Industrie et compétitivité

1. Les notions

Industrie et désindustrialisation

  • Selon l’INSEE, relèvent de l’industrie les activités économiques qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché.
    • L’évolution comparée des trois secteurs des économies avancées (agriculture, industrie, services) met en évidence plusieurs étapes du développement : phase d’expansion du secteur secondaire (production de biens par la transformation de matières premières), puis du secteur tertiaire (Rostow, 1960)
    • en France : la VA industrielle a progressé de +6 %/an entre 1950 et 1974 vs. seulement +1,4 %/an entre 1974 et 2014 (+2,4 %/an pour les services marchands dans la même période)

 

  • La désindustrialisation consiste en la diminution de la part de l’industrie dans le PIB et dans l’emploi total.
    • La désindustrialisation est un phénomène commun à l’ensemble des économies avancées (diminution de 19,5 % à 16,5 % de la part de l’industrie dans le PIB mondial entre 1998 et 2008), à l’exception notable de l’Allemagne (24 % du PIB) ;
    • Elle concerne plus particulièrement la France, où la valeur ajoutée de l’industrie est passée de 23 % à 11 % du PIB entre 1970 et 2014 et où l’industrie employait 26 % des actifs en 1980 contre 12 % aujourd’hui (-2,5 M d’emplois). Les parts de marché de la France ont reculé notamment depuis les années 2000, passant de 13 % à 9 % dans l’UE et le solde du commerce extérieur est déficitaire de plus de 3 points de PIB
    • Ce recul de l’industrie en France s’illustre également par une compétitivité dégradée liée au prix des produits (coûts salariaux unitaires supérieurs de 15 % à la moyenne de la zone euro en 2017), mais aussi à leur qualité (élasticité-prix de la demande de biens d’exportation français 3x supérieure à celle des biens allemands)
    • Enfin, l’effort d’innovation en France apparaît insuffisant du fait des capacités d’autofinancement dégradées des entreprises françaises (1,22 robots pour 100 emplois industriels en France contre 2,5 en Allemagne), ce qui accroît l’écart de compétitivité hors prix avec les concurrents de la France et rend ses exportations vulnérables à une appréciation de l’euro (effet multiplicateur de -0,6 entre le cours de l’euro et le volume d’exportations selon le CEPII, 2012)

 

  • Les causes de la désindustrialisation sont liées à des évolutions structurelles et leurs conséquences sont négatives au plan macro-économique :
    • Selon la Banque de France (2017), cette désindustrialisation est d’abord liée au progrès technique, aux évolutions de la structure de la demande globale (loi d’Engel, 1857 : élasticité-revenu de la demande de services) supérieure à 1 et, marginalement, à l’ouverture commerciale (mentionner également l’incidence comptable de l’externalisation des services auparavant assurées par les entreprises industrielles) ;
    • Il peut également être avancé que le recul industriel est lié à une spécialisation géographique et sectorielle sous-optimale des exportations françaises, concentrées vers les pays de l’UE (66 %) et peu tournées vers les économies émergentes en Asie (12,5 %) ;
    • Cette désindustrialisation induit des conséquences sur la croissance potentielle selon le modèle de Solow (1956) : les gains de productivité étant plus élevés dans le secteur progressif (Baumol, 1966), la productivité globale des facteurs est ralentie par le déclin industriel ;
    • Elle entraîne également un accroissement du taux de chômage d’équilibre via les effets d’hystérèse (Blanchard, Summers, 1986) liés aux fermetures de sites industriels (pertes de capital physique et humain). Cette incidence négative est accrue par le défaut d’appariement entre offre et demande de formation en France, ainsi que par une mobilité géographique et intersectorielle insuffisante de l’offre de travail (Duhautois, 2005). La diminution du taux d’emploi est plus marquée dans les zones en reconversion industrielle et les secteurs atrophiés (ex. division par 2 du nb d’emplois dans le textile sauf sur les produits à haute valeur ajoutée comme la maroquinerie) mais peut aussi exister dans les services (effet de second tour) du fait de l’effet multiplicateur des emplois industriels (*3 à 4).

 

Le rôle de l’investissement dans la croissance économique

  • L’investissement est l’augmentation de la capacité productive par l’acquisition ou le remplacement d’équipements.
    • En comptabilité d’entreprise, la FBCF accroît le stock de capital productif en quantité et/ou en qualité.
    • La décision d’investir s’apprécie sur le moyen terme car il existe un délai avant l’accroissement effectif de la capacité productive. Deux conditions pour investir (loi de Wicksell, 1898) :
      • Confiance en des débouchés pérennes (« les carnets de commandes sont remplis»)
      • Profitabilité positive (profitabilité = rentabilité – taux d’intérêt nominal, càd que l’on n’investit davantage si la rentabilité est élevée et si les taux d’intérêt sont faibles)
      • C’est pourquoi la contribution de l’investissement à la croissance est particulièrement volatile : Ex. -12 % en 2009 ou formation de la bulle Internet par surinvestissement fin des années 1990 car la profitabilité anticipée des NTIC était surévaluée (effet Averch-Johnson, 1962). Après l’éclatement de la bulle, les entreprises provisionnent des dépréciations d’actifs et remboursent leurs dettes => contraction de l’investissement qui justifie l’intervention publique
      • Aujourd’hui, reprise du cycle d’investissement depuis 2015 car faibles taux d’intérêt, redressement des marges (40 % en 2016 pour les entreprises industrielles en France car baisse du prix des intrants et des CSU) et dépréciation de l’euro (-20 % par rapport à l’USD depuis 2015). Selon le cabinet Trendeo, les créations de sites industrielles ont été supérieures aux fermetures en France en 2017 (+25), ce qui constitue une première depuis la crise de 2008-2009.
    • Les leviers d’investissement sont multiples pour une entreprise : autofinancement, augmentation de capital (levée de fonds et/ou endettement (si accès au crédit, càd hors credit crunch ou flight to quality).

