Le salaire minimum est-il l’ennemi de l’emploi ?

Deux économistes américains, Card et Krueger, ont évalué en 1995 l’effet du salaire minimum sur l’emploi aux Etats-Unis à travers l’exemple des restaurants McDonalds.

En 1992, l’Etat du New Jersey a porté de 4,25 à 5,05 $ son salaire minimum horaire. Cela a permis aux deux économistes de réaliser une expérience naturelle en comparant 410 restaurants entre le New Jersay et les communes voisines de Pennsylvanie, où le salaire minimum est resté constant.

Que montre leur expérience ? Qu’une hausse du salaire minimum peut augmenter le niveau d’emploi au lieu de le diminuer. Pourquoi ? Si le salaire minimum est faible et proche des minima sociaux, c’est-à-dire inférieur au salaire de réserve (le salaire en-dessous duquel un demandeur d’emploi n’a pas intérêt à accepter une offre d’embauche), toute hausse du salaire minimum attire sur le marché du travail de nouveaux travailleurs que les entreprises ont intérêt à embaucher.

C’est aussi ce qui s’est récemment passé au Royaume-Uni, où la revalorisation continue du salaire minimum entre 2010 et 2015 (+13 %) s’est également accompagné d’une amélioration du taux d’emploi (+3,5 points durant la même période, pour s’établir à 73,5 %).

En revanche, si le salaire minimum est déjà élevé, toute hausse incite les entreprises à se séparer de leurs employés dont la productivité vient d’être dépassée par la nouvelle valeur du salaire minimum. Selon Kramarz (2000), le salaire minimum peut ainsi accroître le chômage des jeunes : les personnes rattrapées par le salaire minimum dans les années 1980 ont ainsi connu une plus grande probabilité de perdre leur emploi que celles dont le salaire est resté très proche mais n’a pas été dépassé par le salaire minimum.

Il faut enfin rappeler que le salaire minimum constitue également un levier pour les décideurs économiques permettant d’orienter le partage de la valeur ajoutée. Ainsi, aux Etats-Unis, la valeur réelle (après inflation) du salaire minimum était plus faible en 2012 qu’en 1970, tandis qu’elle n’avait cessé d’augmenter en France. C’est l’un des facteurs explicatifs du fort taux de chômage chez les travailleurs peu qualifiés en France et du haut niveau d’inégalités de revenus aux Etats-Unis.

Le marché du travail

1. Les notions

Chômage et emploi

  • Taux de chômage = nb chômeurs / population active (employés + chômeurs)
    • vs. Taux d’emploi = employés / population en âge de travailler
    • Taux de chômage en FR : 9,7 % en France entière au T3 2017 (3,5 M)
    • Taux d’emploi en FR : 64 % en France entière en 2016 (26,2 M)
    • Chômage au sens du BIT : toutes les personnes en âge de travailler (15-64 ans), sans emploi, en recherche et immédiatement disponibles
    • Chômage au sens de l’INSEE : catégorie A (équivalent BIT) vs. B/C (activité réduite) vs. D/E (pas immédiatement disponibles : formations, contrats aidés)
    • Chômage conjoncturel (dépend de la position dans le cycle) vs. Chômage naturel (structurel + frictionnel ou de conversion lié aux changements technologiques) => notion de NAIRU (Modigliani, 1975) : c’est le taux de chômage d’équilibre vers lequel le chômage converge en l’absence de chocs d’offre temporaires et une fois que le processus d’ajustement dynamique de l’inflation est achevé.

Taux de chômage et NAIRU en Belgique (1980-2011)

