 6 % cas consolidation en phase haute et 11 % relance en récession.
  • Un ajustement brutal après 2008
    • En France entre 2009 et 2015, +3,6 pt de PIB en PO (entreprises et ménages) alors que les DP continuaient d’augmenter de +0,7 pt => pèse sur les facteurs de production et réduit croissance effective (inférieure à 1 % entre 2012 et 2015)
=> Un impact négatif de la consolidation budgétaire sur la croissance (OFCE, 2017 : -0,4 pt en 2015 et -0,2 pt en 2016 et 2017)
  • En Irlande, consolidation budgétaire aux 2/3 par les PO, soit +12 % PIB (introduction d’une taxe foncière et d’une taxe sur l’eau par ex. : pression fiscale +1 000 € / foyer). Aussi effort en dépenses (réduction de la masse salariale de 17 %) et aide internationale pendant 3 ans (FESF et FMI = 67 Md€)
=> Retour d’une croissance élevée (5,2 % en 2016) et réduction du déficit (-0,6 % en 2017 ; OAT à 10 ans inférieures à 2 %) mais défis à relever (taux de pauvreté x 2, chômage des jeunes, endettement privé, fin du dumping fiscal)

3. Les défis

Les conditions pour réussir un désendettement

  • Les conditions historiques pour la réussite des stratégies de désendettement
    • Etude du FMI (2012), “The Good, the Bad, and the Ugly: 100 Years of Dealing with Public Debt Overhangs” : Entre 1875 et 1997, plus de la moitié des pays industrialisés ont dépassé le ratio de 100 % dette/PIB
    • Un environnement monétaire accommodant est une condition sine qua non. Ex. USA après 1945 (PM non conventionnelle : achat de titres publics et taux très bas => l’inflation résorbe l’endettement)
  • Le lien entre politiques de dévaluation interne et dette en temps de crise
    • Paradoxe de Fisher (1933) : en période de crise, le désendettement public entraine chômage et croissance faible. Boucle dépressive : demande privée déprimée => déflation => récession => augmente la valeur réelle de la dette.
Ex. Royaume-Uni après 1914 passe de 100 à 200 % dette/PIB (consolidation budgétaire+ PM restrictive pour rétablir parité étalon-or d’avant-guerre). Idem politique du « franc fort » sous Laval en 1935.
  • De Grauwe (2013) : Depuis 2008, pays où la consolidation a été la plus forte en UE ont connu la plus forte baisse de PIB et d’accroissement de la dette => inefficacité des consolidations si récessives (càd si réalisées par la hausse des PO ou la baisse de dépenses productives).
  • Par contraste, politiques de relance budgétaire efficaces lorsque le multiplicateur keynésien est élevé et que l’équivalence néo-ricardienne ne joue pas ex. New Deal (impulsion de +1,5 % PIB en 1934). DeLong & Summers, 2012 : multiplicateur budgétaire supérieur à 1 en moyenne OCDE (1,2 en France pour l’OFCE) et taux d’intérêt faibles = opportunité pour augmenter l’investissement public.

L’encadrement européen et international

  • Aujourd’hui, la politique budgétaire au sein de l’UEM est soumise à des règles…
    • Kydland & Prescott (1977) : incohérente temporelle des politiques budgétaires
    • Pacte de stabilité (1997), TSCG (2012) : 3 % déficit, dont 0,5 % structurel, 60 % dette et définition OMT par pays
    • Déclinaisons nationales : loi organique du 17/12/2012 en France
    • Pb de crédibilité : des règles jamais appliquées ? (Conseil européen de 2005)
  • …Mais elle est également contrainte par la compétition fiscale
    • Réduction généralisée de l’impôt sur les sociétés (CEPII, « Impôt sur les sociétés : tous à 0 % ? », 2005). Ajd 25 % en moyenne UE contre 33 % en 1999 : réduction à 20 % au Royaume-Uni, 12,5 % en Irlande, 29,6 % en Allemagne mais stabilité norme fiscale, perspective 25 % en France en 2022 et réduction de 35 % à 15 % aux USA avec Trump. Facteur d’attractivité du territoire (mais pas le seul : infrastructures, formation, etc).
    • Politiques de dévaluation interne, ex. Espagne depuis 2011 :
      • Amélioration de la compétitivité-prix et des exportations (excédent commercial de +4 % PIB en 2015), hausse de la profitabilité des entreprises (+3 pts), baisse des salaires réels (-10 %)
      • Croissance de 3,2 % en 2016, chômage à 17 % vs. 26 % en 2013, mais déficit public 3,3 % en 2017 (tjs jugé excessif par la CE) et dette publique ~ 100% PIB
=> Politiques budgétaires non coopératives permettent de relancer la croissance mais ne résolvent pas la question de l’endettement public