 

  • Les quatre catégories d’innovation :
    • une innovation de produit correspond à l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau ou sensiblement amélioré sur le plan de ses caractéristiques ou de l’usage auquel il est destiné. Cette définition inclut les améliorations sensibles des spécifications techniques, des composants et des matières, du logiciel intégré, de la convivialité ou autres caractéristiques fonctionnelles.
    • une innovation de procédé est la mise en œuvre d’une méthode de production ou de distribution nouvelle ou sensiblement améliorée. Cette notion implique des changements significatifs dans les techniques, le matériel et/ou le logiciel.
    • une innovation d’organisation est la mise en œuvre d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de la firme ;
    • une innovation de marketing est la mise en œuvre d’une nouvelle méthode de commercialisation impliquant des changements significatifs de la conception ou du conditionnement, du placement, de la promotion ou de la tarification d’un produit.

Compétitivité et attractivité : deux notions voisines

  • La compétitivité est la capacité du secteur productif à répondre à la demande intérieure et étrangère tout en offrant aux résidents un niveau de vie croissant et soutenable.
    • Déterminants de la compétitivité-prix : CSU, taux de marge (EBE/VA), prix de l’énergie et du foncier, taux de change
    • Déterminants de la compétitivité hors-prix : niveau de gamme, qualification de la main-d’œuvre, qualité des infrastructures
    • MAIS les deux approches sont liées (faible compétitivité-prix = faibles marges = moindre investissement = moindre innovation). C’est pourquoi les stratégies de montée en gamme commencent par le rétablissement des marges des entreprises (ex. France depuis le CICE).

 

  • L’attractivité est la capacité à attirer des activités nouvelles et des facteurs de production mobiles (K et L qualifié) sur le territoire afin d’améliorer compétitivité et niveau de vie.
    • Déterminants de l’attractivité : environnement fiscal, qualité des infrastructures, qualification de la main-d’œuvre, prix et droit du travail
    • La France reçoit 17 % des IDE à destination du marché UE (dont 2/3 depuis des partenaires UE et 19 % depuis les USA), derrière l’UK mais devant l’AL. 20 k entreprises étrangères emploient 2 M de salariés en France et représentent 27 % de la R&D.

 

2. Les outils

 

Les politiques industrielles sectorielles et horizontales

  • La politique industrielle désigne l’ensemble des actions visant à modifier l’allocation des ressources dans le secteur productif par rapport à celles qui résulteraient spontanément des mécanismes de marché.
    • Les justifications de la politique industrielle font appel à des conceptions différentes du rôle de l’intervention publique dans l’économie :
      • Internalisation des externalités positives : R&D publique (effet multiplicateur de 0,9 sur la R&D privée selon Falk, 2004), incitations fiscales, investissement dans le K humain, y compris par la concentration spatiale des activités ex. formation de clusters (Krugman, 1991) => « Etat stratège»
      • Correction des imperfections de marché et des asymétries d’information (ex. facilitation de l’accès au crédit), levée des barrières à l’entrée et lutte contre la formation de monopoles naturels pour éviter les trappes à sous-investissement => « Etat mécano »
      • Sauvegarde d’industries stratégiques en difficulté ou en reconversion => « Etat brancardier»

 

  • Deux approches de la politique industrielle : sectorielles (« picking the winners») mais information aussi imparfaite pour les décideurs publics : Rodrik, 2005 : le choix des projets par l’Etat stratège peut être capturé par des intérêts privés et/ou myopes sur la rentabilité des projets) horizontales (corrections des imperfections de marché)
    • Traditionnellement, les politiques industrielles s’organisaient de manière verticale pour protéger (List, 1837) et/ou financer le développement de secteurs d’activité. MAIS les politiques industrielles ont progressivement adopté une approche horizontale établissant un environnement fiscal et réglementaire favorable au développement des entreprises industrielles dans le contexte de l’ouverture commerciale et après l’échec de certains projets :
      • Gropp, 2014 : un système de garanties publiques des prêts octroyés par les banques commerciales accroît le risque des crédits : ex. en Allemagne fin 2001 système de garanties comparable à des subventions indirectes faussant la concurrence et débouchant sur une allocation inefficiente du crédit => les banques ont changé de comportement lorsque leurs prêts n’ont plus été garantis, accordé des crédits moins risqués et de moindre volume afin de concentrer leurs ressources sur les projets considérés comme les plus performants)
      • Martin, 2008 : faible utilité des pôles de compétitivité (ex. de politique sectorielle) : 71 pôles en 2016, ont bénéficié de 2,3 milliards d’euros d’aides publiques. Certes, les études montrent qu’un doublement du nombre d’emplois sur un même territoire se traduit par des gains de productivité de l’ordre de 3 % à 8 % [Rosenthal, 2004] mais les mouvements de concentration territoriale des entreprises se réalisent spontanément (ex. chimie, automobile). Par ailleurs, certains secteurs peuvent retirer même un avantage de la dispersion géographique (ex. industrie du plastique) pour se localiser dans des zones d’emploi où les coûts de la main-d’œuvre sont plus faibles.
      • Duranton, 2011 : autre critique des politiques sectorielles : ce sont surtout les entreprises en déclin qui bénéficient de l’intervention des pouvoirs publics via la subvention et la sélection de projets spécifiques qui n’améliorent pas les performances des entreprises. D’où une préférence aujourd’hui pour les politiques horizontales.
    • Un exemple de politique horizontale : le soutien fiscal à l’innovation, notamment à travers le CIR (6 Md€/an, avec un impact de +0,3 PP sur la dépense de R&D selon la DG Trésor). MAIS la R&D française stagne à 2,2 % du PIB contre un objectif à 3 % dans la Stratégie de Lisbonne.