Taux de chômage en Europe et aux Etats-Unis entre 2007 et 2017 (source : OCDE)
NB : l’offre de travail est la quantité de travail fournie par les travailleurs en l’échange d’une rémunération, tandis que la demande de travail est celle dont les entreprises ont besoin pour produire des biens et services.
  • Les théories économiques du chômage
    • Chômage classique : à LT, l’emploi augmente au même rythme que la population active, offre et demande de travail s’égalisent => le chômage est toujours volontaire et lié aux rigidités du marché du travail (salaire minimum, etc). Il résulte d’un arbitrage entre effet revenu (relation positive entre prix et offre de travail) et effet de substitution (valorisation des loisirs vs. travail)
    • Chômage keynésien : involontaire, dépend à CT des variations de l’activité car le salaire n’a pas la même fonction régulatrice que le prix sur les marchés de biens : les salaires nominaux sont rigides et ne s’ajustent pas car ils expriment une convention (contrat de travail) et non d’un prix de marché. En revanche, l’emploi s’ajuste à la conjoncture par la flexibilité interne (durée du travail et rémunération) et externe (licenciement/embauche) à l’entreprise.
    • Pour Malinvaud (1980), les deux peuvent coexister :
      • Chômage keynésien en cas d’excès d’offre sur le marché des biens => il faut alors stimuler la demande adressée aux entreprises
      • Chômage classique en cas d’insuffisance de l’offre et de rigidités du marché du travail => il faut alors stimuler la profitabilité des entreprises et ajuster les salaires réels à la productivité (Real W = Nominal W / variation de l’indice des prix)
      • En bas de cycle => ramener le chômage à son niveau d’équilibre
      • En milieu ou en haut de cycle => réduire le taux de chômage naturel
    • Loi d’Okun (1962) : relation empirique négative entre taux de croissance et taux de chômage (+4 % PIB aux USA = -0,5 % chômage). Il existe un seuil de croissance qui permet d’absorber les gains de productivité et l’augmentation de la population active (1,5% en France : il a diminué depuis les années 1980 car la croissance s’est enrichie en emplois : Blanchard, 2006).
    • Courbe de Beveridge (1944) : relation empirique négative entre taux de chômage et nb d’emplois vacants (100-150k en France : appariement imparfait entre offre et demande de travail)
    • Schumpeter (1942) : destruction créatrice avec l’innovation (en France, 15k créations et destructions d’emploi chaque jour) => atrophie des secteurs moins productifs vs. croissance des secteurs plus productifs

Taux de création et de destruction d’emplois en France (2000-2010), source : INSEE

Les justifications économiques des politiques de l’emploi

  • Soutenir la demande en période de crise : ex. durée d’indemnisation du chômage (allongée en 2009 aux USA de 6 à 24 mois) ; contrats aidés (~500k entrées/an en France entre 2013 et 2016)
  • Prévenir les effets d’hystérèse après un choc exogène (ex. chômeurs de longue durée = 37% aux USA en 2014)
  • Renchérir le coût des licenciements : ex. taxe sur les licenciements (Blanchard & Tirole, 2003) incite les entreprises à investir sur la reconversion des salariés ; cotisations plus élevées sur les contrats atypiques (ex. CDD dans l’ANI 2013)
  • MAIS rigidités et barrières à l’entrée et à la sortie de l’emploi réduisent le nb de licenciements et d’embauches et accroissent la durée passée au chômage => segmentation et dualisme du marché du travail (Lindbeck & Snower, 1988).
    • Salaire minimum empêche la baisse des bas salaires => chômage des moins qualifiés (50% des chômeurs en France n’ont pas le baccalauréat).
    • Autorisation administrative des licenciements (1975-86 en France) : accroît les délais d’ajustement de l’emploi à la demande sans réduire le nombre des licenciements.
    • Indemnités de licenciement : renchérit leur coût et désincitent à l’embauche.
    • Indemnisation du chômage : accroît l’effet de substitution inactivité/travail et génère des trappes à inactivité.
    • Autres entraves à la fluidité du marché du travail : immobilier (prix et offre locative), transports, accès aux modes de garde.

Le prix du travail, élément de compétitivité-prix

  • Le prix du travail traduit un modèle de financement de la protection sociale (bismarckiens vs. beveridgiens) et le rôle de l’intervention publique dans la société (ex. les cotisations sociales employeurs étaient 2x plus élevées en FR qu’en AL en 2012 en % du PIB).
  • Coin socio-fiscal : coût total d’un travailleur pour une entreprise au-delà du salaire net (cotisations). Permet une première mesure de la compétitivité-prix : en 2015, il explique 40 % des coûts salariaux en France (vs. 35 % en Allemagne et 25 % au Royaume-Uni).
  • Coûts salariaux unitaires : coût horaire de la main-d’œuvre / productivité horaire du travail. Mesure également la compétitivité-prix d’une entreprise, qui peut être améliorée soit en diminuant le prix du travail, soit en augmentant sa productivité.
  • L’élasticité du nb d’emplois au prix du travail est d’autant plus élevée dans les pays où le prix du travail est élevé (-0,24 en France vs. -0,18 au Royaume-Uni selon Ducoudré, Heyer, 2017).