Trois orientations pour la politique budgétaire en France pour 2017-2022

  • Opérer une réduction sélective des dépenses publiques : sphère sociale (objectif -40 Md€ d’ici 2022, impossible sans un effort sur les retraites et l’assurance-maladie : Ondam à 2,3 % sur le quinquennat vs. 1,75 % en 2016), collectivités territoriales (effort de 13 Md€ sur les dépenses de fonctionnement plutôt que sur les dépenses d’investissement, réduction de la masse salariale) et fonction publique (-100K fonctionnaires sur le quinquennat = -2,8 Md€ en cumulés ; aussi gel du point d’indice : +1 % masse salariale des trois FP = +900 M€ et rétablissement du jour de carence : 170 M€ d’économies par an).
  • Recours au levier fiscal marginal (notamment sur les 450 niches, soit 82 Md€, ex. TVA réduite restauration = 2,6 Md€ de moindres recettes pour un secteur non exposé à la concurrence internationale). Baisses de fiscalité sur les ménages (TH, cotisations salariales) mais hausses de fiscalité comportementale (tabac, diesel). Simplifications pour les entreprises : transformation du CICE en allègements généraux de cotisations employeurs en 2019.
  • Recycler une partie des économies pour stimuler la croissance potentielle dans un contexte de taux d’intérêt faibles : financement du plan de formation pour les DELD et jeunes décrocheurs, investissements dans la transition écologique (ADEME, Anah, etc.), réduction de la fiscalité sur le capital (IS à 25 %, flat tax à 30 %).
=> Objectif réduction du déficit structurel à 0,8 % en 2022 (mais toujours supérieur à l’objectif du TSCG), réduction DP -3 pts de PIB et PO -1 pt de PIB. Permettra de sortir de la PDE sauf remontée des taux (+100 points de base en 2018 = +3 Md€ de charges d’intérêt dès 2018 et +10 Md€/an à horizon 2022, cf. Cour des comptes, 2017 : en LPFP, le Gouvernement anticipe des OAT à 10 ans à 4 % en 2022).

La protection sociale

1. Les notions

Les modèles de financement de la protection sociale

· Il existe des modèles bismarckiens (cotisations) ou beveridgiens (impôt) pour financer la protection sociale :
o En France : modèle bismarckien en 1945, puis hybridation (création de la CSG : finance aujd 1/3 des dépenses de protection sociale + création du RMI ou de la CMU, attribués sans condition de cotisation préalable)
· La tendance dans l’OCDE depuis 30 ans est celle d’une augmentation continue des dépenses sociales : un effet volume lié à élargissement du périmètre de risques couverts (ex. risque chômage) et des bénéficiaires concernés, un effet prix lié aux revalorisations pour couvrir le coût de la vie.
o En France, le ratio dépenses publiques/PIB a augmenté de 11,4 pts entre 1980 et 2014 dont 60 % du fait des ASSO. Les dépenses de protection sociale (y compris santé) y représentent 1/3 du PIB, soit autant qu’au Danemark et 5 points de plus qu’en moyenne dans la zone euro. Cette préférence collective pour la socialisation des dépenses de protection sociale soulève un enjeu de financement et d’allocation des ressources (cf. infra sur le coin socio-fiscal).
o Aujourd’hui, le déficit de la Sécurité sociale est notamment lié à la branche assurance-maladie (-4,1 Md€ en 2017, soit environ 5 % du déficit public). Ce déficit est lié au vieillissement démographique ainsi qu’aux inefficiences de l’organisation du système de soins et de prévention en France [CAE, 2013]. Il soulève un enjeu d’équité intergénérationnelle pour le financement de la dette sociale.