 

Le modèle allemand : compétitivité hors-prix

  • Une montée en gamme et une spécialisation réussies
    • La compétitivité prix, élément déclencheur : modération salariale (+2 % pouvoir d’achat des salariés entre 1991 et 2011 vs. +26 % du PIB/hab) => la croissance absorbée par les exportations (29 % du PIB en 1991 vs. 50 % en 2011)
    • Effort de R&D proche de l’objectif de la stratégie de Lisbonne (2,9 % vs. 3 % du PIB), forte capacité d’innovation pour repousser la frontière technologique (70 brevets triadiques déposés par million d’habitants vs. 50 aux USA et 35 en FR) et tournant de la robotisation : 19 000 achats par an (vs. 4 600 IT et 3 300 FR)
    • La différenciation par la qualité permet aux entreprises allemandes de garder une latitude dans la fixation de leurs prix de vente (faible élasticité-prix des exportations : 0,3 vs. 0,9 en FR) => améliore leur profitabilité, ce qui leur permet de maintenir un niveau élevé d’investissement (33 % de plus que la France) et donc un haut niveau de gamme (cercle vertueux)

 

  • MAIS le modèle de compétitivité allemand tient aussi à d’autres facteurs (Duval, 2012)
    • Tissu industriel (Mittelstand) et concentration spatiale des activités (350 000 PME actives à l’exportation vs. 100 000 en France) : héritage historique du fédéralisme (7 grandes métropoles avec plus de 1 million d’hab.) et de l’absence d’empire colonial
    • Faibles coûts de l’immobilier (8,3 € le m² à Berlin ou 14,2 € à Munich vs. 24,8 € à Paris ; +10 % entre 2000 et 2010 vs. +100 % en FR et part des ménages locataires en métropole supérieure à 67 %), vieillissement de la population active (effet Noria) et modèle de codétermination dans l’entreprise ont rendu possible la modération salariale

 

La réindustrialisation américaine : compétitivité prix

  • Entre 2010 et 2012, 500 000 emplois industriels créés liés à deux facteurs de compétitivité-prix (+35 % par rapport à l’UE) :
    • Compression des CSU : baisse de -4 % des salaires réels entre 2008 et 2012, distorsion de la répartition de la VA au profit du facteur K (+3 PP), réduction de l’écart des CSU avec le Mexique ou la Chine (moins de délocalisations)
    • Diminution du prix des intrants énergétiques : pic d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en 2012 (2/3 de la production de gaz vs. 2 % en 2002) => baisse de moitié du prix du gaz naturel (3x inférieur aux prix UE et JAP car le gaz n’est pas un marché mondial contrairement au pétrole)

 

  • Fin des déficits jumeaux aux USA ? (Morris, 2013) Redeviennent exportateur net de produits pétroliers depuis 2012 : +15 Md$ en 2016 (première fois depuis 1949)
    • MAIS les prix de l’énergie constituent aussi un signal-prix pour orienter l’offre et la demande vers des sources d’énergie renouvelables
    • Par ailleurs, la distorsion de la répartition de la VA accroit les inégalités de revenus (Stiglitz, 2012) => problématique de l’augmentation du salaire minimum fédéral (+35 % sous Obama)
    • Enfin, on n’observe pas de réindustrialisation des secteurs fortement intensifs en travail, ex. textile partis vers Vietnam & Indonésie => faible incidence sur l’emploi industriel (Artus, 2014) : -80k emplois industriels en 2016. Et 2/3 des relocalisations dans les Etats du Sud (not. Texas), alors que la région des Grands Lacs a perdu plus de 4 PP de VA industrielle entre 2000 et 2014 (redistribution géographique).

Les dévaluations internes dans l’UEM

  • Dans les pays périphériques, la compression des CSU (+30 % entre 2000 et 2009 vs. +5 DE, puis -5 % SP et +5 % IT entre 2009 et 2015) a permis de réduire les déficits commerciaux (SP et IT : excédent de 1,5 % PIB) mais n’a pas encore entrainé une montée en gamme des produits exportés (donc forte sensibilité au prix)
    • Dévaluation interne = ensemble de mesures qui visent à modifier les prix relatifs afin d’améliorer la compétitivité d’un pays dans le cadre d’un régime de change fixe. Ces mesures peuvent porter sur les politiques du marché du travail, des biens et/ou sur la fiscalité.
    • En outre, ces politiques sont très coûteuses en emploi (pic du chômage à 26 % en SP et à 12 % en IT en 2013), cf. CEPII, 2012 (« Peut-on dévaluer sans dévaluer ? »)

 

  • En France, la politique de restauration des marges (EBE/VA) des entreprises peine encore à produire ses effets
    • Allègements des cotisations employeurs sur les bas salaires (jusque 1,6 SMIC), création du CICE (jusque 2,5 SMIC), Pacte de responsabilité (baisse des cotisations familiales jusque 3,5 SMIC, suppression de la C3S), baisse de l’IS à 25 % à horizon 2022 ~ 45 Md€ d’allègements de PO
    • Selon l’OFCE (2016), le CICE explique une baisse de -2,8 % des coûts salariaux unitaires dans l’industrie. Légère remontée des marges à 31,9 % de la VA en 2016 (+2 PP par rapport à 2014) mais toujours inférieures au niveau d’avant crise (32,7 % en 2007) => remontée du taux d’investissement (23,3 % de la VA en 2016 vs. 21,5 % en 2009)
    • Toutefois, le CICE s’étend jusqu’à 2,5 SMIC et ne concerne pas l’ensemble de la masse salariale des entreprises industrielles (il avait aussi un objectif d’emploi justifiant ce ciblage sur les bas salaires : env. 100 000 emplois créés ou sauvegardés en 2013-2015) ; par ailleurs, il ne bénéficie que pour moins d’un tiers aux secteurs exposés à la concurrence internationale (France Stratégie, 2017) ;
    • Mais ces politiques demeurent limitées parce qu’elles se concurrencent (jeu à somme nulle)

 

3. Les défis

 

A quoi ressemblera l’industrie du futur ?