Les justifications économiques du salaire minimum

  • Pour le salarié, le salaire minimum doit être supérieur au salaire de réserve (Pissarides, 1990) : salaire en-dessous duquel le chômeur n’accepte pas la demande de travail du fait de trappes à inactivité
  • Pour l’employeur, le salaire minimum doit être proche du salaire d’efficience (Leibenstein, 1957) : il doit être faiblement supérieur au salaire de marché du fait des asymétries d’information (les employeurs ne connaissent pas à l’avance la productivité des salariés + le salaire d’efficience incite les salariés à rester dans l’entreprise et encourage leur productivité).
  • Au plan micro-économique, il permet de lutter contre les monopsones (sur les marchés où les employeurs sont dominants et fixent un salaire faible qui décourage l’offre de travail)
  • Au plan macro-économique, il permet d’orienter le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits (ex. salaire minimum fédéral gelé pendant 20 ans aux USA)
  • MAIS : Le salaire minimum peut avoir un impact négatif sur l’emploi ex. Kramarz (1999) : +1% SMIC = +1.5% de chômage au niveau du SMIC en France (10 % des salariés en France au SMIC + effet de diffusion d’une hausse du SMIC jusqu’à 1,4 SMIC, soit la moitié des salariés).
    • L’OCDE proposait en 2013 des SMIC régionaux en France (plus élevé en IDF)
    • Le groupe d’experts sur le SMIC proposait en décembre 2017 d’indexer le SMIC seulement sur l’inflation afin de modérer son évolution future (il est aujourd’hui indexé en partie sur l’inflation et sur les salaires)
    • En Allemagne, les salaires minimum étaient fixés par branche jusqu’en 2015. Ajd, salaire minimum fédéral fixé à 8,5 puis 8,84 € bruts de l’heure. Le chômage a continué à diminuer car la hausse du salaire minimum a stimulé la demande de travail.

2. Les outils

Le soutien à la demande de travail (des entreprises)

  • La réduction du prix du travail : une action des pouvoirs publics
    • « TVA sociale » en Allemagne en 2007 (hausse de la TVA de 16 à 19 % et baisse à due concurrence des cotisations employeurs) : changement d’assiette pour financer la protection sociale qui réduit le coin socio-fiscal
    • Allègements de cotisations employeurs : env. 40 Md€ en France (allègements généraux dégressifs de 1 à 1,6 SMIC + CICE proportionnel jusqu’à 2,5 SMIC). Selon la DARES, 170k emplois créés par les AG entre 1994 et 1999. Les allègements de cotisations employeurs maximisent les créations d’emplois si elles sont concentrées au voisinage du salaire minimum (Cahuc, 2014).
    • MAIS risque de créer une trappe à bas salaires et risque de se traduire sur les hauts salaires par des augmentations salariales si l’offre de travail est peu élastique au salaire (Katz, 1998) alors que l’objectif est d’accroître les marges des entreprises pour investir.
  • La « modération salariale » : une action des partenaires sociaux
    • Accord de Wassenaar aux Pays-Bas (1982) : hausse des salaires +6 % / an dans les années 1970 puis contenue à +1,5 % dans les années 1980, soit une baisse des salaires réels compte tenu de l’inflation (politique de « désinflation compétitive »)
    • Egalement en Allemagne dans les années 2000 : politique rendue possible par la stagnation des prix de l’immobilier : pas de perte de revenu disponible brut pour les ménages (v. CAE, 2013)

La réduction de l’offre de travail (des travailleurs)