Les enjeux macro-économiques de la protection sociale

  • Les politiques de redistribution divisent par trois les inégalités de revenus en France (écart de 20 à 6 entre les 2 déciles extrêmes). Dû pour les 2/3 aux prestations sociales et pour 1/3 à la fiscalité. Coefficient GINI relativement faible (0,30 contre 0,33 en Italie ou 0,36 au Royaume-Uni) ;
  • Les minima sociaux réduisent l’intensité de la pauvreté mais pas son niveau, qui est surtout lié au marché du travail (ex. 8,9 M de pauvres en 2015, soit +1 million par rapport à 2008 du fait de la crise économique) ;
  • MAIS interrogations sur l’efficience de ces dépenses : la socialisation de certains risques induit-elle une déresponsabilisation des agents économiques ? (ex. 70k morts du tabac/an en France et coût sanitaire de 26 Md€/an selon Kopp, 2015) ;
  • Par ailleurs, la protection sociale modifie les préférences individuelles : est-ce le rôle de la puissance publique ? (ex. les trappes à inactivité modifient la fonction d’offre de travail et conduisent à un équilibre sous-optimal du marché du travail).

Les enjeux micro-économiques de la protection sociale

  • L’existence et le développement de la protection sociale permet de soutenir les gains de productivité (Wheeler, 1980 : le développement du capital humain via l’éducation ou la santé contribue positivement à la croissance du PIB) ;
    • Ex. de la formation professionnelle continue : un effort moyen de 11h de formation/an et par salarié génère un gain de productivité de +1 %, récupéré entre 30 % et 50 % par les travailleurs sous la forme de revalorisations salariales (Crépon, 2009) ;
  • Elle permet également de réduire le taux d’épargne de précaution des ménages et mieux allouer les ressources au sein d’une économie nationale ;
    • Ex. dépenses de protection sociale en Chine 9 % du PIB et taux d’épargne des ménages à 37 % du RDBMAIS le coin socio-fiscal modifie la croissance potentielle et le chômage naturel (cf. séance sur le marché du travail) ;
  • En économie ouverte, un modèle de protection sociale dont le financement est assis sur les facteurs de production mobiles (ex. cotisations employeurs) apparaît moins soutenable et génère des effets d’éviction (moindre compétitivité-prix) ;
  • D’où des interrogations sur une modification de la structure du financement de la protection sociale (ex. développement de la CSG, « TVA sociale », montée en charge de la fiscalité environnementale) ;
    • S’il n’existe pas d’assiette miracle, la fiscalité environnementale est la plus favorable à la croissance potentielle à long terme (selon une étude de la DG Trésor en 2011, une hausse de la taxe carbone couplée à une réduction des cotisations sociales et un renforcement du CIR aurait un impact de +0,6 point sur le PIB et de +125k sur l’emploi à horizon 10 ans).

2. Les défis

Faire face aux incidences économiques du vieillissement démographique

  • Baisse de la natalité (ex. INSEE : -7 % en FR depuis 1980) et allongement de l’espérance de vie (+8,5 ans dans la même période) induisent des effets micro- et macro-économiques contrastés (Artus, 2015) :
    • L’inflation décroît avec le vieillissement et le solde extérieur s’améliore car insuffisance de la demande interne (ex. Allemagne)
    • Absence de lien empirique avec l’évolution du taux d’épargne des ménages (≠ théorie du cycle de vie)
    • Pas de diminution de l’aversion au risque ni de l’effort de R&D et effets contrastés sur les gains de productivité
    • Pas de corrélation avec les prix des actifs (actions, immobilier)
=> Au total, ralentissement du PIB / tête et impact incertain sur le progrès technique
  • Un enjeu de soutenabilité budgétaire
    • La hausse du taux de dépendance global (retraités / actifs) génère une contrainte de financement pour les systèmes de retraite :
      • 3 leviers de réforme des régimes de retraite par répartition (déficit de -0,4 % PIB en 2021 et -0,8 % en 2030 selon le COR, 2017) : taux de cotisation, taux de remplacement, durée de la vie active (piste privilégiée jusqu’ici : soit par le recul de l’âge légal des départs en retraite, soit par l’allongement de la durée de cotisation)
      • Autres pistes : hausse du taux d’emploi des séniors (v. séance sur le marché du travail), amélioration du solde migratoire ou du taux de fécondité
      • Passage à un système de retraites par comptes notionnels : enjeu d’équité (même taux de rendement) et de fluidité dans les parcours professionnels (2,7 régimes de retraite en moyenne / personne), cf. Bozio & Piketty, 2008.
    • Effet inflationniste sur les dépenses de santé (via les ALD : 15 % de la population en 2011 -> 20 % en 2025, cf. Trésor-Eco, 2015) et de dépendance (+1 pt de PIB de dépenses d’ici 2060 selon la DREES)
    • Un enjeu également pour les économies émergentes (ex. Chine : ratio de dépendance 1,3 actif par sénior d’ici 2050 + épargne de précaution trop importante)