  • Rapport du CAS sur les secteurs de la nouvelle croissance : une projection à horizon 2030 (2012) : le potentiel d’innovation technologique n’est pas épuisé (ex. médicaments de biosynthèse, soins électromagnétiques, création numérique, technologies environnementales, etc).
  • « 3ème révolution industrielle » = économie décarbonée et smart grids: utilisation des nouvelles technologies au service d’objectifs environnementaux [Rifkin, 2012]
  • Enjeux de l’usine du futur : lignes de production reconfigurables pour gagner en agilité (ex. chez Sogefi), fabrication additive en production (ex. impressions 3D chez Siemens), utilisation de robots intelligents, d’objets connectés et de technologies de réalité augmentée (ex. vérification des chantiers chez Airbus), insertion dans une logique d’efficience environnementale et d’économie circulaire (ex. chez Schneider), problématiques de bien-être et de qualification continue des salariés

 

Peut-on réindustrialiser la France ?

  • La simplification de l’environnement fiscal et réglementaire français, ainsi que de nouveaux investissements à l’échelle européenne permettraient d’enrayer et/ou d’atténuer les incidences négatives de la désindustrialisation :
    • S’agissant des dispositifs sociaux fiscaux (CICE, Aubry-Fillon, PRS), leur unification autour d’un allègement général des cotisations employeurs dégressifs de 1 à 3,5 SMIC, ainsi qu’une réduction de l’IS à 25 % à horizon 2022 (soit la moyenne UE) permettrait d’achever la stratégie de compétitivité-prix déjà entamée ;
    • La simplification du recours au chômage partiel (passage d’un régime d’autorisation administrative à un régime de déclaration) et la décentralisation des minima de branches au niveau des accords d’entreprise renforceraient la flexibilité interne des entreprises industrielles et la résilience de l’emploi en bas de cycle d’activité pour prévenir de futurs effets d’hystérèse ;
    • Au-delà, il conviendrait également de renforcer l’efficacité de l’appareil de formation français, qui participe également de ces effets d’hystérèse : y contribueraient un pilotage des filières d’apprentissage par les branches professionnelles et les régions, ainsi qu’un meilleur ciblage des financements de la formation professionnelle vers les demandeurs d’emploi (qui bénéficient aujourd’hui de 10 % seulement des financements) ;
    • Enfin, à l’échelle européenne, de nouvelles politiques industrielles verticales pourraient être financées (transitions environnementale et numérique) par la montée en puissance de nouvelles ressources propres à compter de 2020 (fiscalité carbone, taxe sur le chiffre d’affaires des GAFA, etc.) : en parallèle, la mise en œuvre de mesures protectionnistes temporaires pourrait également être envisagée (ex. préférence européenne pendant 5 ans pour l’accès des entreprises aux données publiques), en particulier si les Etats-Unis maintiennent leur décision de rehaussement de droits de douane.

 

La colocalisation : une stratégie d’avenir ?

  • Constat d’une mauvaise spécialisation géographique des exportations françaises (seulement 10 % vers l’Asie du Sud-Est alors que la Banque mondiale prévoit une croissance de 6,1 % dans cette zone en 2018)
    • Or les secteurs qui ont résisté sont les plus intégrés à l’international (ex. aéronautique +87 % production en volume entre 2000 et 2016) ou à haute valeur ajoutée (ex. produits pharmaceutique +72 % sur la même période) ; à l’inverse, les branches de basse technologie ont connu une forte désindustrialisation (ex. textile -51 %)
  • Question aujd : faut-il étendre cette stratégie au secteur automobile ? (ex. usine Renault à Tanger) : imitation du modèle allemand d’intégration des chaines de valeur en Europe centrale et orientale => externalisation des étapes du processus industriel les plus intensives en travail pour réaliser des gains de compétitivité-prix [Sinn, 2006: 4x plus d’importations de composants industriels par l’Allemagne depuis l’Europe de l’Est par rapport à la France]. Cette interdépendance génère des gains de profitabilité pour les entreprises, qui peuvent maintenir les sites nationaux [Pfaffermayr, 1994]
  • La France pourrait mener une telle politique de colocalisation avec les pays du Maghreb (seulement 1,7 % des IDE français) : faibles coûts de transport, proximité linguistique de la main-d’œuvre, stabilité géopolitique hors Tunisie. MAIS risque d’un effet négatif à court terme sur l’emploi national industriel.

Faut-il des « champions » industriels européens ?

 

  • Le modèle d’Airbus est-il duplicable ?
    • Né en 2000 du rapprochement du français Aérospatiale Matra, de l’allemand DASA et de l’espagnol CASA : le groupe réalise un CA de 67 Md€ en 2016, avec 133k salariés et 1 500 commandes/an (vs. 1 350 pour Boeing)
    • Les champs possibles pour de « nouveaux Airbus » sont nombreux (transport ferroviaire, automobile, défense, télécoms, chantiers navals) mais des freins qui s’y opposent également :
      • pas de consensus en Europe sur les politiques industrielles (choix des services notamment financiers en UK et aux NL)
      • une logique de concurrence entre les champions nationaux existants qui rend difficile la conclusion d’alliances (ex. Alstom Siemens dans l’énergie et le ferroviaire => rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electrics en 2014 ; idem échec du rapprochement France Télécom – Deutsche Telekom en 1999)
      • un enjeu de répartition des sites, des emplois et équilibre des pactes d’actionnaires (ex. opposition de l’Allemagne à la fusion BAE – EADS en 2012 ; s’agissant d’Airbus : sites à Toulouse, Hambourg, Getafe, etc.)
      • des choix stratégiques divergents au niveau micro-économique (ex. modèles différents de production d’énergie)
    • Les freins à la création de champions industriels européens (« Airbus de l’énergie ») sont plus d’ordre politique que juridique (droit de la concurrence de l’UE)