  • La réduction de la taille de la population active (« partage du travail »)
    • Réduction généralisée du temps de travail : efficace si accompagnée d’une réduction des cotisations employeurs pour ne pas dégrader les marges des entreprises (sinon pas d’effet significatif sur l’emploi, v. Hunt, 1999 en Allemagne et Skuterud, 2007 au Québec, voire un effet négatif via le surcoût de prix du travail v. Kramarz, 2002).
      • Ex lois Robien 1996 et Aubry 1998 et 2000 : incitations à la RTT par allègements employeurs. 350k créations d’emplois en France entre 1998 et 2002 (Passeron, 2004) du fait des réorganisations du processus productif. MAIS effets paradoxaux sur les gains de productivité : +1,8 % en 2000 vs. +1,5 % en 2004 alors que corrélation négative entre nb d’heures travaillées et productivité (OCDE, 2009) : ex. Corée (2250h / 26$/h) vs. Allemagne (1420h / 51$/h).
      • Dans un monde où la production des entreprises serait une donnée intangible, il faudrait un nombre fixe d’heures de travail pour atteindre un niveau de production : il suffirait que chacun travaille moins longtemps pour inciter embauche.
      • L’impact de la réduction du temps de travail sur l’emploi dépend de la manière dont elle affecte la compétitivité des entreprises. Si elle incite les entreprises à adopter une organisation plus performante et pousse les salariés à travailler plus efficacement, sans trop accroître le coût de la main-d’œuvre, elle peut ne pas détruire voire générer des emplois. Mais la seule réduction du temps de travail ne crée pas d’emplois.
    • Départs anticipés à la retraite : 1M de préretraites en France à partir de 1976, politique analogue aux Pays-Bas. Gruber, 2010 : visent à aider les secteurs en déclin à réduire leurs effectifs (métallurgie et textile 70-80s) : manière moins conflictuelle de gérer les rotations d’effectifs mais coût pour les contribuables et n’améliore pas l’emploi des jeunes (OCDE, 2013).
      • Autre possibilité : abaisser l’âge de la retraite pour diminuer la taille de la population active. MAIS dégrade le ratio de dépendance (il y a moins de personnes au travail pour subvenir aux besoins d’un plus grand nombre d’inactifs) => hausse des prélèvements sur les ménages et les entreprises, pèse sur la compétitivité, ne favorise pas les embauches notamment des jeunes peu qualifiés.
  • Le chômage partiel pour maintenir l’emploi en temps de crise (flexibilité interne)
    • En Allemagne, il a permis de préserver 1 pt d’emploi pendant la crise (Koch, 2014) : 250k salariés vs. 18k en France. Développement du temps partiel : 28 % de l’emploi total en Allemagne vs. 19 % en France (DARES, 2014) mais inégalitaire car il touche principalement les femmes (83 %).
    • Simplification des régimes de chômage partiel dans l’ANI 2013 en France mais qui restent complexes (Trésor-Eco, 2012).

Le soutien à l’offre de travail (des travailleurs)

  • La lutte contre les trappes à inactivité pour inciter au retour à l’emploi
    • Loi Hartz IV en Allemagne : réduction de l’indemnisation du chômage (1 an max) => diminue le salaire de réserve mais augmente les inégalités de revenus (hausse de l’indice de GINI de 0,29 en 2000 à 0,33 en 2006)
    • Incitations monétaires à la reprise d’emploi via des crédits d’impôts depuis les années 1970 aux USA et en UK (Working Tax Credit). En France, prime pour l’emploi et RSA activité remplacés par la prime d’activité en 2016 (2,5 M de foyers bénéficiaires, montant moyen 160 € / mois) : soutien aux revenus des travailleurs pauvres mais critiqué car socialisation du salaire (5 Md€ dans le budget de l’Etat)
    • Pistes de réforme de l’Unédic en France : dégressivité des indemnités chômage pour inciter au retour à l’emploi (INSEE, 2001 : comportements de free rider notamment chez les plus qualifiés qui attendent la fin de la durée d’indemnisation pour intensifier leur recherche d’emploi) et contrôle accru de la recherche d’emploi (Pôle emploi, 2017 14 % des demandeurs d’emploi ne recherchent pas d’emploi : or effets d’hystérèse : plus longue est la durée passée au chômage, moindres sont les chances de retrouver un emploi)
  • Les contrats aidés pour les populations les plus éloignées du travail
    • Env. 400k en France en moyenne depuis 2010, dont 3/4 dans le secteur non marchand (collectivités, associations, etc). Investissement dans le K humain pour réduire les effets d’hystérèse et développer l’employabilité des bénéficiaires.
    • MAIS : Sienesi, 2001 : moindres chances de retrouver un emploi pérenne pour les bénéficiaires de contrats aidés en secteur non marchand vs. en secteur marchand (étude de cohortes en Suède) car signal négatif pour les futurs employeurs (Zylberberg, 2004) => les contrats aidés seraient moins efficaces que les réductions de cotisations employeurs. Enfin, il existe des effets d’aubaine pour les contrats aidés en secteur privé (1 contrat sur 2 aurait de toute façon été conclu) => choix du gouvernement de réduire à 200k le nombre de nouveaux contrats en 2018 et de les cibler sur le secteur non-marchand.
    • Réforme en cours des contrats aidés en France (rapport Borello, 2018) pour améliorer l’insertion dans l’emploi durable en sortie de contrat via le recours systématique aux formations pendant le contrat (aujourd’hui seulement 36 % en bénéficient à raison de seulement 3h/mois).