Source : INSEE, projections de population active 2010-2060

Les théories économiques de la fiscalité

  • Pour rappel, la politique fiscale est un instrument de politique économique (Musgrave, 1959) : rôle de stabilisation et de redistribution (objectifs potentiellement contradictoires)
    • Ex. baisser la fiscalité sur le capital pour relancer l’investissement, mais en augmentant les inégalités de patrimoine
  • Théorie de la fiscalité optimale (Mirrlees, 1971) : la fiscalité modifie toujours les choix microéconomiques et les équilibres macroéconomiques
    • Objectif : maximiser les recettes fiscales pour financer les biens publics, tout en minimisant les désincitations aux facteurs de production chez les contribuables (personnes physiques et entreprises) => préférer les assiettes larges et les taux faibles (ex. TVA ou CSG) pour éviter l’effet « Laffer » (Wanninski, 1978).
    • A partir de 80 % de taux d’imposition marginale, la masse des revenus imposables diminuerait (Gruber et Saez, 2012). D’où des propositions comme le « bouclier fiscal » (max. 50 % d’imposition moyenne revenus des personnes physiques, mais ne prenait pas pour référence l’imposition marginale).
  • Théorie de l’incidence fiscale : question de la répartition de la charge effective de l’impôt entre agents économiques (ex. la TVA est-elle répercutée sur les prix ?)
    • Dépend de l’élasticité de l’offre et de la demande (Mankiw, 2007 : cotisations maladie payées in fine par le salarié dans les Etats américains et non par l’employeur car le pouvoir de négociation du salarié est faible : ici, l’offre de travail est faiblement élastique aux variations du prix du travail).
    • Taux de transmission sur les prix des modifications de taux de TVA en France entre 55 et 80 % (Carbonnier, 2006), exception sur la TVA réduite dans la restauration en 2009 : 20 à 45 % seulement (Laffeter et Sillard, 2014)
  • Théorie de la fiscalité comportementale (Pigou, 1920) : internaliser les externalités négatives ou positives produites par les agents économiques
    • En matière sanitaire ou environnementale : désinciter les pratiques nocives (ex. tabac, alcool, pollution). Elasticité de -0,3 à -0,5 (Gallet et List, 2003) de la demande de tabac par rapport au prix ; moins efficace pour les boissons sucrés et les produits gras ;
    • Mais ambiguïté : rendement budgétaire vs. efficacité comportementale (ex. augmentation graduelle du paquet de cigarettes entre 2018 et 2020 : +5 Md€ de recettes attendues alors qu’une hausse one-shot est plus efficace pour réduire la consommation) ;
    • Autres limites : effet anti-redistributif (Finkelstein, 2010 sur le principe d’une « fat tax » ; 1 chômeur sur 2 fume quotidiennement contre 1 Français sur 4) et comportements de contournement et contrebande (Stehr, 2005 : 10 % des cigarettes achetées dans des Etats voisins au sein des USA)
  • Penser la politique fiscale en économie ouverte :
    • Mobilité des facteurs de production : incite à la concurrence fiscale sur le capital et le travail qualifié (ex. flat-tax sur les revenus du capital en Suède puis en France depuis 2018)
    • Réduire la fraude et l’optimisation fiscales (entre 60 et 80 Md€/an en France : difficile d’estimer finement) : échange d’informations entre pays OCDE, harmonisation des modalités de calcul de l’assiette (cf. directive ACCIS dans l’UE) et des taux, réduction du nombre de niches fiscales et prélèvement à la source (Kleven, 2011 sur le système danois : pratiquement aucune évasion fiscale lorsque les revenus sont déclarés par un tiers et qu’il n’y a pas de niche fiscale).