 

Les théories de la croissance

1. Les notions fondamentales

Usages et limites du PIB : une mesure fiable mais limitée, un phénomène récent

  • Richesse produite par un pays : le PIB, c’est la somme des valeurs ajoutées des entreprises du pays pendant une période donnée (un trimestre ou un an).
  • PIB par habitant ou par tête : mesure le niveau de vie. La croissance économique permet donc une élévation du PIB/tête au cours du temps : mais ne répond pas à la question de la répartition de la valeur ajoutée.
  • Pour comparer les PIB/hab, des corrections techniques sont nécessaires.
    • Au cours du temps : PIB à prix constants corrigés de l’évolution des prix.
    • Entre pays : PIB corrigés des taux de change et en parité de pouvoir d’achat (Big Mac Index, cf. OCDE, 2002).
  • Les limites du PIB : externalités, bien-être (IDH), niveau de développement.
  • La croissance est l’accroissement sur une courte ou une longue période des quantités de biens et services produits dans un pays ou dans une zone économique.
  • Il s’agit d’un phénomène récent à l’échelle de l’humanité : décollage au XIXème siècle (A. Madison)
  • P. Rosenstein-Rodan (1943) : théorie du Big Push : c’est l’accumulation de capital qui permet de sortir de la trappe à pauvreté (notamment après les destructions de 1939-1945 : 20 % du capital immobilier détruit en France)
  • R. Gordon (2016) : théorie « de la stagnation séculaire » : la croissance est une parenthèse qui va se refermer car tirée par des phénomènes non reproductibles (conquête de nouveaux espaces, alphabétisation, exode rural, machinisation, etc.).

Croissance du PIB par habitant depuis 1700 (source : T. Piketty, Le Capital au XXIème siècle, 2013)

Le modèle de Solow : une approche des facteurs de croissance

  • Quels facteurs contribuent à la croissance ?
    • Y = C + I + G + X – M (où Y est la croissance, C la consommation, I l’investissement, G la dépense publique, X les exportations et M les importations)
    • Y* = L + K + PGF (où Y* est la croissance potentielle, L le facteur travail, K le facteur capital et PGF la productivité globale des facteurs)
    • Y (LT) = L + PGF (où Y(LT) est la croissance à long terme)
  • Hypothèse néo-classique : rendements décroissants du capital. Tiers facteur (progrès technique) explique qu’on ne converge pas vers un état stationnaire.

Les contributions à la croissance chinoise (source : FMI, 2013)
  • La PGF : elle est évaluée comme un « résidu » dans le modèle solowien.
    • C’est la fraction de la croissance qui n’est pas expliquée par l’augmentation quantitative des facteurs de production.
    • Elle permet d’apprécier les gains d’efficience d’une économie et dépend de la technologie, du fonctionnement des marchés et de l’organisation du travail.
    • Productivité horaire ou par tête : quantité produite / quantité de travail (heures ou nombre de travailleurs) => toujours veiller à comparer les mêmes grandeurs.
    • Ex. 1990-2000 : USA investissement et gains de productivité vs. UE croissance enrichie en emplois (2,3 % vs. 1,2 % aujd seuil de croissance à partir duquel le chômage se résorbe en France).
  • Un déclin tendanciel de la productivité du travail depuis la fin des 30G, d’où une croissance potentielle plus faible

Augmentation moyenne de la productivité horaire en % (source : Datastream, Eurostat)

Moyenne de la croissance du PIB en volume, en % (sources : Datastream, Eurostat)

La croissance potentielle : une notion macroéconomique

  • Le PIB potentiel est l’augmentation soutenable à moyen et long terme de la production sans accélération de l’inflation (sans tensions excessives sur les marchés des biens et du travail). Cf. Banque de France, « La croissance potentielle : une notion déterminante mais complexe », mars 2015)
  • Le PIB potentiel n’est pas une valeur observable en finances publiques ou en comptabilité nationale mais une notion macroéconomique théorique.
    • Les politiques publiques sont susceptibles d’affecter la croissance potentielle en modifiant le taux de chômage structurel, la productivité ou l’investissement
    • Les crises aussi peuvent l’affecter : croissance potentielle française estimée à 2 % avant crise vs. 1,25% aujourd’hui (INSEE). Effets d’hystérèse (cf. infra)
  • On en déduit l’output gap : c’est l’écart de production, soit la différence entre le PIB effectif mesuré en comptabilité nationale et le PIB potentiel. Il permet de positionner une économie dans le cycle et de calculer le solde structurel
  • Cycle économique : alternance entre des phases de croissance rapide et des phases de ralentissement. Le cycle constitue une déviation ou une fluctuation du niveau d’activité par rapport à sa tendance de long terme. (articulation court terme / long terme majeure en macro-économie : ex. relancer la croissance vs. rehausser le sentier de croissance)

Croissance réelle, potentielle et output gap en Hongrie (source : Datastream, Eurostat)

Croissances effective et potentielle en France depuis 1960 (source : DG Trésor, 2017)

Les autres théories de la croissance : croissance endogène, convergence économique et courbe de Kuznets

  • La théorie de la croissance endogène [Pourquoi il peut être utile d’investir dans le capital pour stimuler la croissance de long-terme ?] : une croissance auto-entretenue par l’accumulation de capital aux rendements marginaux non décroissants. Paul Romer, “Increasing Returns and Long Run Growth” (1986). Idée que les gains de productivité se diffusent dans une économie (rendement privé => rendement social : externalités positives : actions d’un agent économique qui ont un impact positif sur le bien-être et le comportement d’autres agents).
    • Les rendements d’échelle (ex. regroupement activités = externalités positives)
    • L’innovation (organisation, procédés, produits) : externalité positive et prime pour le first mover (ou winner takes all)
    • Le capital humain (éducation, formation, bonne santé)
    • L’investissement public (R. Barro : circulation des biens, des personnes, de l’information et financement par l’impôt jusqu’à un certain seuil)