L’optimisation du marché du travail

  • Les réformes pour lutter contre le dualisme du marché du travail
    • Inciter à l’embauche en CDI (15 % seulement des embauches en FR) :
      • Réduction du coût des licenciements (Jobs Act en Italie en 2015 : réduction des indemnités de licenciement pour les nouveaux CDI, assouplissement des seuils sociaux, progressivité des dommages-intérêts prudhommaux selon l’ancienneté des salariés ; ordonnances réformant le code du travail en France en 2017 : barémisation des dommages-intérêts prudhommaux en France)
      • Meilleur ajustement des salaires réels aux variations de la profitabilité des entreprises (décentralisation de la négociation salariale : loi Travail 2016 accords de modulation des salaires pendant 5 ans en cas de difficultés économiques + ordonnances 2017 négociation des primes par accord d’entreprise)
      • => abaissement du seuil de réactivité du chômage à la croissance et levée de barrières réglementaires à la croissance dimensionnelle des entreprises = +25 % d’embauches en CDI en Italie (700k sur 2015)
      • Taxation des contrats courts (ANI 2013) et piste de modulation des cotisations Unédic des employeurs selon le taux de contrats atypiques pour désinciter à l’embauche en CDD et intérim
    • Définition des critères du licenciement économique dans la loi en Espagne : déficit d’exploitation pendant un certain nombre de trimestres donnés => sécurise les employeurs par un critère objectif ; idem ordonnances travail 2017 en France : appréciation des difficultés économiques au niveau national
    • Rupture conventionnelle individuelle depuis 2008 (15 % des sorties d’emploi : quasiment autant que les licenciements individuels 23 %) avec coûts de séparation réduits, rupture conventionnelle collective depuis 2018
    • Réforme du service public de l’emploi pour réduire le chômage frictionnel : mutualiser les offres d’emploi avec les OPP, rendre le marché plus transparent, recentrer sur l’accompagnement et les formations
  • Mieux investir dans le capital humain
    • Création en 2003 d’un droit individuel à la formation (20h/an) complété par le Fonds de sécurisation des parcours professionnels (2009) pour la requalification des salariés licenciés économiquement. Compte personnel d’activité (150h max) attaché à la personne et non au statut (individualisation de la protection).
    • Formation professionnelle : 34 Md€ gérés de façon paritaire, dont seulement 10 % bénéficient aux demandeurs d’emploi => enjeu de redéploiement pour développer leur employabilité (plan d’investissement dans les compétences 2018-2022 : 2 millions de formations pour les jeunes décrocheurs et les demandeurs d’emploi de longue durée)
    • Enfin, qualité du dialogue social importante en période de reprise (les revendications salariales augmentent avec l’emploi) comme en période de crise (arbitrage entre flexibilité externe et interne) : représentativité syndicale insuffisante en France et quasi absence des OS dans les conseils d’administration

3. Les défis

L’emploi des jeunes actifs et des séniors

  • Catégories particulièrement touchées par la crise : -4 pts taux d’emploi des actifs de 18-25 ans depuis 2008 ; durée au chômage plus élevée pour les 55-64 ans : 17 mois vs. 9,5 mois pour les 25-49 ans et seulement 9 % de retour à l’emploi après un an
    • Corrélation entre faible taux de chômage des jeunes actifs et développement de l’apprentissage : un jeune sur quatre en Allemagne et en Autriche (resp. 7 % et 8 % de chômage des jeunes actifs) vs. 400 000 en France (6 % des jeunes dont moitié de bac +2 et plus => politique insuffisante et mal ciblée)
    • Politiques anti-malthusiennes pour inciter au report du départ à la retraite : ex. surcote pour les années cotisées au-delà de 60 ans en 2003
    • MAIS les mesures catégorielles peuvent aussi présenter des effets négatifs (Friedlander, 1997) ex. échec du contrat de génération (20k conclus dont 50% d’effet d’aubaine selon la DARES) => Favoriser les programmes d’accompagnement court (2 à 12 semaines de training en Allemagne ; Garantie jeunes pour les 18-25 ans en France : +10 PP d’insertion dans l’emploi par rapport aux contrats aidés selon la DARES) et les mesures générales d’allègement de cotisations employeurs

Faut-il imiter le modèle allemand ?