Le commerce international

1. Les notions

La mondialisation économique

  • Les leçons de la première mondialisation (1870-1914)
    • Suzanne Berger, 2003 : « première mondialisation » entre 1870 et 1914 : séries de mutations tendant à créer un seul marché mondial pour l’échange de biens et de services. Lettre Trésor Eco : « Quels enseignements tirer de la première mondialisation ? » (2011) : croissance annuelle moyenne du commerce international de 4 %, supérieure à la croissance du PIB (2,5 %).
      • Causes : baisse des coûts de transports (-40 % coût réel du fret en UK/US) et hausse des migrations (-10% population en Irlande). UK : excédent 9 % de PIB => IDE dans l’Empire ; FRA : 3,5 % du PIB en IDE (Russie, Empire ottoman, Amérique latine).
      • Egalement convergence partielle des prix : ex. alimentaire, écart divisé par 5 entre pays développés. Un faible écart entre partenaires maximise le bien-être du consommateur et l’efficacité productive (Viner, 1950)
    • MAIS l’ouverture trop précoce des secteurs manufacturiers des PVD à la concurrence des économies matures a effondré les productions (Empire ottoman, Inde, Chine fin XIXème) et absence de réciprocité des politiques commerciales (relèvement non coordonné des tarifs douaniers avant 1914, ex. tarif Méline en 1892 en FR +3,2 PP taux de prélèvement douanier ; aux USA taux entre 25 et 60 % sur les biens manufacturiers jusqu’en 1913 ; en UK principe de la « préférence impériale » favorisant les produits en provenance des dominions)
  • Les défis de la mondialisation actuelle (depuis 1990)
    • Depuis 1945, l’intensification des échanges commerciaux a alimenté la multiplication par 6 du PIB mondial. Accélération début 1990s avec l’entrée des pays émergents dans la mondialisation : Chine 1er exportateur depuis 2009 (source de déséquilibres internationaux, v. prochaine séance). 161 membres de l’OMC aujd dont Chine et Russie => baisse des droits douaniers et interdiction des quotas sauf raisons sanitaires.
    • Ajd, BPC excédentaires : Allemagne (7 % PIB), Pays-Bas (9 %), Chine (3 %) vs. déficitaires : USA (-4 %), France (-3 %). Taux d’ouverture ((X+I)/2/PIB) plus élevés en UE (France 30 %, Allemagne 40 % vs. USA 10 %)
    • Nouveaux enjeux = intégration des chaines de valeur mondiales, réduction des avantages comparatifs des émergents (CSU et taux de change), apparition d’une classe moyenne et réduction de la pauvreté dans les PVD, freinage des inégalités dans les pays développés.

Les théories du libre-échange

  • Théorie des avantages absolus (Smith, 1776) puis théorie des avantages comparatifs (Ricardo, 1817) => spécialisation des économies selon les dotations factorielles.
    • Ces avantages sont les produits de l’histoire (Krugman) ou de l’intervention publique (Reich & Thurow, 1991).
L’Angleterre ne possède aucun avantage absolu par rapport au Portugal mais possède un avantage comparatif pour la production de drap. L’échange commercial sera préférable à une situation d’autarcie afin d’accroître la richesse des deux pays (UK = drap ; PT = vin)
  • Modèle gravitationnel de Tinbergen (1962) : la distance géographique explique 75 % des flux commerciaux bilatéraux (+10 % distance = -6 % volume d’échanges). Effet des coûts de transport (Evenett & Keller, 1998) et des TIC.
  • « Effet-frontière » de McCallum (1995) : une province canadienne échange 20 fois avec une autre province canadienne qu’avec un Etat américain de même taille et à même distance. Barrières tarifaires, linguistiques, culturelles, volatilité des taux de change, biais domestique des consommateurs.
  • Le commerce international est structuré autour de 3 grandes zones qui représentent 85% des échanges (UE, ALENA, ASEAN)