Evolution des dépenses intra-muros totales en R&D en France et en Allemagne sur la période 1981-2008 (en % du PIB)
  • La théorie de la convergence économique [Pourquoi certains pays croissent plus vite que d’autres ?] : révèle un phénomène de rattrapage.
    • Convergence entre pays dissemblables : les pays pauvres croissent plus vite que les pays riches, autrement dit corrélation négative entre le niveau initial du PIB/tête et le taux de croissance [Barro et Sala-i-Martin, 1992].
    • Plus un pays est éloigné de la frontière technologique (ensemble des technologies existantes les plus efficaces), plus le progrès technique passe par l’imitation de l’économie la plus avancée. Gains de productivité expliquent pour 4 points/an croissance chinoise entre 1990 et 2000 (FMI).
    • Plus il se rapproche de la frontière, plus il est important d’y encourager l’innovation avec des institutions idoines [Acemoglu, 2006]. Ex. le revenu/hab du Cameroun passerait de 600 à 2 760 $ (*4,5) si la qualité de ses institutions rejoignait la moyenne mondiale (ex. protection du droit de propriété).
    • Clubs de convergence entre pays comparables : modèle gravitationnel d’Andrew Rose (2000) ex. zone Euro
    • Convergence entre revenus : la dispersion des revenus se réduit, c’est-à-dire l’écart-type des PIB/tête diminue (indice de GINI).
  • Le lien entre croissance et inégalités : S. Kuznets (1955) : courbe en cloche.
    • Dans un premier temps, l’accumulation de capital infrastructurel et naturel conduit à une répartition des richesses déformée en faveur des détenteurs d’épargne. Puis, l’accumulation de capital humain réduit les inégalités.
    • Mais Piketty (2005) : réduction pas naturelle (impôts et événements inattendus affectant le capital : guerres, inflation). En France, les transferts fiscaux, sociaux et en nature réduisent le rapport interdécile (rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres) de 5 (revenus primaires) à 3,5 (revenus après redistribution).
    • J. Stiglitz (2012) : le Top 1 % détient 20 % des revenus primaires aux USA du fait de la déformation du partage de la valeur ajoute entre capital et travail depuis 1980s : en découlent instabilité financière et moindre mobilité sociale.
=> La croissance ne suffit pas à réduire les inégalités, cela dépend aussi des institutions et de la structure des marchés.

2. Les outils

La France : un modèle déséquilibré

  • Un modèle de croissance déséquilibré
    • Prépondérance de la consommation privée et publique (70 % du PIB) et moins de gains de PGF (divisés par 2 depuis 1980)
    • Une contribution négative du commerce extérieur à la croissance (-0,3 pt en 2016)
    • Des effets d’hystérèse depuis la crise : 1 600 usines fermées (Trendeo, 2015), hausse du taux de chômage (supérieur à 9 % de la population active depuis 2009).
  • Un modèle fiscal et social qui réduit la compétitivité des entreprises
    • Poids des prélèvements obligatoires pesant sur les facteurs de production (cotisations sociales + fiscalité sur les entreprises) : 34,7 % du PIB vs. 29,4 % en moyenne zone Euro.
    • Une évolution inversée des coûts salariaux unitaires en France et en Allemagne entre 2001 et 2008 : +2,2 % vs. -0,2 % (cf. Trésor Eco, 2014).
    • Coûts salariaux unitaires = coût horaire de la main-d’œuvre / productivité horaire du travail : on peut compenser des coûts salariaux élevés par une productivité du travail élevée. En revanche, si le salaire brut augmente plus vite que la productivité, la compétitivité-prix se dégrade.

L’Allemagne : un modèle concurrentiel

  • Un modèle de compétitivité…
    • Excédent structurel du commerce extérieur : +8,6 % du PIB en 2016 lié à une forte compétitivité hors prix (élasticité-prix de la demande des biens : 0,3 vs. 0,9 en France : on mesure ici comment la demande d’un bien réagit après une variation de son prix ; plus cette élasticité est faible, moins les biens sont substituables, càd qu’ils sont positionnés sur un segment de marché qui les différencie par la qualité) et économie très ouverte (taux d’ouverture commerciale de 43 % [X+M/2/PIB] vs. 31 % France ; Chine passée 1er partenaire commercial depuis 2015)
    • Tissu industriel de PME décentralisé (Mittelstand) : 97 % des entreprises, 45 % de l’emploi, fortement exportatrices (18 % des PME allemandes sont exportatrices vs. 10 % en France)
    • Une économie proche de la frontière technologique : 30,1 robots industriels par millier d’emplois vs. 12,7 en France et 17,6 aux USA (IFR, 2016) ; 46 Md€/an de dépenses de R&D dans l’industrie manufacturière vs. 16 Md€ en France
  • …fruit d’une préférence collective
  • Reflux du chômage (5,6 % en 2017) aussi lié à des facteurs démographiques : jusqu’en 2015, la population active a diminué (-3 % population en âge de travailler entre 1998 et 2009)
  • Désalignement entre croissance économique et progrès social : taux de pauvreté (% de pop dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian) à 16 % vs. 14 % France, notamment hausse pour les chômeurs depuis 2004 (loi Hartz IV a réduit la durée des allocations chômage à 1 an) et indice de Gini à 0,3 (mesure des inégalités).
  • Faible part de l’investissement public réduit les dépenses publiques à court-terme mais handicape la croissance à long-terme : déficit d’investissement de 3 % du PIB (cf. France Stratégie, 2014), notamment secteurs petite enfance, infrastructures, énergie. France Stratégie propose seuil minimal investissement en Allemagne sans remettre en cause la règle d’or (0,35 % déficit structurel).