  • Développement du travail temporaire (27 %), modération salariale (accords de branches), basculement de l’assiette de financement de la protection sociale depuis le facteur travail vers la consommation (« TVA sociale »), lutte contre les trappes à inactivité (Hartz IV)
  • Ces réformes du marché du travail ont été réalisées dans les années 2000 avec une croissance mondiale > à 4 %/an et avec une politique budgétaire accommodante (impulsion de +0,7 %/an) => peu reproductibles en bas de cycle et dans un contexte de consolidation budgétaire
  • S’agissant de leurs conséquences socio-économiques : le patrimoine médian des ménages médians allemands est 2x plus faible qu’en France + forte hausse des inégalités de répartition (De Grauwe & Yi, 2013) et du taux de pauvreté (de 12 % à 16 % entre 2002 et 2010). Enfin, l’Allemagne compte des faiblesses structurelles (notamment sa démographie et sa natalité : 1,4 enfant/femme)
  • En outre, ces réformes ne seraient pas soutenables à grande échelle : objectif de gains de compétitivité-prix pour gagner des parts de marché d’exportation aux dépens de ses partenaires UE.

Comment lever les freins à l’embauche ?

  • Faut-il faciliter les licenciements ?
    • Corrélation empirique entre réformes du CDI et reprise de l’embauche dans la période récente (Bénassy-Quéré, 2016).
    • CAE, « Dynamique des salaires par temps de crise » (2013) : Permettre un meilleur ajustement des W réels : s’ils progressent plus vite que la productivité, l’ajustement en période de crise se réalise par le niveau d’emplois => ne plus revaloriser le SMIC au-delà du niveau de la croissance et rendre plus acceptable une modération salariale (meilleures relations de travail, encadrement des hautes rémunérations, modération des prix du logement). Autre piste pour diminuer encore le prix du travail : SMIC régionaux (OCDE, 2013) ou par branche et « SMIC jeunes » mais faible acceptabilité politique.
    • Lever les barrières à l’entrée sur le marché des biens : Indicateur d’imperfections de la concurrence = 4,8 en France vs. 3 en Italie ou 1,1 en Allemagne et au Canada => Obstacles à l’accès au marché, restrictions sur les activités ex. loi Royer 1973 (autorisation d’ouverture des grandes surfaces) ou professions réglementées ex. taxis (rapport Attali : rachat licences + libre entrée flux = +0,2% PIB). Ce sont aussi des freins à la création d’activité et donc à l’embauche.

Quelle réforme pour la formation ?

  • La formation tout au long de la vie constitue un enjeu de croissance potentielle : moins de la moitié des salariés FR suivent chq année une formation, 10 % des fonds sont consacrés aux DE et dans les pays scandinaves, la formation est continue (9 jours/an en moyenne au DK). 3 objectifs :
    • Individualiser : droits attachés à la personne et non au statut, le CPA est crédité en heures de formation au cours de la carrière et à chaque rupture ex. licenciement (dans la limite de 150h ou 400h pour les non qualifiés)
    • Réorienter : 12 Md€ sur 5 ans dans le cadre du Grand plan d’investissement
    • Désintermédier : transparence sur les taux de sortie vers l’emploi des formations et choix direct du titulaire des droits
  • Investissement dans la formation également pour les jeunes enfants. Carcillo, 2016 : efficacité programmes en faveur des jeunes enfants (3-4 ans afro-américains défavorisés : Perry Preschool Program dans l’Etat du Michigan depuis 1962 : pour 1 dollar investi, gain de 9,11 dollars pour la collectivité via surcroît de revenus, économies de dépenses publiques police justice).
    • L’efficacité des interventions éducatives est plus élevée pour les enfants dont les capacités d’apprentissage et de socialisation sont faibles. Elle diminue également avec l’âge.