Les théories du commerce international

  • Le modèle « HOS » (Heckscher, Ohlin, Samuelson, 1941)
    • Hypothèse fondamentale : deux facteurs de production (L et K)
    • Résultats du modèle : les économies ouvertes se spécialisent dans l’exportation de biens qui utilisent relativement + leur facteur le + abondant ; a contrario, elles importent des biens dont le facteur de production est + rare
    • Théorème de Stolper-Samuelson (1941) : relation positive entre le prix international d’un bien et la rémunération du facteur de production intensif dans sa production => lien entre inégalités et ouverture commerciale (ex. s’accroissent aux USA et se réduisent en Chine : 0,49 -> 0,46 entre 2006 et 2016)
    • « Paradoxe de Leontief » (1953) : les USA ont un K/tête plus élevé mais exportent plus de produits relativement intensifs en facteur L => car le L qualifié s’assimile à du K (dimension qualitative des avantages comparatifs)
  • Une partie des échanges échappe pourtant à cette logique
    • Krugman (1984) : échanges intra branches, càd entre pays structurellement similaires sur des biens similaires (44 % dans l’UE en 2009, ex. San Pellegrino vs. Perrier). S’explique par la compétition entre firmes pour des parts de marché (Brander, 1981 : dumping réciproque) et goût pour la diversité du consommateur (Chamberlin, 1933).
  • Les accords de libre-échange permettent une spécialisation entre pays de même niveau de développement mais induisent des effets redistributifs lorsque leurs structures diffèrent (ex. USA/CAN et USA/MEX)

2. Les outils

Les approches non-coopératives : le protectionnisme et la dévaluation

  • Les justifications théoriques du protectionnisme (ensemble de politiques douanières et/ou réglementaires visant à limiter l’entrée de produits ou de capitaux étrangers)
    • Protéger transitoirement des industries naissantes (List, 1857 ; Akamatsu, 1937) ex. tarif Bismarck en Allemagne en 1879 pour l’industrie de l’acier vs UK
    • Protéger des industries de haute technologie car l’innovation que génèrent leurs dépenses de R&D produit des externalités positives
    • Protéger des industries en déclin pour prévenir les effets d’hystérèse liés à la destruction de capital industriel et humain et accompagner les ajustements (ex. agro en Argentine). Par ailleurs, au niveau micro-économique, les établissements de crédits et les marchés de capitaux peuvent avoir un horizon temporel limité les conduisant à refuser un prêt à une entreprise en difficulté de liquidité mais dont la solvabilité n’est pas en cause, justifiant une intervention publique.
    • Favoriser l’émergence de champions industriels en situation de concurrence imparfaite (Spencer, 1983) : « politique commerciale stratégique » (ex. duopole Boeing – Airbus). Ex. révision en 2018 du « décret Montebourg » sur le contrôle public des investissements étrangers (défense, sécurité, énergie, transports, santé publique, ajout du secteur numérique), mais il n’a jamais été utilisé.
  • Les outils du protectionnisme
    • Droits de douane : transfert de revenu du consommateur vers le producteur et/ou les APU (ex. UE sur le photovoltaïque chinois en 2013 et l’acier inoxydable en 2015)
    • Quotas : perte de bien-être pour le consommateur sans recette pour les APU
    • Subventions à l’exportation : moins préjudiciables pour les consommateurs, mais dépenses APU
    • Barrières non tarifaires : moins faciles à lever dans les négociations OMC
  • Les effets du protectionnisme
    • Coût pour le consommateur : 1,5 % PIB aux USA, 220k€/emploi sauvé en UE (Messerlin, 1990)
      • Ex. Made in France : -2000€ de pouvoir d’achat/ménage et -35k emplois en 2 ans (CEPII, 2013)
    • Protectionnisme pro-cyclique en période de crise (ex. tarifs Smoot-Hawley 1930 alors que réduction du commerce international de 66 % entre 1929 et 1934)
    • Effet boomerang après mesures de rétorsions contre les entreprises nationales
  • Les justifications théoriques de la dévaluation
    • Condition de Marshall-Lerner (1945) ou théorème des élasticités critiques : après une dévaluation compétitive, la BCP suit une courbe en J (elle se dégrade avant de s’améliorer) car les prix s’ajustent plus vite que les quantités
    • La dévaluation n’est donc efficace que si la somme des valeurs ajoutées des élasticités-prix de l’offre d’exportation et de la demande d’importation est supérieure à 1, c’est-à-dire si l’effet de substitution l’emporte sur l’effet de valorisation, ou encore si l’augmentation du volume d’exports est supérieure au renchérissement des imports
    • Ex. dévaluation réussie : Islande 2009-14 (-70% monnaie et -14% PIB => +4,5% ajd)
    • Dévaluations par les BC critiquées car accroissent la volatilité des taux de change et ne modifient pas tjs les taux dans la direction souhaitée (Dominguez & Frankel, 1993)
    • « Guerre des monnaies » depuis 2013 : dépréciation de l’USD et du Yen par rapport au RMB et de l’€ par rapport à l’USD => MAIS pas d’impact majeur sur les Y