La Chine : un modèle extraverti

  • Un modèle de croissance par imitation
    • « Economie sociale de marché » : PIB multiplié par 31 en 26 ans (!) : de 361 Md$ (1990) à 11 200 Md€ (2016)
    • Prépondérance de l’investissement (50 % PIB vs. 36 % pour la consommation)
    • Une croissance extravertie : passée de 2 % en 1981 à 10 % en 2011 des exportations mondiales, dont 40 % vers UE et USA (induit une désinflation importée, cf. chapitre politique monétaire).
    • Notamment 1er exportateur mondial produits de haute technologie depuis 2003 (devant USA). 65 Md€ d’IDE/an car excès d’épargne (pic à 30 % du revenu disponible brut des ménages en 2009, cf. Trésor Eco, 2015). Mais vulnérable à un retournement de la conjoncture mondiale (ex. en 2008).
  • La recherche d’un rééquilibrage
    • Au plan externe : diminution de l’excédent commercial après un pic à +9,2 % en 2007 (+2,2 % en 2016). Selon Krugman (2015), le taux de change du Yuan, longtemps inférieur à son niveau d’équilibre (-20 % en 2006), est aujourd’hui légèrement surévalué.
    • Au plan interne : développement d’une protection sociale (réduit le taux d’épargne des ménages après le pic à 30 % RDB), hausse des salaires : +20 %/an en moyenne depuis 2005. Entre 1998 et 2014, le ratio CHI/USA en coûts salariaux unitaires passé de 40 % à 70 %. Montée en gamme et début de délocalisations (ex. Foxconn au Vietnam, où les CSU sont 3x inférieurs).
  • Des défis sociaux et environnementaux à surmonter
    • Fortes inégalités (Gini à 0,5) et faible classe moyenne (130 millions d’individus sur une population de 1,5 milliard)
    • Vieillissement démographique : 40 % de retraités en 2040 (politique de l’enfant unique) et taux de dépendance de 30 % en 2040 (ratio nombre de personnes +65 ans / population en âge de travailler : renseigne sur le besoin de financement en protection sociale)
    • 1er émetteur de GES, pollution 4è cause de mortalité. 1er investisseur dans les technologies vertes (50 Mds/an). Ex. leader sur la marché du photovoltaïque (60 % de l’offre mondiale).
  • Le rôle des institutions et de la gouvernance
    • Transition démocratique depuis 1992. 7 % de croissance/an en moyenne depuis 2010. Tertiarisation (services = 50 % PIB). Classe moyenne de 5 M d’habitants (20 % de la population, soit plus qu’en Chine < 10 %). Indice de Gini passé sous 0,4.
    • Acemoglu & Robinson (« Why Nations Fail? », 2012) : modèle inclusif (bonne gouvernance + protection sociale) vs. modèle extractif (une élite politique contrôle les rentes : ex. comparaison des deux Corée : même culture et géographie, mais niveaux de développement très hétérogènes). Pour le Ghana, environnement juridique/politique favorable aux IDE selon les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale.
    • Mais récemment : fort déficit public (9,6 % en 2014, réduit à 6 % en 2017), dépendance au cours des matières premières (or, pétrole, cacao) et programme d’assistance budgétaire du FMI (2014-2018).
  • Le rôle du commerce international vs. l’aide publique au développement
    • Frankel & Romer « Does Trade Cause Growth? » (1999) : l’ouverture au commerce est plus efficace que l’APD sous certaines conditions (accès à la mer et proximité géographique de pôles commerciaux).
    • +1 pt taux d’ouverture commerciale = +0,5 pt PIB/hab.
    • NB : APD = 100 Md$/an (les dépenses d’APD représentent ~0,4 % du RNB en France).
    • Ex. Vietnam : politique du Doi Moi (rénovation) depuis 1986 : entrée dans l’ASEAN en 1995 et dans l’OMC en 2007. PIB multiplié par 5 entre 1985 et 2011. Industrie = 40% du PIB notamment textile (forts gains de PGF). L’un des tigres asiatiques : 6 % croissance/an en moyenne depuis 2010.

3. Les défis

Comment rehausser la croissance potentielle en France ?