Les approches coopératives : l’aide publique au développement et l’ouverture commerciale

  • L’aide publique au développement : ex. du Plan Marshall : dons et prêts de 4,3 % PIB USA => rattrapage en capital détruit pendant la guerre (« Big Push » pour Lucas car rendements marginaux élevés). 5 % croissance en moyenne (1945-73) en FR, IT, RFA.
  • Aujourd’hui, l’APD représente un transfert de richesses de 140 Md$/an du Nord vers le Sud (0,5 % du PIB des pays développés)
    • Modalités : aides bilatérales, aides multilatérales et annulations de dettes
    • Financements : budgets nationaux, facilités d’emprunts, taxe sur les billets d’avion (mais seulement 9 pays l’appliquent)
    • 1er donateur en valeur absolue = USA (30 Md$, 0,2% PIB), puis UK (20 Md$), DE (16 Md$), FR (10 Md$) et JP (9 Md$). UE27 = 50 % de l’APD totale. En % du PIB, premiers donateurs pays scandinaves (SE, NO, DK ~ 1% PIB).
    • Objectifs du millénaire pour le développement (2000) : réduire par 2 le nombre de pauvres (< 1,25 $/j) et porter l’APD à 0,7 % du PIB à horizon 2015 => pas réalisé
    • Corrélation avec la réduction de la pauvreté monétaire (52 % en 1980 vs. 22 % en 2010 même si elle a augmenté en valeur absolue : 1,2 Md vs. 1,9 Md). Ordre de grandeur : +1 % de croissance dans le monde => 20 M de pauvres en moins
    • MAIS l’APD est critiquée car son niveau ne préjuge pas de son utilisation => importance d’une bonne gouvernance (Williamson, 1989) et moindre efficience que l’ouverture au commerce (Frankel & Romer, « Does Trade Cause Growth? », 1999)
      • Ex Doi Moi du Vietnam => PIB multiplié par 5 entre 1985 et 2011 (entrée dans l’ASEAN en 1995 et dans l’OMC en 2007 : croissance moyenne des échanges extérieurs de +30 % par an entre 1992 et 1997)
      • Nouvelles approches « épidémiologiques » de lutte contre la pauvreté : ex. formation des enseignants plutôt que bourses scolaires pour élever le niveau d’éducation (Duflo, 2010)
  • L’ouverture commerciale depuis la Seconde guerre mondiale : chapitres IX & X de la Charte des Nations Unies => signature du GATT en 1947 (deviendra l’OMC en 1994, 164 membres aujourd’hui) a permis la réduction des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges commerciaux
    • Abaissement des droits de douane (-40 % entre 1947 et 1961 => 12 % Europe et 18 % USA ; Kennedy Round 1964-67 les abaisse respectivement à 8 % et 13 % ; aujourd’hui 2,2 % et 3,3 % en moyenne)
    • Clauses de la nation la plus favorisée et principe du traitement national (non-discrimination et réciprocité)
    • Politiques commerciales régionales pas exclues ex. tarif douanier commun Traité de Rome : 10 % du budget communautaire (commerce intra-zone = 2/3 des X en UE)
    • MAIS l’ouverture commerciale est critiquée pour favoriser les délocalisations (-13,5k emplois/an en France entre 1995 et 2001, soit 3 % destructions annuelles, dont 50 % vers pays développés)
    • Certes, relation négative en France entre taux d’ouverture du secteur manufacturier (11,5 % en 1980 ; 18 % en 2006) et part de l’emploi total (24 % vs. 13 %) mais d’autres pays ont conservé une industrie (DE : industrie 21 % de la VA totale, v. séance sur l’industrie)
  • Aujourd’hui, enjeu d’intégration des PVD au commerce international (Afrique seulement 2,4 % des X mondiales) alors que l’OMC semble bloquée (cycle de négociations de Doha 2001-2013)
Encadré : Faut-il empêcher les délocalisations ?
Hufbauer, Goodrich, 2003 : étude sur les délocalisations et le protectionnisme du secteur de l’acier aux USA. Décision de George W. Bush d’augmenter les barrières tarifaires (+30 %) : mais sont-elles efficaces pour protéger l’emploi ? Basé sur les observations de la période 1964-2011, les économistes prévoient que cette décision permettrait de préserver 3 500 emplois chez les producteurs d’acier. Mais en renchérissant les prix, la hausse des barrières douanières aurait également détruit entre 12 000 et 43 000 chez les entreprises utilisatrices de ce produit.
=> Les décisions politiques de limiter les importations sont souvent prises sous la pression d’un secteur d’activité pour protéger les entreprises en déclin. Si l’ouverture commerciale et la concurrence en général génèrent des effets de redistribution des revenus et modifient l’allocation de l’offre et de la demande de travail, elles améliorent le niveau de vie moyen de la population. Toutefois, les « perdants », moins nombreux que les « gagnants » mais plus « vocaux » que ceux-ci, peuvent inciter à l’instauration de politiques commerciales protectionnistes non justifiés économiquement.