Accroche : Note conjoncture INSEE octobre 2017 : France +1,8 % PIB en 2017 : plus un sujet ? Mais certainement lié dynamisme demande extérieure (+3,3 % exports car +5,4 % commerce mondial), effets conjoncturels (pétrole stabilisé entre 50 et 60 $ d’ici fin année), mais toujours inférieure à ses voisins (+2,2 % en Allemagne et en moyenne zone euro, ESP +3,1 % car en rattrapage crise). Regain conjoncturel n’épuise pas sujet structurel de la croissance potentielle FR.
Définitions :
Croissance potentielle : augmentation soutenable à moyen et long terme de la production sans accélération de l’inflation. Rappeler incertitudes sur mesure et usages cf. Lettre du Trésor Eco : « La croissance potentielle en France » (2017).
Rehausser la croissance potentielle : relever le sentier de croissance : différent de relancer la croissance pour atteindre son potentiel.
Comment : question des leviers à activer, pas la question des finalités (autre sujet ou « faut-il rehausser ? »)
Problématisation : contexte budgétaire contraint (dette ~ 100 % PIB) et environnement concurrentiel (poids des émergents, mais aussi partenaires UE qui prennent des parts de marché), seules politiques conjoncturelles ou reprise extérieure ne suffiront pas à stimuler potentiel de croissance.
=> Quelles réformes structurelles pour stimuler les facteurs de croissance potentielle de la France ?
IA/ Faits stylisés :
Déclin tendanciel de la croissance potentielle depuis la fin des 30G : +4,5 % Y* 60-80s, +2,5 % 80-00s, +2 % 2000-2010, +1,25 % depuis la crise selon Trésor. En-dessous autres pays développés du fait mauvais fonctionnement des marchés.
Output gap négatif jusqu’en 2017 : écart de production demeure à 5 pts de base en 2016 (1,2 % vs. 1,25 %), mais se résorbe (35 pts de base en 2014 : 0,9 % de croissance cette année).
IB/ Théories :
– Modèle solowien de la croissance potentielle : K + L + PGF, dont L et PGF à long-terme. Apports du modèle de la croissance endogène : certaines formes de K peuvent aussi jouer.
– Avant la crise, ralentissement PGF commun à tous les pays développés : tertiarisation réduit les gains de PGF [Baumol, 1966] et faibles effets numérique (« techno-pessimistes » déjà Solow en 1987 : « on voit des ordinateurs partout, sauf dans les indicateurs de productivité », cf. Gordon, 2012 : vers « stagnation séculaire » et création emplois faible productivité).
Mais problème : Y* déjà en-dessous autres pays développés : mauvais fonctionnement des marchés (travail, accès au crédit, biens et services concurrence insuffisante not. énergie/transports, ce qui augmente le coût des intrants pour les entreprises), qualité insuffisante de la FBCF des entreprises (renouvellement vs. modernisation de l’appareil productif : ex. faible robotisation : plus de 2x moins de robots industriels/millier d’emplois que l’Allemagne), diffusion insuffisante de l’innovation (cf. chiffres R&D, brevets).
– Depuis la crise, effets d’hystérèse ont accru le chômage structurel (+ durée au chômage – chance retrouver emploi, cf. Blanchard & Summers, 1986) et destruction capital physique (-1 600 sites industriels entre 2008 et 2015) => réduit contributions facteurs L et K à Y*. Facteurs démographiques (dans le scénario dégradé de l’INSEE) : -1,5 M actifs d’ici 2060 = tendance pourrait se poursuivre.
IIA/ Bilan des politiques publiques :
Avant 2012, accroissement du coin socio-fiscal pour réduire le déficit public (+18 Md€ de PO sur les entreprises en 2011-2012) et logique timide d’investissement dans la croissance potentielle : grand emprunt Juppé-Rocard 2010 => PIA de 56 Md€ sur 2010-2017 dont plus de la moitié sur ESR (Idex, ANR, BPI).
– Dans d’autres pays, logique de baisse de la fiscalité du capital (taux IS moyen 25 % en UE vs. 33,3 % en FR), activation des politiques de l’emploi pour réduire le chômage structurel (FR : indemnisation chômage longue et généreuse) et investissement dans le K humain (ex. 36 % des adultes 25-64 ans participent à une formation professionnelle chq année en FR vs. 50 % en moyenne OCDE et 65 % pays scandinaves).
Depuis 2012, politique de l’offre pour relancer l’investissement : réduction PO entreprises pour stimuler la FBCF (-41 Md€ CICE/PRS => indice du prix du travail INSEE +2,3 % en 2012 vs. +1,1 % en 2015) : redressement du taux de marge des entreprises à 31,7 % en 2017 (vs. 29,5 % en 2014). Aujd, investissement des entreprises +3,4 % en 2016 et +3,9 % en 2017. Mais effets tardifs : financement CICE par hausse de TVA et économies budgétaires => la politique budgétaire continue de contribuer négativement à la croissance : -0,3 pt PIB en 2015 et jusqu’en 2019, cf. OFCE, 2017).
IIB/ Recommandations :
– Approfondir la politique de l’offre [jouer sur le facteur capital] :
–réduire fiscalité apparente sur le capital (PLF 2018 : bascule du CICE en allègements de cotisations employeurs pérennes : simplification et supprime l’effet retard du crédit d’impôt, flat-tax sur les revenus du capital à 30 %, suppression C3S)
–réorienter la dépense publique vers les investissements à rendement socio-économique élevé (logique du GPI : +57 Md€ en 5 ans sur numérique, transition énergétique, formation, transition énergétique ex. rénovation bâtiments, doit être financé par baisse dépenses moins productives ex. subventions au gazole, ferroviaire ou charges courantes des APU ex. selon audit 2017 Cour des comptes, moitié hausses dépenses de personnels APUL pas liée à décentralisation : économies de 1 à 2 Md€/an seulement en ramenant temps de travail effectif à durée légale 35H et taux d’absentéisme 2 à 3x plus élevé que dans privé).
– Réduire le chômage structurel [jouer sur le facteur travail]
–lever les freins à l’embauche (prévisibilité sur le coût des licenciements)
–renforcer les incitations monétaires à l’activité (ex. revalorisation de la prime d’activité)
–améliorer l’efficience du service public de l’emploi (appariement offre/demande de travail => ~100 K emplois vacants selon Pôle emploi). Cf. chapitre sur le marché du travail.
– Assurer une meilleure diffusion de l’innovation et améliorer performances éducatives [jouer sur la PGF] :
–bcp de dispositifs de soutien à l’innovation existent (CIR, BPI, PIA = effet +0,1 Y* sur 2010-2020 selon Rexecode) mais sous-investissement dans les TIC. Mieux cibler les aides à l’innovation (IGF, 2015) pour augmenter le niveau de qualité de l’investissement (France Stratégie, 2017). Le cas échéant aussi stratégie européenne d’investissements communs notamment si budget de la zone euro (cf. chapitre ad hoc).
–Combler retard sur l’éducation : décrochage 25 % dans le secondaire, faible attractivité du métier d’enseignant (salaires 33 K$/an vs. 38 K$ en moyenne OCDE), écart 1 à 3 avec US & UK dans classement Shanghai pour le supérieur => investir dans la formation = réduire la taille des classes (IPP, 2017), réinvestir sur le primaire, mobiliser financements privés dans le supérieur (18 % des ressources vs. 32 % en moyenne OCDE) et simplifier le fonctionnement de l’apprentissage (CAE, 2014).