Le PIB ne nous dit pas tout

Le produit intérieur brut (PIB) mesure les richesses produites durant l’année par les unités résidentes. Par sa fiabilité, il contribue à la conception et à l’évaluation des politiques publiques : il permet des comparaisons dans le temps et l’espace et il est utilisé pour déterminer d’autres indicateurs tels que le solde budgétaire structurel. Jusqu’à la fin des Trente Glorieuses, l’usage du PIB a ainsi fait consensus dans un contexte où accroissement des richesses et amélioration du bien-être se confondaient.

 

Toutefois, s’il constitue un indicateur fiable pour mesurer la croissance économique, le PIB demeure limité dans sa portée. En particulier, il ne permet pas de rendre compte du niveau de bien-être et de progrès social dans une économie. « On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance », disait le slogan de mai 1968. Ainsi, par construction, le PIB n’intègre pas certaines activités socio-économiques telles que le travail domestique ou le bénévolat, dans la mesure où elles ne donnent pas lieu à valorisation sur un marché monétaire. Par ailleurs, sa mesure est indifférente au niveau des inégalités de revenus ou de patrimoine – ainsi, un accroissement du PIB par habitant peut masquer une répartition inégalitaire des richesses –, mais aussi aux externalités négatives que peut engendrer une hausse de la production, notamment au plan environnemental.

 

C’est pourquoi depuis les années 1990, les institutions internationales recherchent une mesure alternative du développement qui intégrerait par exemple la soutenabilité environnementale ou les modalités de répartition des richesses. Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a ainsi introduit en 1990 l’indice de développement humain (IDH) sur la base des travaux d’Amartya Sen. Celui-ci tient compte du PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, de l’espérance de vie à la naissance ou encore du taux d’alphabétisation des adultes et du taux de scolarisation des enfants. En tête du classement de l’IDH figure la Norvège, les Etats-Unis se classent en 10e position et la France 21e. D’autres indicateurs ont été développés par la suite, tels que le « Better Life Index » de l’OCDE (2012) ou le revenu national disponible net de la commission Stiglitz (2008).

 

Ces nouveaux indicateurs soulèvent toutefois des interrogations : comment valoriser les composantes non monétaires du développement ? (par équivalent-revenu ou par un indicateur synthétique) quel périmètre retenir ? (intégration potentielle de la qualité des relations sociales ou du niveau de sécurité par exemple) En outre, ils ne modifient pas sensiblement la vision des niveaux de vie que fournit le PIB par habitant : ce sont globalement les mêmes pays qui combinent un revenu par habitant faible, des inégalités importantes, un fort taux de mortalité et un faible temps consacré aux loisirs.

 

Si le PIB demeure limité dans sa portée, aucun des nouveaux indicateurs du bien-être n’a conduit à le remplacer. Ils représentent plutôt une information complémentaire au PIB du point de vue des décideurs publics.